À Pointe-aux-Canonniers – samedi dernier : La tortue de mer grièvement blessée a finalement succombé

Ce sont des hélices d'un bateau qui s'est rapproché de trop près de la zone de vie des tortues pour les montrer aux touristes qui seraient à l'origine de ce drame, malgré la législation en cours

Le week-end dernier, une tortue de mer a été retrouvée dans un état alarmant aux abords de la plage de Pointe-aux-Canonniers, portant sur sa carapace une cicatrice profonde, vraisemblablement infligée par l’hélice d’un bateau. Malheureusement, malgré les efforts déployés par des employés du Club Méditerranée, ainsi que les membres des Fisheries Protection Officers de Trou-aux-Biches, du ministre de la pêche, l’équipe de soins de Pet Concern et le personnel du Pointe-aux-Sables Fisheries Post, la jeune tortue n’a pas survécu à ses blessures, laissant la communauté publique et surtout des protecteurs d’animaux en deuil, mais aussi indignés, parce que cette espèce est qualifiée de menacée d’extincion sur la planète par World Wide Fund (WWF) for Nature.

Deux employés du Club Méditerranée de Pointe-aux-Cannoniers ont été les premiers à intervenir, en découvrant la tortue blessée sur la plage, filmée et photographiée par le photographe Yahia Nazro. Lequel – qui passe depuis peu de longues heures dans l’océan pour y découvrir la vie marine – a raconté à Week-End les premières circonstances de la découverte de la tortue blessée sur la plage de Pointe-aux-Canonniers : « La tortue est arrivée sur la plage éreintée et en souffrance avec la carapace dans un état lamentable. Les employés du Club Med l’ont alors remise à l’eau et l’ont ramenée à terre dans un bac rouge rempli d’eau de mer. »

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Intervention chirurgicale urgente

Constatant l’ampleur des dégâts sur le dos écaillé de la tortue comme annoncé par Le Mauricien, lundi dernier, ils l’ont tout de suite emmenée au Trou-aux-Biches Fisheries Post qui a reçu les instructions du ministre de la Pêche, Sudheer Maudhoo, d’emmener la créature lourdement blessée à la clinique vétérinaire Pet Concern de Phœnix, où le Dr Jha a entrepris une opération d’urgence après un rapide diagnostic.

Le Dr Jha a, d’emblée, fait comprendre que l’état de la coque de la tortue nécessitait une « reconstructive surgery » urgente pour réparer les dommages graves causés à sa carapace. En début de soirée, la tortue de mer a été examinée par le vétérinaire, en présence d’un responsable scientifique et d’officiers du Fisheries Protection Service. Cependant, malgré le diagnostic de l’équipe vétérinaire, l’état de l’animal était considéré comme critique au point où sa survie était incertaine dès le début. Après avoir décidé que la tortue subirait une intervention chirurgicale, l’animal a été admis au bloc opératoire. Deux heures plus tard, sa carapace et sa chair avaient été recousues, ravivant l’espoir qu’il soit sauvé.

« It passed away »

Malheureusement, malgré l’intervention chirurgicale à Pet Concern et les heures de soins prodigués au Fisheries Post de Pointe-aux-Sables, la tortue de mer n’a pas survécu à ses blessures. « Its condition was so bad, the shell was severely damaged. I was wondering if it would survive or pass away the same day. We tried to repair it. And the next day we would undergo a reconstructive surgery, but I learned it passed away », a déclaré le vétérinaire, dépité et triste de cette fin prématurée. Tous ceux concernés par cette mauvaise nouvelle étaient attristés et en colère, étant donné la cause plus que probable ayant infligé ces blessures mortelles : les hélices d’un des bateaux qui avaient emmené des clients au plus près des tortues.

« Enquêtez sur les allégations troublantes entourant un bateau qui aurait modifié sa position de manière suspecte, rapprochant graduellement les tortues de mer des côtes pour attirer l’attention des touristes. Cette activité, contraire aux pratiques recommandées par les autorités maritimes, soulève des questions sur les privilèges inexplicables dont bénéficie cet opérateur. Les tortues, qui remontent à la surface pour respirer, se retrouvent ainsi exposées à des perturbations inutiles, mettant en péril leur habitat naturel. Une investigation approfondie est nécessaire pour démêler les liens potentiels entre cet opérateur et les autorités compétentes, afin de préserver l’intégrité de la vie marine et de promouvoir des pratiques éco-responsables dans le secteur du tourisme marin », dit un témoin oculaire qui a préféré garder l’anonymat.

