«LE PRÉNOM» AU THÉÂTRE SERGE-CONSTANTIN : Un dîner loin d’être parfait

Les Lurons du Théâtrte est une petite troupe de bons – on peut même dire de très bons – amateurs mauriciens qui ont tous fait du théâtre à gauche et à droite. Réunis par Denis-Claude Koenig, leur premier travail commun a été une adaptation de la pièce Mauritius présentée dans l’île il y plus d’un an. Pièce en anglais un peu adaptée au contexte mauricien qui avait connu un succès mérité. Pour sa deuxième mise en scène, Denis-Claude Koening a repris, à une exception, les mêmes acteurs. En effet, c’est le Suisse Daniel Pion qui remplace Pascal Lagesse, qui ne fait pas partie de la distribution.
Avant toute chose, il faut saluer, en ces temps de facilité et de moindre effort intellectuel, la détermination des Lurons du Théâtre. Alors que l’on a tendance à attendre la diffusion des événements culturels par la télévision ou en version CD, cette troupe prend le temps de choisir une pièce, de l’apprendre par coeur, de la mettre en scène et de consacrer plusieurs semaines de répétitions pour la présenter au public. Il faut aussi saluer l’audace qui consiste à reprendre une pièce dont la version cinématographique vient tout juste d’être diffusée sur Canal +, avec Patrick Bruel dans un des rôles principaux. Audace qui va permettre au Mauricien de se livrer à un de ses jeux préférés : celui des comparaisons. Surtout quand elles ne sont pas comparables.
Au vu de la répétition de jeudi dernier, il aura quelques surprises ce spectateur amateur de la pièce «du dehors» montée venu de Paris v/s celle montée «ici même», localement. La version mauricienne du Prénom tient la route grâce à une mise en scène discrète et à des acteurs déjà à l’aise dans leurs personnages et avec leurs répliques. Comme il reste encore une semaine aux comédiens avant la première, il ne fait aucun doute que les ratés ou les mauvais départs de jeudi dernier seront dépassés et que le spectateur aura droit à un bon spectacle.
Le Prénom est une pièce qui se déroule comme un concert où chaque personnage a son morceau solo à un moment donné. Ce qui donne à chaque comédien SA scène et lui permet de montrer un aperçu de ses possibilités. Au départ, le thème est, en apparence, d’une grande banalité souvent utilisée au théâtre : cinq amis d’enfance, qui pensent bien se connaître, se retrouvent pour un dîner entre potes. C’est un dîner marocain entre Parisiens plus ou moins intellos qui adorent pérorer, étaler leur culture comme de la confiture, s’écoutent parler, jouer avec les phrases, les mots, les décortiquent, les saucissonnent avant de les reconstituer.
Mais grâce à une blague stupide qui devient le sujet de conversation de la soirée, le dîner va tourner à l’affrontement, au procès de chacun des dîneurs par les autres, à tour de rôle. Les non-dits vont surgir, les vieux comptes que l’on croyait oubliés se régler. Le tout agrémenté de quelques coups de théâtre et de multiples répliques assassines au fur et à mesure que le vernis éclate sous la poussé de sentiments longtemps refoulés. Le dîner dégénère au point de devenir un conflit frontal, viscéral, en dépit des tentatives des uns et des autres de recréer une bonne ambiance. Le jeu de mots devient jeu de prénoms, simples, composés, analyse de leur signification sociale et historique et de leur interprétation. Le dîner devient affrontement de classe, de sexe, d’affinités, de groupe en perpétuelle recomposition, de jeu de pouvoir.

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