Père Alain Romaine : « L’esclavé d’hier a dû payer un lourd tribut pour le développement de Maurice »

Les esclaves ont payé « le prix de leur vie avec tout le poids du mépris pour bâtir Maurice et la faire devenir l’étoile et la clé de l’océan Indien ». C’est ce que rappelle le père Alain Romaine dans un texte publié sur le site du diocèse de Port-Louis.
Pour lui, aujourd’hui encore, les descendants d’esclavés portent les séquelles de l’esclavage gravé dans le Code Noir. « L’esclavé d’hier a dû payer un lourd tribut pour le développement de Maurice (…) Ils continuent à payer le prix cher du racisme, mué en communalisme, l’exclusion, la discrimination, la péjoration issues des préjugés. » Il interroge ainsi : « Qu’en est-il de l’avenir des descendants d’esclaves  ? À quand un mécanisme de rattrapage au départ ou de réparation réelle pour lui permettre de forger, par lui-même, son avenir  ? »

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Analysant l’histoire des esclaves, Alain Romaine note qu’hier, aujourd’hui et demain, il y a le même prix à payer chez les esclaves et leurs descendants. Il indique que les récentes études sur la traite française dans les Mascareignes ont recensé environ « 80 000 capturés, enferrés, transportés à fond de cale, mis en esclavage à Maurice – avec une espérance de vie ne dépassant pas dix ans –, à payer le prix de leur vie avec tout le poids du mépris pour bâtir Maurice et la faire devenir l’étoile et la clé de l’océan Indien ».

Et leurs descendants continuent aujourd’hui, poursuit-il, « à payer le prix cher du racisme mué en communalisme, l’exclusion, la discrimination, la péjoration issues des préjugés (kreol pares , kreol nek amize ,  kreol gran nwar…), la marginalisation sociale dans les cités et les ghettos ».

Toutefois, face à toute cette stigmatisation, il valorise toute la résistance, la résilience et l’affirmation identitaire dont font preuve ces derniers « pour effacer l’abominable stigmate que le Code Noir a imprimé dans leur chair et leur âme ».

Au vu des séquelles encore présentes, il interroge l’avenir des descendants d’esclaves. « À quand un mécanisme de rattrapage au départ ou de réparation réelle pour lui permettre de forger, par lui-même, son avenir  ? Ou devra-t-il continuer à payer le prix fort demain et après-demain  ? »

Le prêtre qualifie le Code Noir de texte « porteur de violence originelle ». Il souligne que le système esclavagiste a été laissé « au bon vouloir sans limite des maîtres » et compare le Code Noir à « un appareil juridique qui se distingue par son extrême violence faite à l’esclave dans sa chair sous mode de punition, de sanction, de châtiment, de mutilation, d’exécution par le fouet et le fer ».

Au-delà de ces violences physiques, poursuit-il, « c’est dans son âme que le Noir déraciné de sa terre natale est le plus meurtri ». Il poursuit : « La négation de son humanité, l’affirmation de son infériorité pour le mener à la détestation de lui-même, l’endossement forcé d’une religion, d’une langue, d’une culture, et la dépossession de sa progéniture participent à l’effacement de son identité culturelle et spirituelle en vue de supposément le civiliser. » Point plus positif : « L’esclavé a su résister et faire preuve de résilience en créant une nouvelle culture : la créolité porteuse d’une nouvelle vision, qui se reflète dans la langue créole. Cela ne se fait pas sans séquelles sur ses descendants. »

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