Impressions de séance : retour de Sooroojdev Phokeer et… des expulsions

Paul Bérenger renvoyé après qu’il eut protesté contre certains propos que lui a attribués le Premier ministre.

  • Rejet de la motion de Xavier Duval qui voulait que la séance soit consacrée à l’urgence du Covid
  • Les événements de vendredi provoquent le rassemblement de toute l’opposition parlementaire

Il est de retour et les expulsions aussi. Sooroojdev Phokeer a expulsé Paul Bérenger de l’hémicycle vendredi après midi après qu’il eut protesté contre les propos du Premier ministre lui attribuant une position négative sur le recours de Maurice à l’assemblée générale des Nations unies pour faire reconnaître la souveraineté de Maurice sur les Chagos.  Pravind Jugnauth a soutenu que le leader du MMM aurait exprimé du scepticisme quant à l’issue de cette démarche en suggérant que Maurice ne recueillerait pas plus de dix voix. Le leader du MMM a, un moment, traité Pravind Jugnauth de “menteur”.

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Sur cet incident c’est Reza Uteem qui a réalisé un  petit coup lors de son intervention sur l’IBA (Amendment) Bill en rappelant que l’actuel chef du gouvernement ne faisait même pas partie du comité multipartite parlementaire institué par Sir Anerood Jugnaut pour débattre des Chagoss puisqu’il avait dû démissionner après sa condamnation dans l’affaire Medpoint et qu’il ne peut, en conséquence, venir faire état des délibérations de cette instance.

“Et, si demain un auditeur très au fait de cet épisode venait critiquer le Premier ministre sur une radio privée et dire qu’il se trompe? Les nouveaux amendements feraient que la radio pourrait être inquiétée et l’identité de l’auditeur exigée par l’IBA et subir une éventuelle sanction? a lancé, un brin perfide, le député du MMM.

Comme il l’avait déjà annoncé, le leader de l’opposition voulait que la séance de vendredi soit exclusivement consacrée à un examen de la situation du Covid avec le nombre de morts qui augmente et débattre des solutions à appliquer pour mieux faire face à la situation et surtout rassurer la population. C’est dans cette perspective que Xavier Duval avait fait l’impasse sur la tranche de la Private Notice Question.

Il est venu à la place avec une motion demandant que ce soit le Covid qui fasse l’objet des délibérations de ce vendredi mais le Premier ministre y a formellement objecté. Devant cette décision du Leader of the House, tous les parlementaires de l’opposition, PTr, MMM, PMSD et Nando Bodha ont effectué un walk-out pour aller se retrouver dans la rue et tenir une conférence de presse conjointe.

Les travaux se sont poursuivis ce vendredi après-midi avec l’intervention de Mahen Seeruttun sur le Criminal Code (Amendment) Bill, toujours sur son ton habituel de la dictée avant que le Premier ministre adjoint Steve Obeegadoo ne fasse un petit cours d’histoire de la lutte pour les Chagos et de décréter que le “Parti travailliste a toujours été sur la défensive sur ce dossier”.

C’est lors du résumé des débats sur le Criminal Code (Amendment) Bill qui vise à interdire toute référence erronée à la souveraineté de Maurice sur les Chagos  que les incidents sont survenus entre Pravind Jugnauth et Paul Bérenger culminant avec l’expulsion de ce dernier.

Une fois le texte voté, Pravind Jugnauth a présenté son IBA (Amendment) Bill en justifiant la nécessité de revisiter une loi qui n’a pas beaucoup changé depuis son introduction en 2000. Pour lui, le texte est conforme à ce qui se pratique à l’international.

Après ce discours d’introduction, une longue liste d’intervenants avec une majorité de l’opposition d’attaque pour dénoncer les véritables desseins du MSM, qui sont de contrôler les radios, une démarche qui intervient après la modification des lois sur les réseaux sociaux pour, là aussi, décourager ceux qui seraient trop critiques des décisions gouvernementales.

