Véronique Leu-Govind, Ex-Présidente du PMSD : “Je pense que les femmes doivent se faire respecter.  Et c’est ce que j’ai fait en démissionnant”

“Xavier était un super leader de l’opposition à qui je lance un appel  pour se ressaisir” “J’accepte d’être sacrifiée, mais pas d’être humiliée” “Aujourd’hui, le PMSD ne prône plus la méritocratie. Bef travay, souval manze. Des gens sont partis en 2019. Pendant quatre ans, on ne les a pas vus et maintenant, ils reviennent et le ticket leur est réservé”

Une semaine après sa démission des instances du PMSD, nous avons recontré Véronique Leu Govind, l’ex-présidente des Bleus, désormais au sein du nouveau parti formé par les dissendents du PMSD, les Nouvaux Démocrates. C’est le cœur gros qu’elle parle du PMSD, un parti où elle a œuvré pendant plus de dix ans et qu’elle ne reconnaît plus, dit-elle, déplorant le manque de communciation, de transparence, aussi de méritocratie. Elle ne reconnaît plus, non plus, son ex-leader, un “Super Leader de l’opposition” à qui elle lance un appel “pour se ressaisir”.

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Véronique Leu-Govind, pouvez-vous nous en dire plus sur les circonstances qui ont mené à votre démission en tant que présidente du PMSD. Il semble que votre lettre était déjà prête, dimanche…
J’ai fait ma lettre samedi. Je réfléchissais depuis jeudi, car il y avait beaucoup de choses qui se passaient dans le parti. Depuis deux semaines déjà, il y avait des changements d’attitude et peut-être de priorités aussi. Il n’y avait pas de communication ni de consultation avec les membres du bureau politique et de l’exécutif. Vendredi matin, dans une conversation téléphonique avec le leader – parce que, lors du bureau politique au courant de la semaine, j’avais voiced out mon mécontentement –, il m’avait laissé entendre qu’il y avait des difficultés de tickets et qu’il allait retirer Adrien du No 17 et voir ce qu’il allait faire de lui. Cependant, dans l’après-midi, un ami m’a appelé pour me dire qu’il y avait une liste de candidats prête avec les noms suivants : Aurore Perraud au No 19, Adrien Duval au No 4, Malini Seewocksing au No 17, Xavier Duval au No 18, un point d’interrogation auprès des noms de Richard Duval et Kushal Lobine, et aucune mention de la circonscription No 14. J’étais choquée. J’ai alors appris qu’il y a une réunion au bureau du leader de l’opposition où étaient présents Aurore Perraud, Malini Seewocksing, Mamade Khodabaccus, entre autres. Cela a sonné très bizarre pour moi qu’il y ait une réunion et qu’en tant que présidente du parti, je ne sois pas au courant. J’ai alors téléphoné au secrétaire général et je lui ai parlé de la liste… Il m’a dit non, pa krwar ladan. Lorsque j’ai évoqué que cette liste annonce Aurore Perraud au No 19, il m’a dit : “Mo pann trouv Aurore mwa.” C’est là que je me suis  douté qu’il se tramait quelque chose, d’autant qu’un autre ami m’a confirmé cette même liste de candidats. Là, je me suis inquiétée. J’ai alors décidé de partir. Ce n’est pas une question d’investiture, mais de principe. J’ai envoyé un message au secrétaire général lui disant que j’accepte d’être sacrifiée, mais pas d’être humiliée.

Humiliée ?

Oui parce que j’étais présidente du PMSD, mais je ne savais pas ce qui se passait au sein du parti ! Il y a un problème avec ma circonscription où j’ai travaillé pendant une dizaine d’années et je ne suis pas au courant, comme les agents, que je n’allais pas avoir une investiture. C’est tout cela qui m’a agacé et mis en colère. Ce manque de transparence dans le parti. Le leader a appris que je n’étais pas contente et m’a téléphoné samedi matin. Je n’ai pas répondu car il fallait que je me calme par respect pour lui. Par la suite, le secrétaire général m’a téléphoné et quand je lui ai expliqué ma colère, il m’a dit : “Rest trankil twa. Laisse mwa okip twa. Mem si to pann gagn ticket, nou fer twa gagn enn lot zafer, enn présidence par là.” J’étais choquée car la question n’était pas une question d’investiture. C’était de m’ignorer en tant que présidente du parti. Je lui ai répondu : “Si to lé rest trankil, rest trankil twa, mwa non.” Et c’est là que j’ai écrit ma lettre. J’ai fait faire des corrections toute la journée de dimanche.

