Politique : Compensation salariale ou le compte à rebours du rendez-vous électoral

— Le Grand Argentier entretient l’option du Feel-good Factor avec un Gamble politique sur un tout est possible pour le quantum
— Au cours des prochains quinze jours, les syndicalistes accorderont leurs violons pour tenter de donner un peu de vigueur au porte-monnaie des salariés, rongé par la hausse des prix
— Le secteur privé brandit la vulnérabilité post-Covid des PME, facteur mis en exergue dans le récent Business Recovery and Resilience Survey de DCDM Research

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Un des derniers rendez-vous majeurs sur l’échiquier sociopolitique en cette fin d’année demeure l’annonce du quantum de la compensation salariale entrant en vigueur à partir du 1er janvier. D’aucuns affirment que l’étape du 7 décembre avec la conclusion des prochaines consultations tripartites, donc l’annonce par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, du chiffre visant à compenser la perte du pouvoir d’achat des ménages avec la hausse insidieuse des prix donnera le ton du compte à rebours pour les prochaines échéances électorales. Le gouvernement de l’Alliance Nationale, dirigé par Pravind Jugnauth, est irrémédiablement engagé dans la cinquième et dernière année de son mandat.

Dans la conjoncture, toutes les indications sur le plan politique s’accordent à dire qu’il faudra s’attendre entre avril et juin de l’année prochaine pour le déclenchement des procédures formelles menant aux prochaines élections générales. En effet, la période allant jusqu’au 11 avril, date annoncée pour la fin du Ramadan avec le carême de la Pâques se chevauchant sur une bonne partie de la fin du premier trimestre et avec les risques de cyclone, ne s’annonce nullement propice pour une campagne électorale. Entre-temps, le temps des prières et des jeûnes en marge du pèlerinage de Maha Shivaratree et de Thaipossun Cavadee aura été complété au cours du premier trimestre de 2024.

Avec la fête de l’Eid-ul-Fitr, célébrée vers le 11 avril de l’année prochaine et la Pâques le dimanche 31 mars, subséquemment, le ministre des Finances cherchera un temps de battement pour mettre au point le cinquième et dernier budget de la présente législature, très probablement pour conclure le premier semestre de l’année prochaine.

Un peu plus de 250 000 électeurs, soit presque un sur quatre, sont dans l’attente de la confirmation du chiffre magique de Rs 13 500 pour la Basic Retirement Pension (BRP). Le prochain Budget Speech de Renganaden Padayachy s’avère être le litmus test de cette promesse électorale remontant au 1er octobre 2019. Une carte électorale incontournable susceptible de peser lourd lors du décompte des voix l’année prochaine invariablement dans les 20 circonscriptions de l’île et à Rodrigues, et Agalega également. Et ce n’est qu’après cette échéance budgétaire que pourrait intervenir la dissolution de l’Assemblée nationale pour des élections législatives.

Entre-temps, et dans l’immédiat, un peu plus de 553 000 salariés demeurent suspendus à la décision du gouvernement, à travers le ministre des Finances, au sujet de la prochaine compensation salariale. La première étape des consultations tripartites est annoncée pour le lundi 4 décembre avec le ministre du Travail et des Relations industrielles, Soodesh Callichurn, en arbitrage entre les syndicalistes et le secteur privé au sujet des projections de l’indice du coût de la vie (CPI) jusqu’au 31 décembre, facteur clé de la compensation salariale.

Tout compte fait, les données de Statistics Mauritius à ce chapitre ne font nullement l’objet de contestation de la part des partenaires sociaux. Le chiffre arrêté lors de la formalité du 4 décembre servira aux syndicalistes pour affiner leurs revendications à être formulées lors des tripartites du 7 décembre. Sauf qu’il est extrêmement rare, pour ne pas dire jamais, de voir les autres partenaires sociaux, en particulier le patronat ou encore le gouvernement, s’aligner sur les demandes formulées par l’ensemble du mouvement syndical.

En attendant de mettre au point les revendications, les syndicalistes parlent d’une compensation salariale ayant pour seuil un montant de Rs 1 000. Les plus réalistes au sein de la classe des salariés diront qu’à partir du 1er janvier 2024, ce sera probablement le maximum pour une partie des salariés, notamment ceux au bas de l’échelle, alors que d’autres devront se contenter du bon vouloir du ministre des Finances.