C’est le leader de l’opposition qui a donné le coup d’envoi des débats en déplorant que ce soit une loi  qui vise à  restreindre la liberté des radios privées et que ce soit ça qui est actuellement la priorité du gouvernement alors que les morts du Covid augmentent et que l’angoisse a gagné l’ensemble de la population.

S’il n’y avait pas de restriction de mouvement en raison de la pandémie, des milliers de Mauriciens auraient été dans la rue pour protester contre cette loi, a déclaré Xavier Duval. C’est Reza Uteem qui est ensuite intervenu pour dénoncer les provisions de la nouvelle loi et conclure que si le gouvernement ne veut pas entendre les critiques, il n’a qu’à “aret fané” et, s’il ne peut cesser de déconner, il doit alors “lev paké ale!”

Pour leur donner la réplique un ministre des Sports Stéphane Toussaint, très peu inspiré qui a tâtonné et cherché en vain des arguments pour convaincre. A part d’observer que l’opposition ne “va pas dans le profond” du texte, rien de bien solide pour défendre ces amendements contestés.

Pas étonnant que sa prestation ait aussitôt été ridiculisée par le flamboyant Shakeel Mohamed qui a relevé que le premier ministre à donner la réplique à l’opposition a fait preuve de tant de légèreté en parlant de “freedom ici freedom la bas” tandis que ceux qui ont une formation légale dans les rangs de la majorité comme Ivan Collendavelloo, Alan Ganoo, Steve Obeegadoo et Sudesh Callychurn jouent aux abonnés absents et qu’ils ont choisi de ne pas participer aux débats.

Il y a des clauses fondamentales qui touchent à la Constitution et à la liberté d’expression.  Pourquoi ils ne s’expriment pas ? Est-ce parce qu’ils ne croient pas dans ce IBA (Amendment) Bill? s’est demandé le député travailliste.

Rajesh Bhagwan n’a pas été plus tendre. Il a évoqué un “jour triste” et une loi “inique, toxique et cynique” qui est présentée alors que l’urgence est ailleurs et que des centaines de familles sont endeuillées par le Covid avec la disparition de leurs proches.

Le “timing” est révélateur d’un état d’esprit, a soutenu le député du MMM qui a parlé des “paillassons de la cuisine” que sont la MBC et Mauritius Telecom et de la décision de museler ceux qui élèvent la voix contre le gouvernement.  Il a dit que le gouvernement peut faire taire les voix discordantes mais que cela ne l’empêchera pas d’être “balayé” aux prochaines élections.

C’est Kalpana Koonjoo-Shah qui a, tant bien que mal, essayé ensuite de défendre le texte piloté par celui qui l’a nommé. Se posant en donneuse de leçon à la presse, elle a évoqué la nécessité d’informations exactes et impartiales. Elle n’a peut- être jamais regardé la MBC!

Nouvelle voix puissante des travées de l’opposition pour dénoncer le texte, celle de Patrick Assirvaden qui est revenu sur les propos qu’avait tenus, le 10 avril 1984, Ivan Collendavelloo sur le Newspapers and Periodicals (Amendment) Bill de Sir Anerood Jugnauth.

Lui aussi a relevé la non-participation aux débats des “militants”, grands défenseurs de la démocratie et de la liberté d’expression qu’ont prétendu être les Alan Ganoo, Steve Obeegadoo et autres Kavy Ramano.

Le Premier ministre a alors indiqué que le ministre Ganoo était en mission. Et on pourrait ajouter encore puisque le ministre des Affaires Etrangères er du Transport est revenu de Genève il y a à peine quelques jours!

Arianne Navarre-Marie a dénoncé unprojet de loi “dangereux” et a observé que “nous assistons à un recul dans la liberté d’expression avec cette loi liberticide.  C’est la liberté d’expression qu’on assassine”.

Pour répondre, Vikash Nuckcheddy et la lecture extensive de sa tablette suivi du député du PMSD Kushal Lobine, toujours bien modéré dans le ton même si c’est pour critiquer l’octroi de la licence sur une durée d’une année, tandis, qu’en Grande Bretagne ça peut aller jusqu’à 12 ans et, qu’en Inde, c’est généralement 10 ans.

