- Rajenee Mootoo-Caroopen et Devika Pabaroo paient l’erreur de casting
- 15 mois après, David Utile (ML) et Nazir Jungee (MSM) retrouveront leurs postes de maire et d’adjoint maire
- Promotion en vue pour l’adjoint maire de Curepipe, Samy Chellen (MSM)
Sauf retournement de situation improbable, les conseillers David Utile (ML) et Nazir Jungee (MSM), retrouveront leurs postes de maire et d’adjoint maire des villes-sœurs, 15 mois après avoir respectivement été supplantés par Rajenee Mootoo-Caroopen (MSM) et Mahen Choolun (ML). Sur la sellette depuis des mois pour diverses raisons, ces derniers ont joué leur va-tout dans une tentative désespérée de s’agripper au pouvoir, mais le PMO a opposé une fin de non-recevoir à leurs demandes. Les conseillers du bloc MSM/ML tenteront d’afficher une unité de façade, mercredi prochain, lors de la cérémonie d’investiture, mais personne n’est dupe. En coulisses, les pourparlers, minés par les dissensions, se sont terminés dans une ambiance exécrable à l’heure du verdict. Le retour du duo Utile/Jungee divise. Le dernier nommé est pointé du doigt au motif d’avoir bénéficié d’ « un traitement de faveur compte tenu de ses accointances avec la ministre Fazila Daureeawoo. » La maire de Curepipe, Devika Pabaroo prend aussi la porte de sortie. Elle paie l’« erreur de casting » à l’instar de son homologue de Beau-Bassin/Rose-Hill.
C’est une partie de poker menteur qui s’est jouée aux villes-sœurs, dans le huis clos des tractations. Certains conseillers de la majorité et leurs proches collaborateurs colportant la rumeur selon laquelle les fers de lance du PMSD au Conseil, Olivier Barbe et Zaed Nanhuck, se poussaient du col dans l’espoir de leur ravir le fauteuil tant convoité. Ces rumeurs étaient-elles fondées ? « Que nenni », affirme Olivier Barbe, aussi porte-parole des bleus. « Le leader Xavier Duval n’a jamais été convié à la table des négociations et à aucun moment, le parti n’a tenté de s’immiscer dans une quelconque discussion pour que je sois propulsé au fauteuil mairal. Pour avoir été très remuant sur le terrain et participé activement aux débats, dans l’intérêt de ma ville, au Conseil, mon intronisation en tant que maire aurait été légitime, selon les mots même des citadins, mais ce n’est pas la volonté du PMSD. Les choses sont claires », dit-il.
L’accession au trône d’un élu du PMSD aurait forcément constitué une nouvelle station sur le chemin de croix du ML et de son leader Ivan Collendavelloo, prêt à avaler toutes les couleuvres depuis quatre ans. Aurait-t-il usé de moyens de pression auprès du Premier ministre Pravind Jugnauth pour que son poulain David Utile soit reconduit à la tête de l’administration régionale de Beau-Bassin/Rose-Hill ? La question est sur toutes les lèvres. Les projecteurs seront, donc, braqués sur le leader adjoint du ML, David Utile, et Nazir Jungee, qui savent pertinemment que leurs collègues ne leur feront pas de cadeaux à la reprise des séances du Conseil. Elles devraient mettre en lumière le courroux de ceux qui se voyaient déjà porter le collier mairal, sur la base du mérite ou de la séniorité.
« Dewee aurait mérité… »
Les frondeurs devraient, toutefois, concentrer leurs attaques sur Nazir Jungee « pour le traitement de faveur dont il bénéficie », mais aussi pour ses coups de butoir répétés envers la maire et son adjoint Mahen Choolun, depuis qu’il a été supplanté par les concernés, en mai 2023. Il suffit pour s’en convaincre, de lire le contenu de la séance du conseil du 29 septembre 2023, lorsque Nazir Jungee avait lancé des accusations de « maldonne » à l’endroit de Rajeenee Mootoo-Caroopen au sujet de son éviction au sein du comité des Finances. « On savait que Nazir Jungee faisait la pluie et le beau temps au sein de l’administration, étant dans les bons papiers de Fazila Daureeawoo. Visiblement, sa capacité d’influence va au-delà de nos espérances. On n’a rien contre lui et David Utile, mais des conseillers comme Anil Dewee, quelqu’un pétri d’expérience et qui jure allégeance au MSM depuis plus de 30 ans, auraient mérité un juste récompense », confie un élu.
Si David Utile et Nazir Jungee se frottent les mains, c’est soupe à la grimace du côté de Rajeenee Mootoo-Caroopen et Mahen Choolun. Les indices allant dans le sens du couperet se sont multipliés, ces derniers mois. Il est notoire que Rajeenee Mootoo-Caroopen est parvenue au sommet de l’administration régionale des villes-sœurs alors que rien ne l’y prédestinait. Repêchée de la Reserve List pour le Ward 4, en 2021, elle a été appelée à remplacer au pied levé la conseillère élue, Elvany Anamalay, qui avait soumis sa démission pour des raisons professionnelles. Rajeenee Mootoo-Caroopen passait presque inaperçue à la salle du Conseil. On l’entendait très rarement se mêler aux débats. D’aucuns avaient été surpris, voire décontenancés, lorsqu’elle a été adoubée, en mai 2023, par les ténors du MSM pour succéder à David Utile comme maire.