Ainsi, depuis deux semaines, en projetant à l’avant un Produit intérieur à Rs 650 milliards pour cette année, soit une progression de Rs 210 milliards comparativement à 2020, l’année de la pandémie du Covid-19, le ministre des Finances se fait l’avocat prônant la thèse d’une « compensation salariale qui sera juste pour les employés et qui va refléter la situation économique et prenant en considération les difficultés éprouvées par les entreprises. »

À l’Assemblée nationale, répondant à une interpellation du député du Parti travailliste, Ritesh Ramful, le mardi 7 octobre, Renganaden Padayachy, sans s’aventurer sur le terrain des chiffres pour la compensation, devait concéder toutefois que « les profits que sont en train de réaliser tous les secteurs, nous avons des profits record, cela veut dire que l’économie est en train de s’améliorer. » Pour calmer le jeu, il devait laisser entendre que « nous sommes en train de travailler avec mon collègue du ministère du Travail pour revoir par rapport à la profitabilité qu’est-ce qu’on peut faire pour encore une fois améliorer le pouvoir d’achat de tous les travailleurs à Maurice. »

L’heure de vérité

Et l’heure de vérité pour la compensation salariale, en prélude à l’année de la campagne électorale, sonnera le jeudi 7 décembre. Qu’en est-il du patronat dans cette équation opposant des profits allant dans les milliards engrangés par des entrés économiques et l’érosion systématique du pouvoir d’achat des salariés ?

Officiellement, du côté de Business Mauritius, l’on se garde de se jeter dans la mêlée des chiffres pour le paiement de la compensation salariale. Avec la reprise post-Covid, sous un ciel couvert d’incertitudes, avec les répercussions de la crise au Proche-Orient ou encore les velléités de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, entre autres, le secteur privé s’attelle davantage à se pencher sur un Assessment of Business Recovery and Resilience à Maurice et les mesures à prendre pour encadrer et soutenir de manière durable les activités économiques.

Au cours de la semaine écoulée, la publication des findings de DCDM Research, en collaboration avec Business Mauritius, Statistics Mauritius et le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD), balise dans une grande mesure les préoccupations du secteur privé. Ce survey, entrepris entre le 28 mars et le 21 juillet de cette année, et touchant 504 entreprises économiques sur un échatiilonnage de 800, avait pour attributions de procéder :
— à une évaluation de la reprise des activités économiques par rapport au chiffre d’affaires, à l’emploi de même qu’aux exportations
— à une analyse des Business Models envisagés pour traverser cette période de transition
— à une projection des investissements pour les deux prochaines années
— à l’identification du poids des facteurs comme l’Inclusiveness, le genre, la durabilité et
— à l’élaboration de politiques pour encadrer la relance des entreprises.
Ainsi, ce survey propose aux capitaines de l’industrie et aux opérateurs économiques cinq pistes :
— le dénivellement au titre de la résilience entre les petites et moyenes entreprises (PME) et les autres segments des acteurs économiques, soit les medium, mid-market and large companies, avec pour objet de « address the SME’s pressing needs for cash flow ». En effet, deux PME sur cinq font face à de graves difficultés pour recouvrer leurs Pre-Covd Levels of Performance et de graves problèmes de trésorerie
— la pénurie de main-d’oeuvre sur le marché du travail avec le recours de plus en plus urgent à des ressortissants étangers
— la business innovation and resilience avec l’introduction de la digitalisation des opérations et de l’intelligence artificielle avec plus de 50% des opérateurs nullement en mesure d’identifier des ressources nécessaires, d’où la recommandation pour des formules de grants, corporate tax relief et autres facilités pour accélérer le R & D
— des grants et autres allégements fiscaux pour assurer des investissements dans le sustainable development et
— corriger le désavantage dont font face les female-led enterprises, que ce soit sur le plan de la résilience de la performance en termes d’exportations, de ventes, de profitabilité et d’investissements.
Appréhensions

En prévision à ce rendez-vous du 7 décembre, le secteur privé affûte ses arguments pour défendre la thèse que l’agenda de la relance devra comporter d’autres éléments d’urgence pour éviter tout risque de dérapage de l’économie en dépit du feel-good factor qu’entretient le ministre des Finances. Business Mauritius tentera de remettre en selle les appréhensions au chapitre de la pénurie de la main-d’oeuvre ou encore la passe difficile des PME.

Ainsi, le tableau de l’emploi affiche des zones d’ombre, même si dans certains secteurs, dont l’hôtellerie avec l’Association des Hôtels et Restaurants de l’île Maurice (AHRIM) se proposant de venir de l’avant avec des mesures pour atténuer le problème et ne pas compromettre les ambitions de ce pilier économique.

