(5 janvier 1982) Navin Ramgoolam:« Je n’ai aucune ambition politique, mais suis disposé à descendre dans la mêlée »

Le fils de sir Seewoosagur Ramgoolam, Navin, n’a pas d’ambition politique. Il l’a dit à Michel Dedans de Week-End, à 48 heures avant que son père, le Premier ministre, ne s’adresse à la population à l’occasion du Nouvel An. Celui que beaucoup de politiciens, principalement ceux du Parti travailliste, soupçonnent de prendre la succession de SSR, au sein de son parti, ne cache pas que la chose politique l’intéresse. Mais il n’est pas disposé à ‘descendre dans la mêlée’ si certaines conditions ne sont pas réunies pour cela. S’il ne croit pas au ‘droit divin’ ou au système dynastie en politique, ni ne réclame aucun privilège ou droit du fait qu’il est le fils de sir Seewoosagur Ramgoolam, il se permet, toutefois, de proposer aux diverses tendances au sein du Parti travailliste de faire bloc en vue des prochaines élections sous peine de perdre le pouvoir.
Dr Navin Ramgoolam admet que son père ne voudrait pas qu’il fasse de la politique, mais que son épouse, Veena, y est favorable; qu’il n’a porté aucun choix sur une circonscription particulière parce qu’il attache beaucoup plus d’importance à l’équipe de candidats, laquelle, si elle est le reflet des aspirations de l’électorat travailliste, devrait, dit-il, éprouver très peu, de difficulté pour se faire élire.

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Dr Navin Ramgoolam, dans quelques semaines vous aurez terminé vos études de spécialisation en cardiologie, en même temps que seront organisées les élections législatives cruciales pour le pays. Jamais l’éventualité d’une défaite électorale n’a été si évidente pour le Parti travailliste, dont le leader est votre père, sir Seewoosagur Ramgoolam. En d’autres mots, que ce dernier est sur le point de perdre le pouvoir. Si vous en êtes conscient, comptez-vous descendre dans l’arène politique pour vous battre aux côtés de SSR aux prochaines élections générales ?

Il ne faut pas tirer les conclusions trop hâtives, à partir des difficultés économiques actuelles, pour prédire une défaite des travaillistes aux prochaines élections générales. Mais je me garderai bien également, de faire preuve de trop d’optimisme, car rien n’est statique en politique. À l’île Maurice encore plus, car tout peut basculer à la suite des événements imprévisibles. Cela dit, je me dois de préciser certaines choses. Je n’ai aucune ambition politique. Je suis le fils de sir Seewoosagur Ramgoolam, et j’en suis fier. Il se trouve que mon père est le Premier ministre de l’île Maurice. C’est un fait. Mais cela ne me donne aucun droit, aucun privilège et aucun pouvoir, contrairement à ce que croient beaucoup de gens. Parce que c’est ainsi que j’ai voulu que cela soit. Je ne compte pas changer ma conception des choses.

Malgré ses 82 ans, mon père est conscient de la gravité des problèmes auxquels fait face le pays et de l’importance cruciale pour l’île Maurice des prochaines élections générales, où deux conceptions économiques s’affronteront pour deux choix de société aux Mauriciens, réservant mes commentaires pour d’autres lieux et en d’autres circonstances. Mais j’ajouterai que je suis conscient que l’enjeu du prochain scrutin est tellement important que je pourrais me lancer, moi aussi, dans la bataille électorale, afin d’apporter ma contribution à celle des autres pour remporter la victoire.

Vous comptez donc être candidat aux prochaines élections générales sous la bannière du Parti travailliste. Mais est-il vrai qu’un conflit vous oppose à sir Seewoosagur Ramgoolam, sur votre engagement en politique, son orientation politique et les ‘courtisans’ autour de lui ?

Je ne cacherai pas qu’il y ait une opposition de mon père à mon engagement en politique. Son opposition est fondée sur son expérience personnelle de la politique. Il m’a dit qu’il ne voudrait pas me voir subir les mêmes contraintes qu’il a endurées en tant que politicien, tout en me laissant libre de tout choix. Je précise que je n’ai encore pris aucune décision en ce qui concerne ma participation en tant que candidat aux prochaines élections générales, laquelle dépendra de plusieurs facteurs, déterminants. Je ne cache pas que mon choix est associé à des exigences qui reflètent le désir de changement de la population auquel je suis particulièrement sensible.

