Assemblée Nationale – Fait du jour de la séance d’hier : L’ombre des Kistnen Papers plane sur l’hémicycle

– 164 personnes entendues dans le cadre des différents volets de l'enquête Kistnen, mais aucun suspect identifié à ce jour dans le meurtre de l'ancien chef agent du MSM au No 8 Le Premier ministre procède à un strip-tease de la connexion Richard Duval/Cindy Legallant avec, en toile de fond, un trafic de Subutex d'une valeur de Rs 22 M remontant au 23 juillet 2008 – Pour ne pas changer, le député du MMM Franco Quirin viré de l'hémicycle lors de la tranche du Question Time

La première partie de la séance de l’Assemblée nationale d’hier s’est déroulée sous le signe de la mort de Soopramanien (Kaya) Kistnen, l’ancien chef agent du MSM de Quartier-Militaire/Moka (No 8), victime d’un meurtre non résolu depuis le 18 octobre 2020. Pour ce qui s’apparente à sa dernière Private Notice Question (PNQ), vu que le chef de file du Parti travailliste (PTr) à l’Assemblée nationale, Arvin Boolell, est Back to Business, Shakeel Mohamed s’est évertué à faire feu de tout bois dans l’affaire Kaya Kistnen, sous ses différentes coutures, notamment en ce qui concerne les Kistnen Papers consacrés aux dépenses des élus du MSM au No 8, en l’occurrence le Premier ministre, Pravind Jugnauth, la vice-Première ministre et ministre de l’Education, Leela Devi Dookun-Luchoomun, et Yogida Sawmynaden lors de la dernière campagne pour les élections législatives du 7 novembre 2019.

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Toutefois, le mystère demeure toujours entier dans cette sinistre affaire. Les différents volets de l’affaire ont amené les enquêteurs de la police à entendre pas moins de 164 personnes, et ce, sans que le profil du suspect de ce meurtre n’émerge. Et cela, en bientôt quatre ans déjà. Pour ce qui est des Kistnen Papers, le Premier ministre, qui indique indirectement qu’il n’a pas été entendu par les enquêteurs, n’a pas hésité à parler de Fabrication Papers, affirmant que même l’épouse de Kaya Kistnen n’a pas confirmé l’écriture de ce dernier dans ledit document.

D’autre part, Pravind Jugnauth, répondant à une interpellation d’Ashley Ittoo, de la majorité gouvernementale, a procédé à un strip-tease politique de la connexion Richard Duval/Cindy Legallant avec en toile de fond un trafic de Subutex d’une valeur marchande de Rs 22 millions remontant à juillet 2008. Il n’a raté aucun détail de ce feuilleton.

De son côté, et pour ne pas changer, le Speaker, Sooroojdev Phokeer, a renvoyé de l’hémicycle le député du MMM Franco Quirin, avec un « please, leave the Chamber, before you get named ». Le député mauve avait osé parler de « la dictature des lâches ». En début de séance, le Speaker était intervenu pour annoncer la nomination d’Urmeelah Devi Ramchurn au poste de Clerk de l’Assemblée nationale, sous les applaudissements de la majorité.

Les envolées parlementaires qui collent

« On this side of the House, we are a team of achievers. » (Le Premier ministre intervenant lors des débats sur l’Environment Bill)

« What you did was against the wish of the electorate. » (Arvin Boolell au ministre Ganoo sur la fermeture du métro dans la matinée du 1er mai)

« I’m stunned… After what hey have said about the Metro Express, the opposition is feeling aggrieved. Aster Metro. » (Alan Ganoo répondant à Arvin Boolell)

« Are you questioning the Prime Minister as a person? » (Le Speaker au leader de l’opposition sur l’affidavit portant sur des dépenses électorales au No 8)

« It seems that they have evidence that they keep secret and confidential. » (Pravind Jugnauth au sujet de l’authenticité des Kistnen Papers)

« As an intelligent and capable lawyer, you may have advised him. » (Pravind Jugnauth à Shakeel Mohamed au sujet de l’échec de la Private Prosecution de Suren Dayal par rapport aux Kistnen Papers)

« It (the private prosecution) could not even start and he is talking about merits. » (Le Premier ministre lors de la PNQ)

« The Prime Minster seems to be running away from my question… That’s my question, the other one is a nail. » (Shakeel Mohamed)

« You should be the last person to talk about political financing. » (Le PM ouvrant la parenthèse sur les Rs 230 M des coffres de Navin Ramgoolam et des USD 3 M en coupures non utilisées)

