Aids Candlelight Memorial – Nicolas Ritter : « Vivre avec le VIH, ce n’est pas une honte ; c’est un combat !»

•Mgr Durhône : « Le sida est une forme de pauvreté, et surtout un Silent Killer »

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•Robert Hungley (vice-président) : « Je croyais savoir plein de choses mais ce soir, j’en ai appris beaucoup plus ! »

Après un long hiatus, l’AIDS Candelight Memorial a, de nouveau, été commémoré en public. L’esplanade du Caudan Waterfront accueillait, ce dimanche soir, 18 mai, un bon public, des invités de marque inattendus et surtout, de nombreux membres de la communauté des Personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Organisé par Pils (Prévention, Information et Lutte contre le Sida), soutenue par une dizaine d’ONG militant pour cette cause, l’hommage aux personnes vivant avec le virus et ceux qui en sont décédés était un grand moment d’émotions fortes. Nicolas Ritter, figure emblématique de ce combat, a livré une allocution des plus poignantes : « l’AIDS Candlelight n’est pas une simple cérémonie ; c’est un cri ; un chant ; une promesse. Vivre avec le sida n’est pas une honte ; c’est un combat. » Également présents à la soirée, Mgr Jean-Michaël Durhône, évêque de Port-Louis, le vice-président de la République, Robert Hungley ; le Junior Minister Kugan Parapen et l’achagar Soondarajen Maistry.

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« Combien de bougies devrons-nous encore allumer avant que justice ne soit faite ? Car l’histoire du sida n’est pas finie. Non : le silence ne nous protège pas et l’oubli ne guérit pas », s’est-il appesanti. Avant de prononcer ces mots, Nicolas Ritter, premier Mauricien à avoir déclaré publiquement vivre avec le virus, n’a pas caché ses sentiments : « bann lemosion dan mo leker bien bien for ! C’est un honneur pour moi de prendre la parole, en mon nom, mais surtout au nom de tous ceux et celles qui vivent avec ce virus ; de ceux et celles que nous avons perdus, et au nom de cette communauté mondiale qui, depuis 40 ans, refusent de baisser les bras ! La riposte contre cette épidémie croissante, hélas !, à nouveau, a besoin d’une synergie sur tous les plans. Dans le sillage de la désorganisation de la réponse qui a suivi la prise de mauvaises décisions et mesures, il y a quelques années, nous devons absolument joindre tous les efforts pour faire reculer le virus.»

La Dr S.D. Woodun-Annah, de l’AIDS Unit, devait abonder dans le même sens, confirmant que « les nouveaux cas ont, durant plusieurs années, été concentrés parmi les usagers de drogues injectables (UDI), mais nous recensons, désormais, un nombre égal parmi les hétérosexuels. » Elle souligne que « les efforts conjugués de la société civile, les ONG et associations qui font tout pour soutenir, encadrer et accompagner les patients du sida. Malgré tout, il y a encore beaucoup à faire. »

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Elle a renchéri : « la progression dans le nombre de nouveaux cas est très grave ! La stigmatisation est l’obstacle majeur, car les personnes ont peur, et honte. Peur du qu’en-dira-t-on et honte d’être reconnus dans les centres de santé quand elles viennent se faire soigner. Pour ces raisons, de nombreuses personnes ne viennent pas se faire tester. Et préfèrent rester dans l’ignorance de leur statut sérologique. » Ce qui pousse la Dr Woodun-Annah à réitérer le soutien du ministère de la Santé aux côtés des ONG et des PVVIH. « Nous allons renforcer le personnel soignant et aide-soignant avec de la formation pour faire reculer la discrimination et les stigmas », rassure-t-elle.

Nicolas Ritter se souvient qu’il avait 25 ans quand il apprit qu’il était atteint du sida. C’était il y a 31 ans. « À une époque où, à Maurice et ailleurs, avoir le sida était une condamnation. J’ai vu la peur dans les yeux de mes proches. J’ai entendu le silence de certains amis. Mais j’ai aussi vu, petit à petit, s’allumer des lumières autour de moi. Des actes de solidarité, de tendresse, de révolte », avoue-t-il.

