POÉSIE,CATHERINE BOUDET:Mourir et renaître à la poésie

« Le Grand Prix de poésie Joseph Delteil 2012 a été décerné à la journaliste et écrivain réunionnaise installée à Maurice, Catherine Boudet, pour son recueil Les Laves bleues, dans lequel de nombreux poèmes sont consacrés à l’île Maurice. La remise du prix aura lieu le samedi 8 décembre 2012 prochain, au centre historique de la Place Saint Ravy, à Montpellier, France, dans le cadre des 70èmes jeux littéraires Méditerranéens. »La nouvelle nous est parvenue la semaine dernière dans un communiqué de presse. Catherine Boudet, l’auteur de quatre recueils de poésie, Résîliences (L’Harmattan, 2007), Le barattage de la mer de lait (Ndze, 2009) Nos éparses nos sulfureuses (Acoria, 2010) et Haïkons, petits poèmes à emporter (Kirographaires, à paraître, novembre 2012), consacrée pour cette écriture poétique qui veut croire en elle-même, croire qu’elle parviendra à combler le vide de l’être. Catherine Boudet est un bel exemple de confiance dans le pouvoir fondateur du langage. La poétesse écrit encore et encore. Le vouloir-dire est chez elle un pouvoir qui rebondit sur le néant. Si les mots de Catherine ont surgi du monde, du réel, de l’obscurité première, ses poèmes en même temps font renaître de leurs cendres des lieux sur lesquels est gravée la blessure d’un manque. Le receuil poétique de Catherine se construit sur l’obscurité première : « C’est dans ma tête qu’il faut toutes les nuits / Laisser la lumière allumée / Pour se défaire des ombres lancinantes… ». Ensuite, elle avance en quête d’un réel qui n’est pas donné, qu’il faut aller chercher chez cet inconnu, derrière la face cachée des choses : « Tu sais que mes soleils s’affolent de ton absence / Que ma terre fuse d’une recherche sans nom / Que l’insolite se fait miroir / Moi je veux délier le filet d’étoiles qui retient captive la nuit / Il s’échafaude d’étranges brises dans le silence d’un coeur en attente / Où l’un et le multiple se répondent / Aller en cavalcade jusqu’au désir de l’Autre / … » La poésie de Catherine conserve un centre absent et se fonde dans une sorte d’appel désespéré comme s’il fallait sans cesse espérer un retour à d’anciens mirages. La poétesse multiplie les conjonctures en lutte contre des silences inéluctables. Partir, demeurer : il y a un incessant balancement des contraires et un jeu de paradoxes dans la poésie de Catherine Boudet. L’ombre et la lumière dialoguent dans la douleur la plus aigüe, dans le désoeuvrement total. Parole solitaire, complexe, la parole poétique de Catherine est un appel à l’amour (perdu) et tente de lutter contre le vide : « Je t’écrirai un poème muet qui te dira ce que tes yeux ont planté dans le désert de mon coeur. Le mot, ce seul sanctuaire dans le culte du vide. Versez, je vous prie sur mes pieds la féerie du poème, que j’y retrouve l’oubli et la fatalité… » La poésie de Boudet est un état d’expériences (dans la signification brisée, le bruissement confus de la langue) qui se heurte le plus souvent au vide. Elle s’éclaire parfois d’une lumière qui s’accompagne d’un bleu pur, synonyme d’un élan mystique, d’une révélation qui semble apaisante : « Le vide / Ne touchez pas / Je suis partie très loin / Les lumières / Sections de vie autour / Ce bleu / L’horizon en démolition / Ne touchez pas / Très loin très fort l’espoir a cogné dur / Je cherche quand l’eau sale s’est mélangée au bleu / … » Tout le paradoxe de cette poésie réside dans la recherche d’un ici et là-bas qui se définit parfois dans les veines bleutées de la malédiction. Une poésie qui sait le leurre de sa quête, mais il y a l’espoir de ce bleu. Le mouvement lyrique abonde dans cet unique sens. Nous dirons aussi que la poésie de Catherine se signale par des textes brefs qui occupent la page blanche, jouent de leur rythme et d’une forme de chant saccadé, syncopé. Ce pli sonore sur la page répond à la fracture, au déchirement et autres motifs de ses textes. Et plus encore, il y a la chair, la figure du corps-césure traversé par le temps dans les coupes du vers :  » Effleurer jusqu’à l’épanouissement / Sa peau / Ses lèvres / De cette douceur qui fait rage dans la braise des doigts enlacés / De nos doigts enlacés… » Elle évoque aussi la quête de l’horizon, l’attente, le lien de l’écriture avec les mouvements du cosmos. Voilà ce qui nous touche dès que l’on pose l’oeil sur le poème de Catherine Boudet.

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