« We do get Per Diem from a bank in the country. The USD 3 M came from abroad. » (Pravind Jugnauth reprenant de front les dernières explications de Navin Ramgoolam)

« This is not a question. I disallow it. Move yo the next question. » (La nouvelle formule du Speaker pour mettre fin aux échanges)

« I have not visited the housing units at Mare d’Albert. I’m not in a position to answer the question. » (Le ministre Balgobin, qui assure la suppléance au ministère du Logement)

 

Dans sa PNQ adressée au Premier ministre, Pravind Jugnauth, le leader de l’opposition, Shakeel Mohamed, lui demande si, concernant les enquêtes initiées par la police ou d’autres autorités sur le meurtre de Soopramanien Kistnen, l’ancien chef agent du MSM à Quartier-Militaire/Moka (No 8), il pourrait obtenir des informations concernant les progrès accomplis quant au volet des contrats alloués par des institutions publiques et dans lesquels le défunt était impliqué, et sur ce qui est aujourd’hui connu comme les Kistnen Papers, compilant les dépenses encourues par le Premier ministre et ses deux colistiers du No 8 lors de la campagne pour les élections législatives du 7 novembre 2019 ainsi que le Diary. Dans sa réponse, le Premier ministre a expliqué avoir déjà abordé cette affaire lors des interpellations, notamment une Private Notice Question en date du 18 octobre 2022 et du 9 mai 2023.

Le Premier ministre explique qu’à ces occasions, il avait informé l’Assemblée nationale que les enquêtes initiées par la police avait été suivies de l’institution d’une enquête judiciaire. Il ajoute ainsi avoir été informé par le commissaire de police que le 18 octobre 2020, une enquête avait été ouverte par le CCID sur le meurtre de Soopramanien Kistnen, dont le cadavre avait été retrouvé dans un champ de cannes à Telfair, Moka. Le même jour, une personne qui rentrait chez elle, vers 17h30, à travers un champ de cannes, avait en effet constaté qu’une partie du champ était brûlée, avant de remarquer ensuite la présence d’un corps.

Ce témoin en avait immédiatement informé la police. Les enquêteurs devaient par la suite constater que le corps retrouvé était celui de Soopramanien Kistnen, un contracteur habitant Montagne-Ory, à Moka. Son corps était partiellement brûlé, ainsi que le champ de cannes des environs. Le site avait alors été décrété Scene of Crime et le personnel du bureau du Forensic Science Laboratory et des officiers de police dépêchés sur les lieux.

Le corps avait été autopsié le lendemain, le médecin légiste attribuant alors la mort de Kaya Kistnen à un œdème pulmonaire. Le Premier ministre indique qu’à la suite de l’examen de la Scene of Crime, un téléphone portable avait été retrouvé et remis à l’IT Unit de la police en vue d’être examiné.

Le Premier ministre fait aussi comprendre que, dans le cadre de l’enquête, l’épouse du défunt avait expliqué que son mari était un contracteur et n’avait pas travaillé les derniers mois précédant sa mort, ayant subi une intervention chirurgicale. Pas moins de 98 personnes ont été interrogées par le Central CID, révèle-t-il. Une enquête judiciaire a par la suite été ouverte le 4 décembre 2020 sous la présidence de la magistrate de la Cour de district de Moka afin de faire la lumière sur les circonstances du meurtre de Kaya Kistnen.

Le magistrat a complété son enquête le 21 novembre  2021 et les conclusions, soumises au bureau du DPP. Par la suite, le 26 janvier 2022, le DPP a demandé à la police d’entreprendre une enquête sur les motifs éventuels du décès de Kistnen. La nouvelle enquête de la police devait alors prendre en compte les éléments suivants :

« Employment of the deceased wife as Constituency Clerk »;
« Alleged malpractices during the last General Elections with reference to “Kistnen Papers” »;
« Alleged blackmailing by deceased to Yogida Sawmynaden regarding the award of contracts by STC and other parastatal bodies during the COVID-19 lockdown in 2020 »; et
« The way autopsy was performed over deceased by the Police Medical Officer. »

Pravind Jugnauth note que, concernant l’emploi de Simla Kistnen en tant que Constituency Clerk, le Central CID a mené une enquête et interrogé dix personnes. Le 26 juin 2023, le bureau du DPP a recommandé que Yogida Sawminaden soit poursuivi pour le délit pénal de Forgery in a Private Writing. Et le 21 juillet de l’année dernière, l’affaire avait été logée devant la Cour intermédiaire. Le jugement est attendu pour le 31 mai.