Cette tragédie met en lumière les risques constants auxquels sont confrontées les tortues marines, ainsi que d’autres espèces comme les baleines, les dauphins, les marsouins et d’autres animaux marins protégés en raison de l’activité humaine qui consiste à emmener des personnes voir de plus près ces animaux marins, soulignant la nécessité d’une sensibilisation accrue et de mesures de protection renforcées pour ces espèces vulnérables.

Une interdiction formelle en vigueur depuis janvier 2022

Les blessures infligées par les hélices de bateau demeurent l’une des principales causes de mortalité chez les tortues marines, qui remontent fréquemment à la surface de l’eau pour respirer. C’est à ce moment que les accidents sont les plus probables. Comme la tortue terrestre, la tortue marine a des poumons pour respirer en surface. Les poumons sont situés directement sous la carapace. Mais les tortues marines ont développé des capacités d’apnée très importantes (1000 m de profondeur pour la tortue luth, plus d’une heure sous l’eau).

Le ministère mauricien de l’Économie bleue, des Ressources marines, de la Pêche et de la Navigation avait été alerté sur des pratiques préoccupantes autour de la région de Trou-aux Biches/Pointe aux Canonniers où des opérateurs touristiques se livrent à des activités commerciales liées aux animaux de mer, en particulier les tortues. Ces activités comprennent l’observation, la nage et l’alimentation des tortues, susceptibles de mettre en péril la vie de ces tortues sauvages qui semblent être de plus en plus apprivoisées pour ces activités.

Face à cette menace potentielle sur la biodiversité marine dans cette région de l’île, le ministère avait émis une interdiction formelle le 25 janvier 2022. Il est alors devenu strictement interdit à quiconque de nager avec les tortues de mer, de les nourrir ou de les harceler sous toutes leurs formes dans les eaux de Maurice.

Protéger leur habitat naturel

Cette mesure visait à assurer la protection de ces animaux emblématiques et à préserver leur habitat naturel. À cette occasion, le ministère de la protection des ressources avait informé la population et les usagers de la mer que les tortues de mer étaient des animaux sauvages. Elles sont classées comme étant en danger d’extinction sous l’International Union of Conservation of Nature Red List of Threatened Species et sont protégées sous la Fisheries and Marine Resources Act 2007.

Ainsi, l’importance cruciale de respecter ces réglementations avait été affirmée, afin de garantir la survie à long terme des tortues de mer, mettant en garde contre les conséquences légales pour ceux qui ne respectent pas ces directives de conservation.

Pourtant, cet accident, devenu public et choquant, en cache d’autres – ceux qui tuent les tortues instantanément sans évidence de l’autre côté des récifs –, montrant bien que l’émission des lois ne suffit pas, il faut les faire appliquer et les rendre plus dissuasives qu’elles ne le sont en vérité, comme le font Les Seychelles, exemple de conservation d’espèces en voie de disparition, et La Réunion, qui imposent des conditions fermes et des amendes conséquentes après une surveillance qui mérite d’être recopiée ici. Pour que la même mésaventure n’arrive plus à aucune de ces tortues qui sont en voie de disparition sur la planète, comme l’affirme le WWF.

 

Aux Seychelles et à La Réunion

Les tortues marines face aux défis de la navigation et du tourisme

Les tortues marines font face à des menaces croissantes liées à la navigation et au tourisme aux Seychelles et à La Réunion. Depuis 2015, les collisions avec des bateaux sont devenues la principale cause de mortalité pour ces animaux vulnérables. Aux Seychelles, où les tortues de mer sont protégées par la loi, les autorités ont récemment établi de vastes aires marines protégées (AMP) pour sauvegarder la biodiversité marine. À La Réunion, les chiffres alarmants montrent une augmentation constante des collisions, atteignant un record de 11 incidents en 2021. Les navires touristiques, la pêche professionnelle et de plaisance sont tous impliqués, avec le port de Saint-Gilles-les-Bains identifié comme une zone à risque élevé, selon un article du site réunionnais Clicanoo.

