PORTRAIT : Orlando Félicité, la fibre agricole

Les portraits constituent un échantillon de ce dont sont capables ces femmes et ces hommes qui ont contribué au développement socio-économique à Maurice et ailleurs. Ces témoignages représentent un moment émotionnellement fort du livre « Un pays, un peuple, une banque », publication qui retrace la riche histoire de la MCB et celle du pays. (Voir le compte-rendu du livre en page 34.) Nous vous proposons portrait intégral d’Orlando Félicité tel qu’il est présenté dans le livre avec l’aimable collaboration de la réalisatrice du projet Adi Teelock.
A 34 ans, Orlando Félicité a de quoi être fier : cet habitant de Rivière Coco, un village côtier au sud de Rodrigues, accumule diplômes et succès professionnels. Il est étudiant en première année à l’Université de Maurice lorsqu’il entend parler de la toute nouvelle Rodrigues Scholarship – une bourse octroyée par la MCB depuis 2000, qui soutient financièrement de brillants étudiants rodriguais prévoyant de retourner au pays après leur cursus. Orlando fait une demande pour la bourse car il est persuadé qu’il peut y arriver : il a un vrai projet pour son pays, et il est passionné par la matière qu’il a choisie, Agriculture et Sciences environnementales.
En effet, Orlando cultive depuis son jeune âge une passion pour l’agriculture. Pendant les week-ends, il joue aux billes et au football avec ses copains, et va à la mer ; mais il passe aussi beaucoup de temps à aider ses proches dans les champs et les pâturages.
A Rivière Coco, il y a de quoi faire : pêche, mais aussi récolte de légumes dans la vallée – patate douce, maïs, manioc, carottes – et élevage dans les montagnes où les terres sont moins fertiles. Sa mère travaillant à l’hôpital, c’est donc son père (qui travaillait dans les services agricoles) et ses grands-parents qui l’initient aux ouvrages de la terre. Ils l’encouragent « à se lancer », et lui inculquent les valeurs du travail et de la discipline.
C’est une vie bien différente qui attend Orlando à Maurice : loin des paisibles campagnes rodriguaises, il doit s’adapter à un mode de vie plus urbain et se faire des amis. « Il faut être moralement préparé », confie-t-il. Orlando habite alors Grand-Baie, et le trajet pour l’université à Réduit est long. Mais le jeune étudiant en a l’habitude : à Rodrigues, où il fréquentait le Rodrigues College de Port Mathurin, il marchait souvent plus de 30 minutes avant de monter dans le bus qui l’emmenait à l’école – une heure et demie de trajet au total. En sortant du collège, Orlando Félicité travaille comme Clerical Officer pendant deux ans afin de pouvoir payer l’université à Maurice. « Je voulais aller plus loin ; j’ai donc postulé pour l’université avec mes petites économies », explique-t-il. Il jubile lorsqu’il obtient la bourse en 2000 : « Je n’étais pas angoissé, mais j’attendais le résultat avec impatience. Vu les dépenses que j’avais à effectuer à Maurice, je savais que cette bourse allait constituer une aide importante pour moi. » Lorsqu’il commence son cursus, il sait immédiatement qu’il a fait le bon choix : les cours sont passionnants et il apprend chaque jour. Au-delà de l’enseignement théorique, de nombreux site visits sont organisées et les étudiants sont encouragés à passer du temps à expérimenter « sur le terrain » : chacun cultive son lopin de terre afin de recueillir des informations et soumettre son rapport. Certains modules comme l’aquaculture et surtout les sujets liés à l’environnement fascinent le jeune étudiant. Orlando se dit d’ailleurs très sensible à cet aspect et maintient que « tous les développements [dans le domaine agricole] doivent être faits en considérant l’environnement ». Témoin d’une inquiétante dégradation environnementale dans son île natale, notamment l’érosion et les problèmes liés au traitement des déchets, Orlando est heureux de voir plusieurs initiatives se développer, comme les parcs marins, qui luttent contre la baisse du nombre de poissons dans les lagons. Il compte bien apporter sa pierre à l’édifice, et affirme vouloir « contribuer au développement de Rodrigues ». Son diplôme en poche, Orlando Félicité rentre à Rodrigues en 2004 et accepte un poste de Technical Officer et par la suite de Scientific Officer à la Commission agricole. Mais sa soif de connaissances n’est pas assouvie, et avec le soutien d’une bourse octroyée par la Tertiary Education Commission de Maurice, il prépare une maîtrise spécialisée dans la gestion des déchets. Ces connaissances supplémentaires lui sont utiles puisqu’il « rêve de travailler dans l’environnemental » et en particulier sur les déchets municipaux et d’élevage. Pour Orlando, il faut être formé si on veut innover et développer de nouvelles technologies. De plus, il est important de mettre en pratique ses acquis car « ce serait bête de faire des études mais de ne pas s’en servir ». La clé du succès académique ? « Il n’y a pas de secret », dit-il en souriant. « Un travail sérieux et régulier, de la confiance en soi, et de la discipline. Il faut aussi beaucoup aimer ce que l’on fait ! » L’étudiant raconte avec entrain l’attente des notes et la fierté qu’il ressent à chaque réussite universitaire. « A l’annonce des résultats, c’est vraiment la joie ! »
Orlando prépare actuellement son doctorat, mais il est aussi posté au ministère de l’Agro-Industrie à Maurice dans le secteur de l’élevage. En parallèle, il travaille avec ses collègues rodriguais sur des stratégies de développement durable. Il faut, selon lui, changer le système d’élevage à Rodrigues – et progressivement remplacer le système extensif par un système intensif où les pâturages sont clôturés et les animaux mieux contrôlés. Mais bouleverser les pratiques traditionnelles des agriculteurs se révèle un grand défi : le gouvernement doit pour cela proposer un programme d’éducation et offrir des facilités financières. Avoir un père issu des services agricoles est un atout majeur pour Orlando : « Il faut comprendre comment cela fonctionne pour venir avec de nouvelles idées », dit-il. En 2010, la MCB a célébré les 10 ans de la Rodrigues Scholarship, offrant la possibilité aux boursiers de se rencontrer. Pour Orlando Félicité, le premier lauréat, « c’était un grand moment », car il sent qu’il a pu donner l’exemple. « J’aime voir les autres réussir », s’exclame-t-il. « J’aime quand ça bouge ! » A l’image d’Orlando, ces ambitieux boursiers représentent aujourd’hui un réel atout pour l’avenir de Rodrigues.

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