Concernant la manière dont l’autopsie a été pratiquée par le médecin légiste, des explications complémentaires ont été recueillies du médecin légiste, qui a maintenu ses conclusions formulées dans son rapport initial d’autopsie. Le 12 juillet 2022, une requête a été formulée auprès de l’institut de pathologie de Nantes, en France, pour examiner les spécimens d’échantillons issus du poumon de Kaya Kistnen, et ce, pour avoir une deuxième opinion. L’institut a donné une conclusion corroborant celle du médecin légiste. Après quoi, à la requête du DPP, 56 autres personnes ont été interrogées par la Major Crime Investigation Team (MCIT).

Concernant la première partie de la PNQ du leader de l’opposition, le Premier ministre a indiqué que cet aspect a été confié à l’Independent Commission against Corruption (ICAC), qui a été remplacée par la Financial Crimes Commission. « In my reply to Private Notice Question on 07 May 2024, I stated by virtue of section 161 of the Financial Crimes Commission Act, no information relating to an ongoing investigation can be divulged », devait-il faire ressortir.

Quant à la deuxième partie de la question, il répond qu’une enquête a été ouverte au niveau du CID à la suite d’une correspondance du commissaire électoral. Cette lettre, reçue de Rezistans ek Alternativ, fait mention d’éventuelles violations de la Representation of People Act, concernant les dépenses effectuées par certains candidats et agents électoraux durant les élections de 2019. Le cas fait l’objet d’une enquête, dit-il, précisant que 14 déclarations de 11 personnes ont été enregistrées.

Par ailleurs, le Premier ministre avance que son gouvernement « s’est engagé à lutter contre la corruption avec vigueur et détermination » en évoquant « des mesures courageuses et sans précédent » pour renforcer le Governance Framework. À la suite de ces mesures, le gouvernement « a été bien classé dans les indices internationaux », est actuellement leader en Afrique et est classé à la 51e place sur 180 pays dans le Corruption Perception Index. En outre, Maurice est en tête de l’indice Mo Ibrahim en termes de gouvernance, dit-il. « Ce qui démontre la réalisation du gouvernement en termes de gouvernance », dit-il.

Pour sa première interpellation supplémentaire, Shakeel Mohamed, se heurte à une objection du ministre Ganoo, sous forme de Point of Order, à l’effet que les Standing Orders interdisent toute mention d’extraits de journaux lors des interpellations. Le leader de l’opposition n’aura pas de chance avec sa deuxième interpellation, acculant le Premier ministre sut l’éventualité d’avoir juté un faux affidavit au sujet des dépenses électorales.

Intervention du Speaker, qui lui demande s’il est en train de contre-interroger le Premier ministre à titre personnel. « I dissallow the question » dit-il.

Shakeel Mohamed revient ensuite à la charge pour affirmer que dans sa réponse et sa référence au DPP, le Premier ministre a affirmé que des enquêtes ont été menées sur la base des Kistnen Papers à la suite de la décision du magistrat de la Cour de district de Moka. Or, les Kistnen Papers font mention des Invoices qui ont trait aux dépenses électorales. Il affirme ainsi que ces documents font mention de « chiffres qui ne correspondent pas à ceux déclarés aux honorables Dookun et Sawminaden ».

Shakeel Mohamed : Comment se fait-il que les Invoices cités dans les Kistnen Papers soient différents des affidavits qu’il a jurés à ces deux autres collègues. Est-ce que cela ne veut pas dire jurer un faux affidavit ?

Le PM : Jusqu’à maintenant, personne n’a osé venir de l’avant pour avancer qu’il a enregistré des dépenses qui ont été faites par mes colistiers et moi. ReA, qui s’en est remise à la commission électorale, qui a transmis les allégations à la police pour enquête. Est-ce qu’ils sont venus de l’avant pour dire et donner des preuves sur ces Fabrication Papers et les agendas ? Je m’attendais que le leader de l’opposition, qui est un légiste chevronné, pose des questions sérieuses, et non pas basées sur du Hearsay, repris çà et là. J’espère de plus qu’il n’est pas sélectif dans ce qu’il a lu dans le journaux.

