Cultivé principalement dans le sud-est de l’île, à Grand-Sable et Petit-Sable, Bambous-Virieux et Quatre-Soeurs, l’oignon “toupie”, aussi appelé “zoyon local”, est en voie de disparition. Il aurait disparu depuis déjà longtemps, n’était-ce l’effort des agriculteurs de la région soutenus par le Mouvement Autosuffisance Alimentaire (MAA).
« Nous menons une lutte depuis une vingtaine d’années pour sauver cette variété d’oignon, cultivée à Maurice depuis au moins 150 ans », lance Éric Mangar, manager du MAA. Le plus intéressant, dit-il, c’est que les agriculteurs produisent eux-mêmes leurs propres semences. « Cela leur permet de préserver l’aspect génétique de cette variété d’oignon. »
M. Mangar estime qu’il est important d’aider ces agriculteurs pour qu’ils puissent préserver l’oignon “toupie”, « sinon li pou disparet », en pensant à l’avenir. « Nou bizin kontinye gard li », soutient notre interlocuteur.
À Grand-Sable, Ekwan Savetree, agriculteur de longue date, cultive une petite parcelle de terre près de la côte. Les agriculteurs de la région, soutient-il, ont de tout temps obtenu leur pain en cultivant cette variété d’oignon. Lui ne le fait plus maintenant car l’oignon local n’a pas vraiment la cote auprès des consommateurs qui préfèrent les oignons importés, « qui coûtent moins chers et sont plus gros. Les Mauriciens n’ont pas le temps en rentrant chez eux le soir de couper des petits oignons “toupie” pour préparer leur nourriture ». Il ajoute que « la toupie » se préserve plus longtemps, pendant dix mois.
Puisque les Mauriciens préfèrent l’oignon importé, le marché de l’oignon “toupie” rétrécit. Mais, souligne l’agriculteur de Grand-Sable, « seki konn valer toupi li pou rod so toupi ». La variété toupie est très demandée par ceux qui cuisent le biryani en grande quantité, par exemple. « Nous n’en produisons plus en grande quantité. Tout ce que nous produisons, nous le vendons dans notre région même », dit-il. Malheureusement, ajoute-t-il, les consommateurs privilégient la quantité à la qualité.
S’agissant de la qualité, Ekwan Savetree et les cultivateurs de la “toupie” n’utilisent pas de fertilisants chimiques. Ils préfèrent le fumier et le compost qu’ils fabriquent à partir des algues ramassées sur la côte. « Des vers s’introduisent dans les algues et les travaillent pendant un certain temps. Puis, nous les ramassons et faisons du compost avec ce que nous utilisons dans nos plantations. Les plantes se développent très bien et deviennent plus robustes », fait-il ressortir. Éric Mangar ajoute que le rendement de la “toupie” est très bon grâce au compost. « Il ne faut pas abandonner les algues ; il faut en ramasser un maximum et fabriquer du compost avec », dit-il.
Ekwan Savetree indique que les agriculteurs de la région produisent leurs propres semences. « Ils en vendaient aussi à d’autres qui travaillent dans d’autres régions telles que Belle-Mare, par exemple, sur des centaines d’arpents de terre », lâche-t-il. Éric Mangar soulève un gros problème relatif à la production des semences. « Celle-ci dépend des abeilles qui pollinisent les plantes dans la région. Mais, l’on constate une destruction de l’habitat de ces abeilles. Ce qui rend difficile la production des semences ». Tout en admirant les rangées d’oignons “toupie” qu’il cultive actuellement, Ekwan Savetree lâche : « Pe dir ramas manze dan freezer pou move tan, me bizin protez bann prodikter lokal. C’est plus important car nous ne voulons pas perdre une partie de notre patrimoine agricole. »
AGRICULTURE : L’oignon “toupie” en voie de disparition
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