Vous avez mentionné un manque de transparence et de démocratie interne dans votre lettre de démission. Pouvez-vous préciser les situations spécifiques qui vous ont préoccupée à ce sujet ? Vous semblez dire que vous n’étiez pas entendue…
Depuis quelque temps, c’est l’opacité au PMSD. Il y avait comme un flottement, un petit clan MSM par-ci, un petit clan pour l’alliance PTr-MMM-PMSD par-là… J’avais prévenu le leader. J’ai dit à Xavier que quitte à ne pas me donner d’investiture, fais en sorte que notre parti ne se déchire pas. Je lui avais fait comprendre que pour moi, la priorité c’était le parti ; que le PMSD ensemble c’est du solide et que cela avait une valeur et qu’il fallait montrer notre force et notre solidarité. Il y a aussi eu Adrien Duval qui a été à la radio, et puis a rencontré Navin Ramgoolam. Mais on ne savait pas ce qu’il allait dire et ce qu’il allait discuter. Il était mandaté pourquoi faire ? Adrien n’est pas un membre du bureau politique ! Il y a alors eu une réunion avec le leader qui a expliqué qu’il y avait des difficultés par rapport à l’alliance, le nombre de tickets, etc. J’ai voiced out que ce qui m’inquiète, c’est mon parti et non pas ce que fait le MMM, le PTr ou le MSM. Pour moi, la priorité c’était par rapport aux décisions qu’on allait prendre pour l’avenir du PMSD. J’ai aussi dit au leader qu’il y a un manque de communication et qu’il faut qu’il nous dise ce qui se passe au niveau de l’alliance, qu’il faut qu’on sache ce qu’on doit faire, ce qu’on doit dire aux gens, aux agents… Kushal Lobine également a voiced out et a fait comprendre que dans le parti, il fallait respecter la hiérarchie, etc. Il a aussi dit qu’il suivrait Xavier partout, mais certainement pas avec le MSM. C’est tout cela qu’on déplore. En tant que présidente, je ne peux pas accepter…

Avez-vous reçu des conseils ou des directives spécifiques de la part d’autres membres du parti ou de l’exécutif qui ont influencé votre décision ? Richard Duval ou Kushal Lobine ?
Personne n’a influencé ma décision. C’est une décision personnelle. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que je démissionne.

Justement, ce départ du PMSD le 14 avril 2024 n’est pas la première de votre part, vous aviez déjà démissionnée de toutes les instances du parti bleu, le lundi le 12 avril 2021. Ne seriez-vous pas instable de nature ?
Certainement pas. Les gens pensent que c’est en raison de l’investiture que j’ai démissionné. En 2021, il n’y avait pas d’élections… La situation est la même aujourd’hui au PMSD, le même manque de communication, de transparence, de méritocratie. En 2021, lorsque Xavier Duval avait pris le poste de leader de l’opposition, il s’était coupé complètement de tout le monde. Il n’y avait pas d’exécutif…  Tout le monde se sentait seul. Salim Abbas Mamode était très remonté contre Xavier Duval qui ne se concentrait uniquement que sur sa PNQ. Il rencontrait d’autres gens, mais pas nous. Et je dois dire que Xavier Duval était un super leader de l’opposition. Il était un bosseur. Une semaine après ma démission, Patrice Armance et Thierry Henri sont venus me voir et m’ont fait comprendre que le parti avait besoin de moi. Je suis revenue. Mais voilà, la situation au sein du parti est similaire aujourd’hui.

Comment évaluez-vous l’état actuel du PMSD en termes de cohésion et de direction, surtout après la démission de Kushal Lobine, Richard Duval, puis d’autres membres ?
C’est chagrinant. Je suis triste pour le parti pour lequel j’ai travaillé pendant au moins dix ans et où je compte des amis. Il y a, sans doute, des gens qui restent juste pour voir ce qui se passe, si le MSM fera alliance ou pas. Mais si c’est le cas, il y aura beaucoup d’autres démissions.

Justement, lorsque vous avez démissionné, vous avez aussi dit que vous ne pouviez cautionner qu’il y a des tractations avec le MSM…
C’est vrai. Et ce ne sont pas des rumeurs. Ce sont des informations sûres. En tant qu’ex-présidente, je ne peux pas tout dévoiler… C’était à nous aussi de voice out. Mais Xavier a pris seul la décision de quitter l’alliance, et c’est triste. Triste parce qu’on a donné de l’espoir aux Mauriciens. Aujourd’hui, le PMSD ne prône plus la méritocratie. “Bef travay, seval manze.” Des gens sont partis en 2019. Pendant quatre ans, on ne les a pas vus et maintenant, ils reviennent et un ticket leur est réservé ! Aussi, on nous avait dit pendant des mois qu’il n’était pas question de s’approcher du MSM, mais pas plus tard que vendredi, Xavier Duval a lui-même confirmé qu’il laisse la porte ouverte à toutes les options. Cela veut tout dire.