Lorsque l’épouse de Soopramanien Kistnen a vu les Papers et les Diaries, que j’appelle karne laboutik, elle a dit qu’elle ne pouvait pas reconnaître l’écriture de son défunt époux. Plus encore, il semble qu’ils ont des preuves qu’ils gardent en secret. Un membre de votre parti a même saisi la Cour avec un cas de Private Prosecution devant la District Court faisant la même allégation que le leader de l’opposition. Le cas a été appelé devant la Cour en présence d’une armada d’avocats. Ils n’ont jamais été en mesure de soutenir quoi que ce soit et, le 17 juin 2022, le DPP a annoncé l’arrêt de l’affaire. C’est comparable aux pétitions qu’ils ont présentées et qui ont été rejetées par la Cour, même lorsqu’ils ont été devant le Privy Council par le même Suren Dayal,

avec le soutien de l’alliance PTr-MMM. Ils ont fait des allégations frivoles. C’est une honte.

SM : At no time the case of private prosecution was

taken on merits. La question de l’examen de preuves ne s’est pas posée. Concernant la demande faite au commissaire de police de mener l’enquête plus loin, est-ce qu’il a interrogé les personnes dont les noms ont été cités afin de s’assurer de l’authenticité des Kistnen Papers et du Diary ?

PM : Le leader de l’opposition a parlé de Merits. Or, il n’a même pas pu commencer l’affaire. Ce n’est pas le commissaire de police qui enquête. Il faut qu’il y ait un déclarant. Il doit pouvoir soutenir ce qu’il dit. Peut-être que le leader de l’opposition peut nous dire qui a fabriqué les Kistnen Papers ou le Diary, dites-nous ! N’importe qui peut écrire ce qu’il veut et dire que cela a été écrit par Shakeel Mohamed. Est-ce ce genre de justice que vous souhaitez ? Il demande si la police a pris ma déclaration. Comment peuvent-ils venir m’interroger alors qu’ils ne peuvent pas prouver que « So and So » ont noté que vous avez donné des instructions pour faire certaines dépenses. Personne n’est en mesure de dire cela. Son leader, qui fabrique toutes les histoires, a dit publiquement qu’il a rencontré Soopramanien Kistnen avant son décès. Il l’a dit publiquement. Ne sait-il pas qui a préparé le Diary ? Pourquoi Navin Ramgoolam n’a pas fait de déclaration à la police ? C’est de la fabrication, de la fabulation. Ils sont en train de continuer à faire leur campagne.

SM : Le Premier ministre évite la question. Je la repose. Je retiens que la police n’a pas commencé d’enquête en dépit de la lettre adressée au commissaire de police en date de janvier 2022. À la veille de la présentation de la loi sur le financement politique, comment peut-on croire dans la crédibilité de son gouvernement lorsque la police, en dépit de la demande du DPP d’enquêter sur ces Papers, n’a même pas vérifié si les Invoices contenus dans ces papiers sont Genuine. Il n’y a pas lieu d’avoir un Declarant. Ils peuvent se baser sur les recommandations du magistrat.

PM : Le leader de l’opposition n’a pas écouté ma réponse. J’ai dit que lorsque le DPP a ordonné à la police de mener une enquête plus approfondie,  beaucoup de déclarations ont été faites concernant les soi-disant dépenses électorales. Je pense qu’il veut reformuler ma réponse d’une manière malicieuse. La police continue d’enquête sur la mort de Soopramanien Kistnen. Elle enquête sur le soi-disant Diary ou les Kistnen Papers. Des déclarations ont déjà été faites. I am not running away. Vous auriez dû être le dernier à parler de financement politique. Nous savons comment son leader a amassé de l’argent dans son coffre. Même Paul Bérenger aurait dit qu’il est le voisin du Dr Ramgoolam et qu’il ne pouvait imaginer qu’il était tout près de ce coffre avec Rs 230 millions.

Le Premier ministre a rejeté l’idée que cet argent représentait ses Per Diem. Il a expliqué que les allocations de Per Diem des ministres sont alloués à partir des banques de Maurice, et non pas de banques étrangères.

Shakeel Mohamed essaie alors d’intervenir mais le Speaker l’intime à garder le silence. « Est-ce que le leader du PTr a obtenu son per diem de l’étranger ? » se demande le Premier ministre. « Je suis d’accord avec le défunt père de Shakeel Mohamed, Yousouf Mohamed, qui, comme conseil légal, avait dit : “Mo pa kapav fer mirak !” »

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