REPORTAGE: Les Mozart du numérique

Il y a encore quelques années, il était presque impensable de créer de la musique sans maîtriser un instrument, ou de réaliser des enregistrements de standard professionnel ailleurs que dans un studio dédié. Aujourd’hui, grâce à l’ordinateur, tout est possible. Nombreux sont ceux qui, comme Vivian, ancien membre du groupe Etae, poussent les limites de leurs compositions à l’aide d’un simple logiciel. Des musiciens utilisent cette alternative, moins coûteuse qu’un enregistrement dans un studio professionnel. Le numérique au service de la musique…
Pendant que ses amis profitent des vacances scolaires, il s’immerge dans l’étude des compositions musicales. Pour Vivian, la musique est une science dont il veut percer les mystères. “Qu’est-ce qui fait que certains morceaux nous procurent des frissons ?” Cette question le taraude depuis des lustres. Le jeune homme est persuadé qu’il trouvera la réponse en maîtrisant le plus d’instruments possibles. Mais il n’est pas offert à tout le monde de se payer plusieurs instruments et accessoires de musique.
Vivian s’est tourné vers les instruments virtuels. Aujourd’hui, il réalise des pièces qui seraient impossibles de faire de manière conventionnelle. Comme cette symphonie montée en trois jours sur un ordinateur modeste, sans qu’il n’ait eu à faire appel à l’intervention d’un grand orchestre. “Les gens qui écoutent ma musique sont étonnés du réalisme. Ils ne s’imaginent pas qu’elle a été faite par une simple personne, sur un simple logiciel.”
Alternative.
On associe souvent les logiciels de création de musique au genre électronique ou à des outils professionnels que seul un ingénieur du son pourrait manier. Mais que se passe-t-il quand un simple musicien s’y met pour simuler un groupe en entier ou pour donner de la couleur à des compositions déjà existantes ? De par le monde, beaucoup de gens le font déjà, sans avoir recours à des enregistrements en studio. À Maurice, le coût onéreux pour enregistrer un seul morceau afin de réaliser une maquette peut décourager. “Payer Rs 700 l’heure pour une prise brute de l’ensemble n’est pas évident pour les petits groupes”, confie Vivian.
Les logiciels de création deviennent alors des alternatives séduisantes. On ne parle pas là d’un son synthétique de l’illustre format MIDI qui ressemble aux échantillons prédéfinis présents sur plusieurs claviers électroniques, mais de véritables studios virtuels. Parmi les plus populaires : FL Studio, Cubase, Reason, SONAR, Reaper, Studio One et Logic Pro. Ils permettent tout, du mixage au mastering, et offrent toute une gamme d’instruments numériques optionnels qui ne requièrent que des notions musicales basiques pour être utilisés.
À la portée de tous.
“Les artistes qui n’ont pas beaucoup d’argent viennent souvent me voir pour me demander de monter leur maquette. Ils ne réalisent pas que c’est quelque chose qu’ils auraient pu faire eux-mêmes avec un peu de patience.” Des Vivian, il y en a certainement beaucoup. Mais son histoire est une source d’inspiration pour ceux qui n’ont pas les moyens de démarrer leurs projets musicaux. “Je n’avais même pas d’ordinateur chez moi lorsque je m’initiais.” Il ne dispose à l’époque que d’une guitare acoustique et d’un vieux clavier. Lors de soirées passées chez des amis qui possèdent un PC, il découvre ces curieux logiciels de musique. “Lorsque mes amis dormaient, je demeurais toute la nuit devant l’écran pour essayer d’en tirer un son décent.”
L’utilisation de ces applications est souvent intuitive. On enregistre à partir d’un micro ou en branchant un instrument à l’entrée “ligne” de la carte son. Chaque prise est ensuite placée sur une piste qui est reliée au mixeur principal à partir duquel on peut ajuster les volumes, l’égalisation (basse, médiums, aigus, etc.) et attribuer des effets sonores en un simple clic. Le reste n’est généralement que du copier-coller sur le tableau principal pour structurer le morceau final.
Ces logiciels comprennent généralement des VSTi (Virtual instruments), faits à partir de prises d’instruments réels. Par exemple, on enregistre une note de violon, on l’insère dans le logiciel qui génère automatiquement d’autres notes accessibles à l’utilisateur, sans compromettre la qualité du son original. Une palette d’instruments est cependant déjà offerte et il n’est pas nécessaire de jouer du piano pour en programmer, ni d’avoir une connaissance en solfège. Le procédé ressemble visuellement à l’assemblage des blocs Lego où chaque bloc correspond à une note musicale que l’on place sur une plate-forme (appelée le piano roll) pour former des mélodies.
Fierté.
Ce qui sonnait comme un bruitage incompréhensible pour Vivian s’est progressivement transformé en de réelles compositions. “D’ailleurs, j’ai peu de temps après présenté une maquette lors d’un concours musical organisé par le Centre Charles Baudelaire. D’autres groupes envoyaient des enregistrements professionnels faits dans des studios. J’ai été qualifié.”
Vivian achète par la suite son propre ordinateur et va plus loin. C’est également en faisant des maquettes à faible tarif pour d’autres musiciens qu’il a pu financer ses cours à l’université. Mais pour lui, ce n’est pas qu’un simple outil rentable, ni une voie facile. “Je me sens plus proche de ma musique de cette manière. Je comprends mieux les instruments”, avoue le jeune homme. Il retrouve finalement ce frisson qu’il recherchait à travers les couleurs affichées des pistes soigneusement placées sur son logiciel. Telle une fresque qu’on admire fièrement avant de lancer le dernier coup de pinceau. Virtuelle ou pas, l’expérience acquise en devenant son propre maestro se transcrit dans la vie réelle et fait de lui un meilleur musicien.

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