Au témoignage du membre fondateur de Pils, résonne celui d’un autre malade qui a préféré garder l’anonymat : « Je vis avec le virus depuis 22 ans, et je suis le traitement de la méthadone depuis 2011. En 2014, j’ai subi un calvaire sans nom quand j’ai été victime d’un accident de la route. À l’hôpital, le personnel soignant et aide-soignant n’en finissait pas de me faire transférer de salle en salle… J’ai fini par atterrir à l’hôpital de Brown-Séquard : pour quelles raisons ? Mo pa kone ! Et je me suis retrouvé avec un cas d’assault qu’un infirmier a logé contre moi. L’affaire est toujours en Cour. Il s’est déroulé une foule de choses dont je n’ai pas conscience… C’est ma femme qui m’a expliqué. Et à un moment, j’étais même paralysé…» S’il n’a pas souhaité se montrer, mais a opté pour un témoignage audio, l’homme explique qu’il craint « que ma famille ne subisse des représailles.»

L’équipe de parajuristes de Pils – constitué d’une dizaine de membres, dont des PVVIH – fait également écho aux interminables discriminations et comportements stigmatisants dont sont victimes les porteurs du virus. Ils accompagnent, au quotidien, des PVVIH. « Dans la majeure partie des cas, les doléances qui sont rapportées quand les droits des malades sont bafoués restent lettre morte… Et ce malgré l’existence d’une loi – la HIV & Aids Act, censée protéger les patients. Trop souvent, les PVVIH entendent cet argument : ‘res trankil, pa fer tapaz. To pa pou gagn problem’. À force de se taire, nombre d’entre eux meurent… », s’indigne-t-on.

L’ensemble des intervenants de la soirée a mis l’accent sur l’importance d’une synergie de tous les partenaires – public et privé, autant que la population dans le combat contre le Sida. « Le mot d’ordre était : Assez de silence. Assez de morts. Assez de préjugés. »

Plusieurs artistes ont soutenu la manifestation de ce dimanche. Nommément des grosses pointures comme Blakkayyo, Richard Beaugendre, Eric Triton, Sayaa et les jeunes de Vwayel. Tikkenzo, membre du groupe OSB, a pour sa part, déclamé un slam, témoignant de la situation des drogues et du sida en prison.

Mgr Durhône : « Le sida, un Silent Killer »

Il a répondu présent : « comme à chaque fois ! » Mais il n’a pas voulu prendre la parole. Fidèle à sa discrétion, l’évêque de Port-Louis a déclaré « il y a une forme de dignité qui passe par les positions hiérarchiques que l’on occupe. Mais ce soir, la question de dignité qui s’est posée, c’est celle de l’humain. Le malade de sida qui n’est pas traité comme un être humain quand il va se faire soigner ; quand il travaille… Les préjugés, les discriminations, les comportements stigmatisants à l’encontre des personnes vivant avec le sida font mal. C’est un Silent Killer. Il faut tout mettre en œuvre pour changer cela. »

Mgr Durhône a, de surcroît, confirmé que « lors de la table ronde que nous organisons, ce samedi 24 mai, le sida sera bien entendu parmi les thématiques abordées. Car c’est définitivement une forme de pauvreté. »

Le VP Hungley : « Je croyais en savoir plus, mais j’ai beaucoup appris ce soir »

Le vice-président de la république, Robert Hungley, déclare être « très ému… Je pensais que je savais plein de choses sur le sida. Mais ce soir, j’ai appris beaucoup plus ! » À l’intention du personnel médical, R. Hungley a conseillé « de changer de manière de penser et d’agir. J’ai bien apprécié que la responsable de la AIDS Unit ait pris l’engagement qu’un travail sérieux sera effectué afin de faire disparaitre les comportements stigmatisants envers les PVVIH au sein du personnel hospitalier. Je partage l’avis de Nicolas Ritter : il faut agir ! Pendant trop longtemps, les médias ont pratiqué un black-out sur ce sujet. Et au sein de la population, c’est avec une certaine désinvolture que la plupart des Mauriciens évoquent le sida. Mais quand on voit qu’il y a toutes les conditions – médicaments, traitements, et qu’il y a encore des patients qui meurent, ça fait mal ! »

Robert Hungley a lui aussi déploré le fait qu’à cause « des comportements discriminatoires, de nombreuses personnes ne vont pas se faire tester et préfèrent vivre dans l’ignorance de leur statut sérologique, et ne viennent pas se faire traiter. »

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