MEERA MOHUN: Libraire à la page

On la connaît comme chanteuse, mais moins comme libraire. Meera Mohun évolue dans le monde des livres depuis maintenant trente années. Une autre de ses passions éventée dans sa librairie sise à la rue Bourbon, Le Book World. Rencontre.
Entre les buildings port-louisiens et des passants déambulant dans la rue Bourbon, sans voir ce que proposent les fleuristes bordant ce passage vers les grandes banques. Juste un instant pris par certains pour déjeuner sur le pouce : quelques boulettes chinoises, histoire de humer les vapeurs fumantes des bouis-bouis. Les éructations des voitures et des mobylettes pétaradantes échappent aux employés de bureaux en quête de nourriture dans une jungle de béton.
Oasis.
Une femme attend, entre rumeurs des klaxons et brouhaha. Soudain l’éclair d’un sourire : une invitation lancée à la suivre dans un autre univers. Un autre monde. Celui des livres, rangés dans les rayons de sa discrète librairie, sise au 17, rue Bourbon. Le Book World apparaît au milieu des activités citadines comme une oasis. Quelques passants s’arrêtent pour profiter de la climatisation et feuilleter des pages, loin de l’effervescence du quartier, où l’on parle affaires ou salaires, quand il ne s’agit pas de chaleur…
Une essence de Nina Ricci flotte sur Meera Mohun et la suit dans ses déplacements dans cet espace dédié aux livres. Des ouvrages de référence et de la lecture pour tous les goûts, entre autres romans de littérature jeunesse et best-sellers; des ouvrages essentiellement en langue anglaise car plus accessible que ceux en français. Une affaire de devise influe sur les tarifs pratiqués par les fournisseurs, selon que ces derniers soient européens ou indiens.
Nourriture spirituelle.
Ce n’est pas Meera la chanteuse que Scope rencontre aujourd’hui, mais une libraire qui partage sa passion avec ceux qui ont envie de nourriture spirituelle. “Je voudrais rendre les livres accessibles à tous et à tous les porte-monnaie. Il faudrait que les jeunes n’achètent pas que des manuels scolaires mais prennent également plaisir à une lecture pour le plaisir”. Probablement comme elle-même dévorait des contes et des romans de Mills and Boon, durant une adolescence rêveuse et imbibée d’eau de rose.
On ne s’étonnera pas que, devenue femme, Meera Mohun chante les coeurs épris. “Je crois que la lecture a affiné mon imaginaire et a éveillé ma créativité. Car, non seulement les livres cultivent, mais ils forgent aussi le caractère.”
Ces paroles de libraire sont interrompues par les sonneries du téléphone. Un fournisseur de Mumbaï à l’autre bout du fil. Elle semble préoccupée mais répond dans un anglais fluide et agréable. Elle demandera par la suite à une de ses employées de rappeler l’Inde.
Polyglotte.
Comme quoi, être libraire n’est pas une sinécure. “Il faut toujours se tenir sur le qui-vive si l’on veut être à la page.” Ici, pas le temps de pousser quelques raag. Toujours ce téléphone qui sonne et qui amène Meera Mohun à mettre en avant ses atouts de polyglotte. Meera Mohun parle français, speaks english, koz kreol, hindi bolti hai et bhojpuri bolela. Elle anime, trois fois par semaine, une émission radio en bhojpuri sur les ondes nationales.
Un client débarque, balaie les rayons du regard, et entame un brin de causette avec la responsable des lieux. Qui répond avec philosophie à ses interrogations :
– Namaste. Problem MASA kinn arive sa ?
–  Kan ena boukou dimounn, ena boukou lopinion ki bizin respekte.
Meera Mohun a tourné la page sur ce chapitre et poursuit sa lecture vers un dénouement heureux. L’histoire ne dit pas lequel pour le moment. Mais tout vient à point à qui sait attendre.

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