Le festival de musique contemporaine Mama Jaz bat son plein et, comme toutes les semaines, Week-End recueille les impressions des artistes à une semaine de leurs prestations sur scène. Ce dimanche, nous accueillons le Kolektif Desvaux-Bertin composé de Kristof Bertin, Patrick Desvaux, Steve Desvaux, Samuel Laval et Dean Nookadu qui se confient sur l’avenir du jazz mauricien. Ce Kolektif sera en concert au Caudan Arts Centre le mercredi 20 avril. Samuel Laval sera, lui, au Hennessy Park Hotel avec le Samuel Laval Trio le vendredi 22 avril. Et Dean Nookadu sera le dimanche 24 avril à Sol Fami.
À quoi le public doit-il s’attendre pour votre concert, en termes de composition et de prestation ?
Dean Nookadu : Il doit s’attendre à des mélodies agréables qui, j’espère, lui feront plaisir. Ce ne sera pas une musique compliquée. Elle peut être considérée comme une forme de Lounge music, car ce sera en live streaming dimanche soir et les gens pourront apprécier ce moment musical en toute tranquillité. Il s’agit d’une musique cool complètement différente de ce que j’ai l’habitude de faire et c’est une partie de moi que beaucoup de personnes ne connaissent pas, avec des accords simples et pas de rythmes compliqués… Le public doit, donc, s’attendre à une musique simple, accessible, et j’espère qu’il appréciera.
Samuel Laval : En termes de composition et de prestation, ce sera aussi une surprise pour nous, car on essaie de concocter quelque chose de nouveau en trio et on espère que cela plaira au public quand le moment viendra.
Patrick Desvaux : Ce concert sera un mélange de différents styles et par ailleurs, c’est mon influence qui se reflète dans mes compositions. Il y aura le côté rock, funk, avec une base harmonique et jazz. Bref, ce sera une fusion.
Kristof Bertin : Oui, il faut s’attendre à un mélange d’influences de Patrick, Steve et moi, d’autant que nous trois, nous avons différents styles. Cependant, nous sommes parvenus à trouver un terrain d’entente. On a aussi une culture sega qui est très présent dans la musique de Patrick et de Steve, il faut donc s’attendre à cela. Et il y aura aussi cette influence jazz qui embellit, au final, toutes les musiques. Vous voyez, le jazz est tellement riche que si l’on essaie de le fusionner à d’autres styles, il apportera tout de suite une autre touche. Et en termes de prestation, l’on sait que quand on adopte ce style de musique, il n’est pas forcément celui qui fait danser le corps, mais l’esprit et l’âme. Pour nous musiciens de jazz, notre prestation est différente, car on doit avoir un certain niveau de concentration. C’est drôle, car les gens peuvent penser qu’on boude ou qu’on est en colère en nous regardant jouer sur scène, mais c’est juste notre niveau de concentration. Et ce n’est pas forcément compréhensible de tous, car les gens ont l’habitude de voir des groupes qui s’amusent ou qui dansent sur scène et, encore une fois, cela dépend des styles.
Steve Desvaux : Le public doit s’attendre à un bon concert. Il faut, donc, garder l’esprit ouvert et tout simplement apprécier. En termes de composition, il y aura des morceaux de jazz moderne de Patrick, certains revisités et certains seront de nouvelles compositions. À découvrir.
Le jazz a-t-il de beaux jours devant lui à Maurice ? Et quid dans les îles de l’océan Indien ?
Dean Nookadu : Définitivement. Que ce soit à Maurice ou dans les îles de l’océan Indien ! Beaucoup disent que le jazz c’est comme la musique classique et il y aura toujours des gens qui diront “j’n’aime pas ça”, et pourtant il y a toujours des concerts complets qui se tiendront, suivis par des ventes. Toutefois, il est vrai qu’il ne touche pas la population en général, mais on a petit public qui grandit avec des jeunes qui ont maintenant accès à cette musique-là grâce à Internet et qui choisissent justement de s’intéresser à une musique plus complexe et plus recherchée. Donc, définitivement à Maurice, le jazz prend de l’ampleur, même si on ne le voit pas, mais elle est là, à travers la jeune génération qui s’intéresse à une musique différente de la mainstream music industry. J’espère que dans 50 ans, il y aura une plus grande population qui aimera une musique différente et pas uniquement une musique à être consommée. On a toujours le choix musical et il y a de plus en plus de jeunes qui ont pris la décision d’écouter quelque chose de différent et qui, finalement, se retrouvent dans le jazz.
Samuel Laval : Oui, en effet, le jazz bouge malgré les combats et difficultés rencontrées en tant que musicien. Il y a une lueur d’espoir avec Mama Jaz et les autres plateformes, malgré les obstacles, mais la musique progresse.
Patrick Desvaux : Je crois qu’il y a beaucoup de jeunes qui s’y intéressent et il y a une mari évolution car, de nos jours, il y a la possibilité, grâce aux plateformes en ligne comme YouTube et autres, d’écouter cette musique. Dans l’océan Indien aussi, il y a pas mal de progrès au niveau du jazz, comme à La Réunion qui avance dans ce domaine. Il y a aussi beaucoup de musiciens de jazz à Madagascar. Malheureusement, le Covid a un peu freiné les choses, mais je pense qu’après la pandémie, il y aura une effervescence de jazz à Maurice et dans les îles de l’océan Indien. Du moins, je le souhaite.
Kristof Bertin : Je vais commencer par l’océan Indien, car à La Réunion, aux Seychelles et à Madagascar, des organisateurs de concerts se battent pour promouvoir cette musique. Je pense aussi que les peuples de ces îles ont une conscience musicale portée sur le jazz. D’ailleurs, les radios passent des morceaux de jazz assez souvent. Ces peuples-là ont, donc, été éduqués à cette musique et, forcément, il y aura plus d’organisateurs qui mettront la main à la pâte pour faire le jazz avancer. À Maurice, c’est lent, mais il est là et pour cela, je dis un grand merci à Gavin Poonoosamy qui a créé l’événement Mama Jaz. Avant, il y avait Cyril Michel et l’IFM aussi, mais on ne les entend pas pour le moment. Celui qui a tenu bon est Gavin et pour cela, chapeau ! Tous les ans, il fait ce qu’il faut pour permettre aux musiciens mauriciens qui ne jouent pas forcément du jazz, mais qui y portent un intérêt, de s’exprimer. Au public maintenant d’ouvrir leurs oreilles, leur âme et leur esprit pour se laisser emporter.
Steve Desvaux : Le jazz à Maurice doit être plus visible dans les médias. Dans l’océan Indien, il y a plusieurs plateformes de jazz et c’est l’occasion pour les jeunes et autres de pouvoir s’exprimer. L’on devrait faire de même.
Mama Jaz
Qashmere et un public charmé
Pour ceux qui n’étaient pas au concert de Qashmere, mercredi, au Caudan Arts Centre, revivez en images ce moment de grande musique. Avec New Bucktowar au saxophone, Ashnil Munisamy à la batterie, Dean Nookadu au piano, Denis Serret à la basse et Nikhil Shibnauth côté voix, les spectateurs étaient aux anges et ont même demandé un dernier morceau avant de clore le concert ! Retour en images.