Une magistrature mal partie dès le premier jour
Étant l’une des rares rédactions à assister fréquemment aux séances du Conseil, on a pu jauger la performance de Rajeenee Mootoo-Caroopen face aux lourdes responsabilités qui lui ont été confiées. Sa prestation, à son baptême du feu à la tête du Conseil, ne présageait rien de bon. Elle semblait montrer ses limites en se contentant d’une séquence inédite et sans fin de « I don’t know » face au feu roulant de questions de ses collègues. Les séances se sont succédé sans qu’elle puisse apporter des réponses claires aux nébuleuses soulevées. Ses pairs lui ont également reproché d’outrepasser ses prérogatives dans le cadre de certaines décisions, comme l’épisode du lot de médailles qu’elle a offertes à un établissement secondaire, aux frais de la mairie, sans avoir obtenu le feu vert du Conseil. Elle aurait récidivé en garantissant à la famille d’une future centenaire, suite à une demande de leur part, qu’elle pourra célébrer son anniversaire à la salle des fêtes du Plaza… free of charge, de 14h à 22h.
Ces nouveaux éléments ont mis fin au tout relatif état de grâce de la maire. Face aux pressions croissantes exercées par la majorité de ses collègues, elle a usé des réseaux sociaux pour présenter une image positive qui ne suffira, cependant, pas à remettre sur les rails une magistrature mal partie dès le premier jour. Afin d’éviter que les choses ne dégénèrent et que des élus ne déposent une motion de blâme en vue de la destituer, Joe Lesjongard et Maneesh Gobin, respectivement président et secrétaire général du MSM ont, en mai dernier, proposé à Rajeenee Mootoo-Caroopen de step-down, au motif qu’elle avait déjà complété sa première année de mandat. Sauf qu’elle ne l’entendait pas de cette oreille, en estimant qu’on lui avait confié les rênes pour deux ans. Sa convocation au PMO, la semaine dernière, aura été une autre paire de manche. Ce qui devait arriver arriva. À son corps défendant, Rajeenee Mootoo-Caroopen a soumis sa démission, mercredi, lors du comité exécutif de la municipalité. Son entourage lui prête l’intention de ne pas assister à la cérémonie d’investiture du duo Utile/Jungee.
« Ses incartades lui ont coûté la promotion »
L’adjoint maire Mahen Choolun aurait pu, compte tenu de sa très longue expérience dans le giron politique, gravir l’échelon menant vers le trône, mais il n’est également plus en odeur de sainteté auprès d’une frange du Conseil et des caciques de l’alliance au pouvoir.« Loin de nous l’idée de remettre en question les compétences de Mahen Choolun qui a les reins solides pour chapeauter une administration régionale, mais ses incartades lui ont, hélas, coûté cette promotion qu’il attend depuis des lustres », confie un élu qui fait allusion à l’excès de zèle dont fait parfois preuve Mahen Choolun, en s’adressant à certains conseillers. Rajenee Caroopen en a fait les frais à son bureau à la fin d’une séance du Conseil, l’année dernière. « Elle ne s’attendait pas à prendre une telle volée de bois vert de la part de son adjoint Mahen Choolun qui n’a pas digéré qu’elle ne se soit pas rangée de son côté lors des houleux débats avec les membres de l’opposition. Il a usé de mots durs et blessants à son égard. On avait de la peine pour elle », à croire un élu ayant assisté à cette scène surréaliste.
Après avoir orchestré le flou autour de sa démission, la maire de Curepipe, Devika Pabaroo, comptait emboîter le pas à son adjoint Samy Chellen, lundi, après l’inauguration d’une salle de sport. À l’image de Rajeenee Mootoo-Caroopen, les choses ont tourné au vinaigre pour elle. Il ne se passait plus une semaine sans que des conseillers de son propre camp ne mettent en doute sa légitimité et ses compétences pour mener à bien la barque, au point où elle a été contrainte d’ajourner certaines séances en raison d’un manque de conseillers pouvant constituer un quorum.
« Devika Pabaroo est une personne affable et fidèle à ses principes, mais elle n’a pas la poigne d’une Hans Margueritte qui pouvait donner la réplique à des conseillers faisant feu de tout bois comme Nathalie Gopee. Nous sommes à l’aube des législatives et un coup d’accélérateur est nécessaire », confie un élu orange. Samy Chellen devrait prendre les rênes de la mairie. Il aurait Joseph Clency Pompeia (MSM) comme adjoint. Si cette option tient la corde, elle n’a toutefois pas encore été confirmée.
Utile… successeur de Collendavelloo ?
On ne l’avait pas vu revenir. En remettant en selle David Utile, le leader du ML, Ivan Collendavelloo a étayé les rumeurs selon lesquelles il verrait en son poulain son probable successeur à la tête du parti « kare kare », fondé à la veille des législatives de 2014, qui a perdu de son aura depuis quelques années. David Utile, qui a grandi dans une famille d’activistes du MMM, à Barkly, a fait ses premières armes en politique lors des élections municipales de juin 2015 sous la bannière de l’alliance Lepep.
Élu en tête de liste dans le Ward 4, il œuvre dans l’ombre des principaux conseillers du ML, comme Ken Fong et Mahen Choolun, avant de succéder, contre toute attente, au premier nommé comme Premier magistrat, en septembre 2020. En arborant le collier mairal, David Utile accède à la notoriété, mais se retrouve confronté à l’épineux dossier des nids-de-poule parsemant la ville, qui ne l’empêchera toutefois pas d’être propulsé leader adjoint du ML, en septembre 2023.
Après avoir emmagasiné de l’expérience durant ce premier mandat de maire, il passera de nouveau ses ambitions au révélateur à la veille des élections, en vue de se positionner pour l’obtention d’un ticket dans la circonscription No 20.
Les spéculations vont bon train.