Pour sensibiliser et agir, des initiatives ont été lancées, telles que des stands d’information au public et aux professionnels à la sortie du port de Saint-Gilles et des opérations visant à limiter la vitesse des bateaux à proximité des zones critiques. La Direction de la mer Sud Océan Indien a également pris des mesures pour imposer des limitations de vitesse, notamment à 5 nœuds, à 300 mètres de la côte ou de la barrière de corail.

Cependant, de nouveaux défis émergent, notamment avec l’apparition de lésions causées par des foils sous les bateaux, mettant en lumière la nécessité de réglementations strictes. Certains opérateurs – tel Sealife avec ses Visiobuls ou les bateaux à fond de verre – sont critiqués, bien que des actions aient été prises pour limiter leur vitesse de déplacement et le nombre de passagers.

Les pêcheurs et les acteurs du tourisme impliqués

Aux Seychelles, la création d’AMP étendues vise à préserver les habitats cruciaux des tortues marines, tout en impliquant les communautés de pêcheurs et les acteurs du tourisme dans le processus de préservation. La confiance entre ces parties est considérée comme essentielle pour le succès de ces mesures. Le gouvernement seychellois a aussi prévu dans sa législation des sanctions monétaires très élévées.

La préservation des tortues marines nécessite une approche coordonnée, alliant réglementations efficaces, sensibilisation du public et partenariats public-privé. Le tourisme de masse est identifié comme un défi majeur, exigeant un équilibre entre les activités touristiques et la préservation de la vie marine.

En conclusion, la protection des tortues marines aux Seychelles et à La Réunion a suscité la nécessité d’une action immédiate pour atténuer les menaces liées à la navigation et au tourisme. Les récentes mesures, telles que la création d’AMP et les restrictions de vitesse, constituent des étapes importantes, mais une collaboration continue entre les parties prenantes est essentielle pour garantir un avenir durable pour ces espèces emblématiques. Maurice devrait s’en inspirer car les tortues de mer, les baleines et autres dauphins sont en gros danger lorsqu’ils s’approchent de nos côtes pour se reproduire.

 

Selon la World Wide Fund (WWF) for Nature

Les tortues marines sont des espèces trop convoitées

Selon le WWF, les tortues peuplent nos océans depuis plus de 150 millions d’années. Elles ont côtoyé les dinosaures et surmonté toutes les crises climatologiques. Pourtant, aujourd’hui, 6 des 7 espèces vivantes sont considérées comme menacées ou gravement menacées.

On raille souvent la lenteur des tortues; pourtant, parmi les différentes espèces marines, certaines sont capables d’atteindre une vitesse pouvant s’élever à 35 km/h. Grâce à leurs pattes antérieures semblables à des nageoires, elles se déplacent rapidement dans l’eau, leurs pattes postérieures, courtes et larges, leur servant de gouvernail.

Leur carapace couverte de grandes écailles, si caractéristique, sert à protéger les parties molles de leurs corps, exception faite de la tortue luth, dont les plaques osseuses sont recouvertes d’un cuir épais.

Six des sept espèces sont menacées

Les tortues de mer se nourrissent d’algues, de végétaux marins, de crabes, de coquillages, de méduses, de moules et de petits poissons. Si toutes les espèces peuvent vivre en pleine mer, certaines s’éloignent peu des côtes. Certaines parcourent, au contraire, des distances phénoménales, effectuant de véritables migrations, entre leur source de nourriture et leur lieu de ponte.

Présentes dans tous les océans du monde, à l’exception de l’océan Arctique, six des sept espèces sont vulnérables ou menacées. Le statut de la tortue à dos plat (Natator depressus) reste inconnu pour cause de manque de données. Les tortues marines font localement l’objet de protection ou de plan de restauration, mais la pollution, le braconnage et les prises accidentelles par des engins de pêche, telles les hélices de bateaux, restent des causes préoccupantes de recul de populations déjà très relictuelles.

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