Comme on peut le voir, ma volonté de me battre est aiguisée, mais il faut que plusieurs circonstances soient réunies pour que je descende dans l’arène et que je consente à un engagement physique. Je ne suis pas disposé à relever le défi si les principes auxquels je crois ne sont pas respectés et maintenus, envers et contre tout. C’est à ce prix, et à cela seul, que je me jetterai dans la mêlée. Ce n’est pas faire preuve de prétention que de faire connaître les conditions d’un engagement politique.

Faut-il que cet engagement obtienne, au préalable, le consentement de votre épouse. S’est-elle préparée à cette éventualité, ou a-t-elle, au contraire, soulevé des objections ?

Mon épouse Veena partage mes opinons politiques et les conditions de ma participation aux prochaines élections générales. Elle sera d’un atout particulier dans mon combat, car son expérience universitaire en sociologie me sera d’une très grande aide dans une campagne électorale qui promet d’être particulièrement passionnée. Mon épouse a vécu dix-huit ans en Grand-Bretagne, et ses études en matière de relations raciales l’aideront à mieux comprendre les problèmes qui ont surgi depuis l’indépendance du pays. Il est dommage, cependant, qu’on ne puisse pas demeurer à Maurice jusqu’aux prochaines élections, mes études m’appelant en Irlande.

Jusqu’ici vous n’aviez jamais porté d’intérêt à la politique, pourquoi ce soudain changement et cet attrait pour la chose politique ? Y-a-t-il eu des pressions venant de certains groupes pour modifier votre comportement afin d’assurer la continuité, en cas de succession à votre père?

Je suis, de nature, très indépendant. Aucune pression, d’où qu’elle vienne, ne peut influencer mon comportement. On ne peut pas dire que la politique n’a jamais été au centre de mes préoccupations. Comment le pouvais-je, étant ce que je suis et vivant dans le milieu familial qu’est le mien, avec un père qui est Premier ministre et leader du principal parti politique au pouvoir, et dont la vie politique a été un peu confondue avec celle du pays, puisque c’est à lui que l’île Maurice doit tous les progrès constitutionnels, politiques et économiques importants de ces quarante dernières années.

On ne peut donc, pas dire que je n’ai porté aucun intérêt à la politique, mais je reconnais, cependant, que je ne l’ai pas fait PUBLIQUEMENT. Parce que je jugeais que mes options PERSONNELLES n’avaient pas à être portées devant l’opinion publique. Toutefois loin de la politique active, en contact direct assez régulier avec mon père, je suivais l’évolution de la politique, et je voyais grandir l’influence de ces groupes de pression dont vous faites mention. En spectateur je les étudiais, j’analysais leur comportement et, plus important encore, je prenais les pouls de la population pour connaître leur représentativité et l’influence de leurs dirigeants. Je voyais mon père aux prises avec eux et j’admirais la maîtrise avec laquelle il réglait les problèmes qui surgissaient.

J’avoue, également, que ma conception de la politique ne diffère pas trop de celle de mon père, mais que mon éloignement du pouvoir m’a donné l’occasion de réfléchir sur le pouvoir de la politique, ses exigences et ses contraintes. Mon désir de servir le pays tient tout cela en considération, mais n’écarte pas aussi mes préoccupations devant les incertitudes sociales, politiques, économiques et morales qui assaillent la société mauricienne depuis plusieurs années. Comment trouver des réponses satisfaisantes à toutes ces interrogations qui sont au centre de toutes les réflexions des dirigeants du monde, qu’ils sont de pays communistes ou occidentaux.

Votre engagement politique, dites-vous, dépend de certaines conditions que vous n’avez pas clairement définies, et qui sont entourées d’un flou voulu. Consentez-vous à lever le voile ?

Il n’est un secret pour personne que l’électorat veut du CHANGEMENT, et les partisans travaillistes ont clairement fait comprendre à la direction du parti, que ce soit en 1971 ou en 1976, qu’ils ne sont pas disposés à accorder leur soutien aux candidats avec lesquels ils ne sont pas d’accord. Ces leçons doivent être retenues. C’est un point important qui monopolise toute mon attention. Je n’en dirai pas plus pour l’immédiat.

Comptez-vous prendre la tête d’une tendance à l’intérieur du Parti travailliste pour faire accepter votre conception de la politique lors du choix des candidats ?