Et à Stéphanie Anquetil de rappeler sur un ton ferme que c’est le PTr qui a fait voter, le 8 août 2000, le IBA Bill et que le MSM a , selon elle, révélé, au fil de ses décision, à quel point il est contre les radios privées.

Place ensuite à la prestation de Teena Jutton qui, pour ne pas changer, a été égale à elle même. Elle s’est, pour l’occasion, aventurée sur le terrain de la constitutionnalité du texte tandis que Deven Nagalingum s’est dit outré que la priorité du gouvernement soit de contrôler les radios pendant que de nombreux Mauriciens sont inquiets face à la pandémie.

Même tonalité pour le député travailliste Eshan Juman qui a déploré que la souffrance du peuple soit ignorée et que l’agenda du gouvernement est de persécuter une radio en particulier. Il est d’ailleurs revenu sur les dernières licences octroyées à des radios proches du pouvoir comme Wazaa FM et Planet FM qui, elle, a déjà mis la clé sous le paillasson.

Sandra Mayotte est venue à la rescousse de son Premier ministre pour dire qu’elle votera le texte — comme si c’était un scoop — et Mahen Gungapersad a déploré que la priorité du gouvernement est d’étouffer la voix de ceux qui dénoncent, ses dérives et ses pratiques corrompues.

Le député Nando Bodha, homme des médias, a observé qu’au lieu de contrôler et de verrouiller les radios, le gouvernement aurait dû plutôt libéraliser la télévision et permettre des chaînes privées d’opérer et ainsi élargir l’espace démocratique.

L’ancien ministre a ensuite révélé, comme pour démontrer que c’est bien Top FM qui est visée, que cette radio a fait une demande depuis août pour le renouvellement de sa licence de trois ans, comme l’ont fait ses concurrents Radio 1 et Radio Plus, mais qu’aucune réponse n’a été obtenue. Et ce texte va introduire la licence sur une année seulement ,a-t-il déploré.

Subashnee Luchmun-Roy l’ancienne animatrice radio, s’est, elle, crue autorisée à donner des leçons d’éthique aux journalistes en débitant quelques inexactitudes à l’effet qu’il n’y aucun code de conduite pour la presse. Pas étonnant qu’après une telle prestation, elle a été copieusement été démentie et remise à sa place sur les réseaux sociaux dès samedi matin.

L’orateur suivant Ritesh Ramful a souligné la cruelle ironie qui veut que les parlementaires soient en train de débattre d’un texte qui n’a rien d’urgent, un samedi à 1 heure du matin pendant que des familles sont dans la peine et angoissées devant l’ampleur du nombre de décès liés au Covid.

L’objectif de ce texte est malicieux, a lancé le député du PTr qui a dit que ce que veut atteindre le gouvernement c’est le contrôle des médias. Où sont les grands défenseurs des Droits humains qui se retrouvent aujourd’hui de l’autre côté? a demandé  Ritesh Ramful qui visait, lui aussi, les Obeegadoo, Collendavelloo et Ramano.

Aadil Ameer Meea a, lui, parlé d’attaque frontale contre les radios après le musèlement de Facebook, Le but ultime est d’avoir une main- mise totale sur les radios afin qu’elles deviennent comme la MBC. Ciblant son ancien collègue de parti, Steve Obeegadoo, le député du MMM a dit que le Premier ministre adjoint a “honte de parler”.

Le ministre Vikram Hurdoyal, bien amaigri, a tenu le discours le plus construit de tous les intervenants du gouvernement avec des arguments discutables certes mais qui ont le mérite d’être clairs puisqu’il a parlé de “majorité silencieuse” et du secret des sources comme n’étant pas une sorte de “vache sacrée”. C’est Kavi Doolub qui a, ensuite, à 1 h 44 samedi matin demandé et obtenu l’ajournement des débats à mardi prochain.

