Après les deux dernières éditions sous strictes restrictions sanitaires en raison de la gravité de la pandémie, ce 158e pèlerinage du Père Laval sans les mêmes contraintes imposées maintenant que la crise sanitaire s’est largement atténuée a connu, comme prévu, dans la soirée du jeudi 8 septembre, une très grande affluence. Ils étaient, en effet, des milliers à avoir fait le déplacement vers le sanctuaire de Sainte-Croix pour se recueillir au tombeau du Bienheureux apôtre de l’île Maurice.
Adultes, enfants, personnes du troisième âge : ils étaient des milliers venus d’aussi loin que de Rose-Belle, de Poudre-d’Or, d’Albion ou de Saint-Pierre en voiture, en bus, par le métro ou à pied pour dire merci pour une grâce obtenue ou pour demander à l’apôtre des pauvres d’intercéder en leur faveur auprès de Dieu.
Cette ferveur retrouvée se lisait sur les visages des fidèles, notamment, à l’intérieur du tombeau quand ils venaient s’incliner devant le sarcophage en pierre renfermant les restes du Père Laval. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, sur toutes les routes principales menant à Sainte-Croix, des pèlerins à pied faisaient halte à des stations de ravitaillement où des bénévoles assuraient le service.
Plus près du sanctuaire, dans de petites échoppes, des fidèles s’arrêtaient aussi pour s’acheter un bouquet de fleurs ou des bougies qui seront déposés au tombeau en signe d’offrandes au Père Laval. Dès 18h45, le Renouveau Charismatique assurait l’animation à l’église de Sainte-Croix et un peu plus tard, le long de l’allée Père Laval. Des prêtres se relayaient aussi pour assurer aux pèlerins qui le désiraient le sacrement du pardon.
Et comme c’est, désormais, le cas en temps normal lors du pèlerinage annuel, des animateurs des Organisations Non-gouvernementales (ONG) dont Caritas, Lakaz A, le Centre d’Accueil de Terre-Rouge (CATR), Befrienders et Kinouete assuraient un service d’écoute à l’intention des personnes en besoin d’aide pour eux-mêmes ou pour une personne de leur connaissance.
Lors de la principale messe télévisée du pèlerinage 2022 ce soir du jeudi 8, l’évêque de Port-Louis, le cardinal Maurice Piat a formulé, dans son homélie, un véritable cri du cœur pour « l’invention » d’une pédagogie nouvelle à l’intention des 25 à 30% d’élèves qui, chaque année, échouent aux examens de fin de cycle primaire. Ceux-là, le prélat les a comparés aux « brebis sans berger » dont parle l’Evangile de la multiplication des pains proclamé en cette messe de pèlerinage.
« Pauvres, humbles, écrasés, écartés, exploités… »
Le cardinal Piat devait dire que ces « brebis sans berger » dont parle l’Evangile de Marc étaient « des pauvres, des humbles, des écrasés, des écartés, des exploités » que Jésus, par compassion, avait choisi de « traiter comme des humains ». « Il les avait accueillis comme des convives avec bonté et respect », a fait valoir l’évêque. De la même manière, le prédicateur a fait un parallèle avec les esclaves nouvellement affranchis, ces autres « brebis sans berger » que le Père Laval, en son temps, avait choisi de « traiter avec respect ».
Ces esclaves nouvellement libérés étaient aussi « exploités et humiliés par leurs anciens propriétaires ». Et même à l’église, a rappelé l’évêque, ils étaient tenus à l’écart, tout au fond. Le cardinal Piat devait, ainsi, expliquer que l’apôtre des pauvres se fixa pour but de les éduquer et de les rendre autonomes. Ce qui, dit-il, allait permettre l’éclosion de petites communautés chrétiennes, d’abord, à Port-Louis. Communautés qui seront à la base de nouvelles paroisses.
« De nos jours, ce que nous voyons depuis assez longtemps, ce sont les 25 à 30% de recalés de l’éducation primaire. Des jeunes largués par un système éducatif qui n’est pas adapté à leur culture et à leurs besoins », a poursuivi l’évêque. «Si bien que, devait-il dire, « certains se retrouvent à la rue et d’autres deviennent les esclaves des marchands de drogue et finissent en prison ». Le cardinal Piat en a profité pour évoquer la grande peine que vivent les parents de ces enfants pris dans l’enfer de la toxicomanie.
« Certes, c’est une chance d’avoir l’éducation gratuite mais il ne faut pas occulter ces 25% d’échec au cycle primaire », devait dire le prélat. Face à une telle proportion d’échec, soit, un quart des enfants en fin de cycle primaire, le cardinal Piat s’est prononcé pour « l’invention » à leur intention d’une autre pédagogie. L’évêque de Port-Louis s’est réjoui que beaucoup, déjà, travaillent à l’encadrement de ces nouvelles « brebis sans berger ».
Notamment, devait-il dire, au sein même du ministère de l’Education.
Parallèlement, le cardinal Piat a cité le « formidable travail de formation » qu’assurent plusieurs ONG auprès des recalés du primaire. Il devait aussi citer ce qui se fait déjà par le SeDEC avec l’aide de Caritas pour l’alphabétisation des jeunes de l’Extended Stream. Mais il devait lancer un appel au regroupement de ces bonnes volontés en vue d’un programme mieux adapté.
Citant le Pape François lors de sa visite à Maurice en septembre 2019, l’évêque de Port-Louis n’a pas manqué de rappeler comment le Saint Père avait attiré l’attention sur la vulnérabilité des « jeunes sans repères » face aux « nouvelles formes d’esclavage ». « Personne n’a de solution à lui seul. D’où la nécessité d’un travail en commun », a trouvé le cardinal Piat. Et le prélat de conclure son homélie sous les applaudissements de l’importante foule présente en citant cette phrase du Pape François : « Ne laissons pas les marchands de la mort voler les prémices de notre terre ».
Notons que le Pèlerinage Père Laval 2022 se poursuit ce dimanche avec la célébration de six messes entre 6h00 et 17h00. Il s’étendra tout au long de ce mois de septembre jusqu’au vendredi 30 avec, entre autres, le pèlerinage de la Vie Montante (personnes du 3e âge) le mardi 14septembre avec messe dite par l’évêque, le cardinal Piat à 10h00, celui des personnes porteuses d’un handicap le samedi 17 septembre avec messe à 10h00 et le pèlerinage des équipes du Rosaire le dimanche 18 septembre avec messe à 11h00.