Je ne veux être le représentant d’aucune tendance, d’aucun clan ou d’aucun groupe de pression, car la faiblesse du Parti travailliste vient de ces cloisonnements, de ces ‘tiraillements’ entre factions, et cette faiblesse a été exploitée par ses adversaires. Il faut créer ou récréer l’unité au sein du Parti travailliste, et tous ceux qui veulent renforcer le parti devraient s’atteler à cette tache prioritaire en fonction des prochaines élections. Il faut oublié le passé. Seuls le présent et l’avenir comptent, et c’est maintenant qu’il faut travailler pour fortifier l’équipe du parti, quitte à faire certains sacrifices. Entre le parti et l’individu, le premier doit l’emporter, même si c’est au prix de l’amitié. Un parti qui a été au pouvoir aussi longtemps que le Parti travailliste l’a été doit éprouver des difficultés pour le renouvellement de son équipe. Mais a-t-on le droit de sacrifier le parti, le pays, au nom de la camaraderie, quand on sait que toute erreur de choix peut coûter le pouvoir ?

Je refuse, pour ma part, de me laisser enfermer dans les carcans ou les cloisonnements, quand l’heure est au renouvellement, au regroupement, au rajeunissement et au changement. Il faut répondre aux besoins de l’électorat par le réalisme et l’adaptation. C’est à ce prix que le Parti travailliste pourra faire face au défi qui se présente à lui cette année, le plus grand défi de son histoire à mon avis. Il en est capable. Il l’a prouvé. Mais faut-il faire preuve d’une volonté politique à toute épreuve. Faut-il également, que cessent certaines vociférations, et que se taisent certaines ambitions, non pas le temps d’une élection, mais bien le temps d’une vie. Certains le comprendront-ils, ou se laisseront-ils aveugler par certaines passions qui causeront la perte du parti et la leur avec. Tout est entre leur main, c’est-à-dire l’avenir du parti et celui du pays.

Avez-vous déjà porté un choix sur la circonscription où vous comptez vous présenter si vous vous décidiez à être candidat aux prochaines élections générales ? Serez-vous aux côtés de votre père à Pamplemousses/Triolet ?

Si je me décidais à être candidat, croyez bien que j’exigerais à être traité sur le même pied que les autres candidats. La circonscription m’importe peu, à condition que l’équipe au sein de laquelle je me trouverais soit porteuse d’espoirs pour l’électorat, qu’elle soit le reflet des exigences des ‘die hard’ du parti comme des jeunes. Il n’est pas question de circonscription réservée. Il n’est pas dit, également, que ma candidature serait acceptée. Si je me mets au service du parti et du pays, le parti peut aussi me refuser son investiture. Même s’il me l’accorde, il n’est pas dit que l’électorat voudrait de moi. Mais je précise que mon désir de servir est sincère. Que ce soit en tant que député ou comme médecin, je vais dans quelques semaines me mettre au service de la population. Avant tout, en tant que médecin. Après on verra. Mais ce qui est certain, c’est que je compte pratiquer la médecine dans le service de l’État. Pas dans le privé. Quant à la politique…..


VEENA RAMGOOLAM: Une fille dans le vent

Veena Ramgoolam, l’épouse du Dr Navin Ramgoolam, est détentrice à l’âge de 24 ans, d’un diplôme de BSC en Sciences Sociales de l’Université de Londres. Ses études en économie, en sciences politiques et en matière de relations raciales seront complétées, dans quelques mois, par des cours en français, langue qu’elle ne maîtrise pas très bien, ayant vécu depuis l’âge de six ans en Grande-Bretagne, où elle a fait ses études, primaires, secondaires et universitaires.
Si elle pratique le tennis et la natation, fait de la photographie et, en cordon bleu, excelle en cuisine chinoise, il faut dire qu’elle porte un intérêt aux animaux et qu’elle voudrait faire du journalisme.
Elle porte le saree et la robe du soir avec la même assurance que le jean, pour lequel, dit-elle, elle a une préférence, et qu’elle porte régulièrement, soit chez elle, soit pour faire des emplettes. Une fille dans le vent qui vit à l’heure de son époque.
Elle compte, à son retour au pays, dans quelques semaines, être active au niveau des associations ou groupes sociaux, afin de mettre ses expériences et ses connaissances à leur disposition.

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