L’étude menée par DCDM Research note que les major challenges rencontrés par les opérateurs économiques se déclinent comme suit :
— 61%, soit deux sur trois des employeurs arrivent difficilement à identifier les candidats appropriés pour des postes à pourvoir
— 60% d’entre eux se retrouvent avec des aspirants-employés n’ayant pas l’expérience nécessaire, mais réclamant des salaires et rémunérations des plus élevés
— 46%, soit un sur deux, avec des employés ne présentant pas des attitudes appropriées pour les postes
— 42%, soit deux sur cinq, avec des candidats n’ayant aucune compétence technique pour les emplois à pourvoir
— 26%, un sur quatre, avec des candidats bardés de diplômes universitaires, mais pas à la hauteur des organisation’s expectations.
Pour compenser ces graves manquements sur le marché du travail, les solutions suivantes sont proposées avec :
— 72% des employeurs se disent disposés à procéder à des recrutements sur le plan local tout en assurant la formation nécessaire sur le tas
— 43% en faveur de la solution de facilité avec le recours à l’importation de la main-d’oeuvre étrangère et
— 20% se fiant à des local freelancers.
En complément à ces obstacles sur la voie du recrutement, le secteur privé envisage une série de mesures, comme :
— 58% en faveur d’une plateforme pour le recrutement de potentiels détenteurs de Degrees universitaires
— 48% intéressés à recruter des universitaires avec un programme d’encadrement professionnel `
— 35% avec des facilités accrues pour recruter de la main-d’oeuvre étrangère et
— entre 28% et 32% pour une collaboration avec le monde universitaire en vue d’atténuer le mismatch.

D’autre part, la stratégie nationale en vue de résoudre la pénurie de main-d’œuvre devra comprendre un assessment des skills needs du secteur pour assurer l’adéquation entre l’offre et la demande, des programmes de formation en entreprise en faveur des gradués en quête d’emplois, des sessions de career guidance dans le cycle secondaire et un upgrading de la qualité de l’éducation supérieure.

La mise à exécution de ces mesures présente un coût additionnel pour les entreprises susceptible de déplacer toute générosité additionnelle au guichet de la compensation salariale. Le chiffre adopté le 7 décembre restera révélateur à plus d’un titre…

Business Mauritius affiche une satisfaction légitime

Commentant les grandes lignes du Survey to Assess Business Recovery and Resilience in Mauritius, Business Mauritius affiche une satisfaction légitime. C’est ce qu’indique le Chief Executive Officer, Kevin Ramkaloan, lors de la présentation des conclusions au cours de la semaine écoulée.

Les trois facteurs ayant influencé positivement les activités économiques sont le recouvrement des marchés traditionnels (67%), le retour à la normale après les confinements (61%) et la tendance à la baisse du fret (42%). Par contre, les trois obstacles à gérer se présentent sous la forme de pénurie de main-d’oeuvre (64%), des difficultés de trésorerie (Cash Flow) à hauteur d’une entreprise sur trois (67%), en particulier dans le secteur des PME, et également l’évolution du taux de change avec des répercussions néfastes sur les prix à l’importation.

« Les résultats de l’enquête réalisée cette année sont encourageants et témoignent de la résilience des entreprises à Maurice. Nous constatons qu’il y a un réel progrès dans le paysage économique du pays, compte tenu de la situation à laquelle nous étions confrontés il y a deux années. Je dois dire que la réouverture des frontières et la reprise de nos marchés principaux ont été des facteurs clés ayant contribué à ces chiffres satisfaisants », soutient le Chief Executive Officer de Business Mauritius.

L’état des lieux post-Covid dans l’économie indique que par rapport à la résilience des entreprises : 98% opèrent normalement, représentant une amélioration par rapport aux années précédentes, où seulement 78% étaient opérationnelles en 2020 et 65% en 2021. Les Pettes et Moyennes Enteprises se retrouvent avec 96% des entreprises fonctionnant normalement, comparativement à 52% en 2021.
Les autres indicateurs positifs dans le paysage économique sont que :
— seulement 15% des entreprises ont enregistré de baisse des ventes en 2022, contre 69% en 2020 avec des prévisions que 83% des entreprises misent sur une augmentation ou une stabilité des ventes en 2023
— 45% des opérateurs économiques du privé ont augmenté leurs dépenses en capital (CAPEX) en 2022 par rapport à l’année précédente, et 76% projettent de maintenir ou d’augmenter leurs dépenses en 2023
— 20% emploient des travailleurs étrangers et 22% ont des employés en situation de handicap. De plus, 70% des entreprises ont réussi à maintenir leur effectif en 2022, et 47% anticipent une augmentation du personnel pour l’année à venir.

Au chapitre des perspectives, 83% des entreprises sont confiantes de pouvoir procéder au recrutement de personnel. De plus, une entreprise sur deux (54%) signifie son intention d’augmenter des investissements dans des projets de développement durable au cours des cinq prochaines années.

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