Comment envisagez-vous le rôle du PMSD dans le paysage politique mauricien à l’avenir ?
Ce sera difficile pour le PMSD. Avec une alliance à trois, on avait, depuis quelques années, une synergie, une vision. Il lui reste deux options. Du côté du MSM, il y a déjà trois partis et le PMSD serait, s’il y a alliance, le 4ème parti.. Il y a toujours Ivan Collendavelloo qui lui est resté fidèle, malgré ce qu’il a fait avec lui. Il y a aussi le groupe Linite avec Obeegadoo et Ganoo qui sont restés. Avec l’arrivée du PMSD, est-ce que Xavier Duval sera le No 2 ? Et ceux qui sont restés fidèles au MSM alors ? On verra bien. De l’autre côté, il y a l’alliance avec les partis extra-parlementaires. Qui sera le parti mainstream qui dirigera l’alliance ? Qui sera pressenti Premier ministre ? Roshi Bhadain ? Nando Bodha ? Quel sera le rôle du PMSD, alors ? : c’est la grande question à se poser.

Avez vous un message personnel à Xavier Duval, votre ex-leader ?
Je le remercie de m’avoir donné l’opportunité de faire mes preuves. Le PMSD était un parti formidable, que ce soit dans le gouvernement ou dans l’opposition. Et Xavier Duval a été un grand leader jusqu’à il y a deux semaines. J’aimerais lui dire : Xavier, je ne te reconnais plus. Tu n’es pas le leader que je connais. J’aimerais lui dire qu’il faut revenir au Xavier d’avant. Il doit voir ce qui se passe au sein de son parti et se rappeler qui sont ceux qui étaient à ses côtés lorsqu’il était en difficulté en 2017 et 2019, qui sont les gens qui sont restés fidèles… Il doit se remettre en question. Je lui souhaite bonne chance et je souhaite au PMSD de se ressaisir.

Avec Kushal Lobine et Richard Duval, vous avez lancé un nouveau parti, Nouveaux Démocrates? Quels sont les objectifs derrière cette stratégie ? Rejoindre l’alliance PTr/MMM que le PMSD n’aurait jamais dû quitter ?
Rejoindre le PTr-MMM, c’est déjà fait. Nous pensons que cette alliance est l’avenir du pays. On est resté avec l’Alliance par principe. L’objectif est d’aider à l’amélioration du pays. Et pour cela, il faut que le gouvernement MSM quitte le pouvoir.

Quel est votre regard sur le MSM, parti au pouvoir, la façon dont elle gère le pays et la performance du speaker à l’Assemblée nationale ?
D’abord, je vais dire que le speaker est pitoyable. Cela ne fait pas du tout honneur au Parlement et au pays. Et cela n’encourage pas ni les femmes ni les jeunes à faire de la politique. C’est dramatique ce que nous avons vu mardi dernier. Ensuite, par rapport au MSM et la gestion du pays, c’est la catastrophe. Je n’entrerai pas dans les détails, mais on n’a qu’à se pencher sur le dernier rapport de l’Audit : tout est dit : gaspillage, pillage… c’est de pire en pire. C’est pourquoi il faut un changement.

Vous avez été conseillère et présidente du Conseil de district de Rivière Noire, avec des hauts et des bas, entre 2012 et 2020. Pourriez-vous être une candidate au sein de l’alliance de l’opposition dans la circonscription qu’englobe cette région ?
Je ne sais pas. Je ne suis pas demandeuse. Nous faisons partie de l’alliance avec le PTr et le MMM et notre priorité est de remporter les élections. Je suis là pour donner un coup de main, investiture ou pas. S’il y a de meilleurs candidats que moi, cela ne me gêne pas de laisser la place. Mais si on fait appel à moi et que j’ai mes chances d’être élue, je répondrai présente.

L’une de vos passions est le sport, en particulier le football que vous avez pratiqué avec les garçons de votre quartier. Ces expériences vous ont appris l’esprit d’équipe, la détermination, la résilience et le goût de l’effort. Ces qualités sont-elles indispensables dans le monde politique où les hommes règnent sans trop de partage ?
(Rires) Oui, le foot c’est ma passion et je suis toujours dans la Ligue nationale. Je fais ce sport par passion, mais aussi parce que cela me permet de me rapprocher des gens, des jeunes qui ont besoin d’encadrement. J’aime cette proximité. Je ne reste pas dans mon petit nuage, dans une belle voiture de luxe, etc. Je vais vers les autres. C’est un sport difficile, mais c’est quelque chose de vraiment bien pour ces enfants… Il faut s’armer de courage et d’énergie pour pratiquer le foot. Un peu comme la politique. Et je ne fais pas de différence entre la capacité d’un homme et d’une femme. Physiquement peut-être, mais c’est avec sincérité et détermination qu’on avance.

Pensez-vous que la femme est aujourd’hui respectée en politique ? Qu’elle a un rôle à jouer pour peser sur la vie des citoyens mauriciens et redonner confiance à la population ?
Je pense que les femmes doivent se faire respecter. Et c’est ce que j’ai fait en démissionnant.

 

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