La seance de mardi dernier était plutôt calme. Pas de Private Notice Question pour démarrer la séance de mardi matin, le leader de l’opposition ayant dû s’absenter pour cause d’indisposition.

Xavier Duval a expliqué avoir ressenti les effets secondaires de l’injection de la troisième dose de vaccins qu’il avait reçue la veille. Si le leader de l’opposition était absent, Sooroojdev Phokeer effectuait lui son grand retour au perchoir après plusieurs semaines d’absence.

Et l’hémicycle est passé directement au Prime Minister’s Question Time. Et contrairement aux séances précédentes qui étaient placées sous la présidence du Deputy Speaker Zahid Nazurally, Pravind Jugnauth a repris ses bonnes et vieilles habitudes de ne répondre qu’à une seule question, celle d’Osman Mahomed sur la drogue.

Et, comme pour la question sur ses conseillers la semaine précédente, avec Joanne Tour et sa supplémentaire sur les conseillers d’anciens gouvernements, il s’est trouvé deux autres députés du MSM pour succomber aux questions supplémentaires arrangées afin de centrer les critiques contre les adversaires du gouvernement.

Salim Abbas Mamode, le tout dernier néo-converti au Sun Trust et Kavi Doolub ont adressé des questions supplémentaires sur la drogue sous les précédents gouvernements et, comme toujours, lorsque ce sont les siens qui sont aux interrogations, le Premier ministre dispose de tous les chiffres et de tous les détails et il répond longuement. Cette séquence a été ponctuée de quelques murmures de “chatwa time” dans les travées de l’opposition.

Après un Question Time largement consacré cette semaine encore au Covid qui fait de plus en plus de victimes, le Premier ministre a présenté le Criminal Code (Amendment) Bill qui vise à interdire toute référence aux Chagos suggérant que ce ne serait pas une territoire mauricien.

De nombreuses interventions sur ce texte qui fait pourtant l’unanimité après des modifications apportées à sa première mouture présentée en août de l’année dernière. En l’absence du leader de l’opposition, c’est Paul Bérenger qui était le premier intervenant sur ce texte pour dire son soutien et souhaiter qu’il bénéficie d’un vote unanime.

Après cette allocution digne, de nombreux intervenants, le ministre des Affaires étrangères Alan Ganoo qui aura choisi d’adopter le même ton que le leader du MMM, Ritesh Ramful qui a profité pour glisser une petite pique sur Agaléga, Kalpana Koonjoo-Shah qui, pour tout argument inspiré a reproché à Paul Bérenger de ne pas avoir… félicité le Premier ministre.
Se sont ensuite succédé le PPS Prakash Ramcurrun, Reza Uteem qui a évoqué le combat ancien et constant de son parti pour la récupération des Chagos, le ministre Deepak Balgobin, qui a fait ce que tous les MSM savent faire de mieux chanter les louanges de feu SAJ et surtout de “our Prime Minister Pravind Jugnauth”.

Pour la suite des interventions, le député du PMSD, Kushal Lobine et la PPS Tania Diolle. Et pour ne pas changer, l’intervention de cette dernière a été marquée par un incident l’opposant au Deputy Speaker qui avait pris le relais pour la partie nocturne des travaux.

Entre les “confusions conceptuelles” et les “une tentative malicieuse qui a été documentée de démembrer le territoire mauricien de l’Archipel des Chagos alors que Tromelin c’est une dispute qui date de 1716” (comprenne qui pourra), la PPS s’est adressée à Zahid Nazurally en tant que “Monsieur”.

Comme il est très à cheval sur le respect des us et coutumes de la chambre, le Deputy Speaker l’a tout de suite arrêtée pour lancer “vous voulez dire M. Le président?”. Et à Tania Diolle de se confondre en excuses “excusez-moi ! je m’excuse, mais vous savez que je parle de vous. C’est ça qui compte. Je m’excuse”. Avant l’ajournement des débats, ce sont Nando Bodha et Rajanah Dhaliah qui se sont exprimés sur ce texte.

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