ALAIN NOËL DUBART: « Il n’y a pas de pouvoirs maçonniques qui influencent la société… »

Alain Noël Dubart, Grand Maître de la Grande Loge de France, qui comme le Grand Orient de France a une présence historique à Maurice, était en visite dans l’île durant le week-end afin de participer au symposium annuel des loges de la GLDF dans l’océan Indien. Dans une interview accordée au Mauricien avant son départ, il souligne le caractère humaniste de la franc-maçonnerie. Selon lui, il n’y a pas des pouvoirs maçonniques qui influencent la société. « Il y a une influence possible au même titre que celle des autres groupements, qu’ils soient philosophiques, religieux, syndicaux ». Il constate également qu’il y a « des sociétés plus secrètes que la maçonnerie et plus puissantes sur le plan des facilités financières qui ont aussi un rôle dans la gestion d’un pays ». Notre interlocuteur soutient que les affaires impliquant des francs-maçons qui défrayent les chroniques de presse ne sont souvent pas le fait des obédiences maçonniques mais des fraternelles, regroupant des personnes faisant partie de la même profession. « Cette forme d’affairisme n’a rien à faire avec la franc-maçonnerie », dit-il.
Vous venez d’assister au symposium annuel des loges de la Grand Loge de France dans l’océan Indien qui s’est tenu à Maurice cette année. Pouvez-vous nous en parler ?
Le symposium des loges de l’océan Indien regroupe l’ensemble de loges qui sont à Maurice, à la Réunion, à Madagascar et Mayotte. Il est organisé annuellement dans une des îles de l’océan Indien et il est revenu à Maurice de l’organiser cette année. Cette réunion a été l’occasion de procéder à l’allumage des feux d’une nouvelle loge à Maurice dont la particularité est qu’elle travaillera en anglais avec des rituels anglais. Ce qui correspond bien au multilinguisme de Maurice. Mon séjour à Maurice a été l’occasion de faire le tour du rite écossais ancien et accepté dans ses différentes dimensions. Il y avait la dimension initiatique et rassembleuse, la dimension de réflexion sur le fonctionnement des ateliers de la Grande loge et des ateliers de perfectionnement. Ce fut surtout l’occasion de rencontrer les frères de toute la région.
En tant que Grand Maître, comment voyez-vous la présence maçonnique dans la région ?
La présence maçonnique est forte dans la région. Je connais la présence de la Grande Loge de France (GLDF) bien sûr. Je connais également la présence historique de l’obédience du Grand Orient de France (GODF) qui est bien implantée dans la région. Je connais moins bien les loges en relation avec la Grand Loge Nationale française compte tenu du climat délétère au sein de ses loges. La GLDF a la particularité de ne pratiquer que le rite écossais ancien et accepté.
Le symposium est consacré à l’examen des questions à l’étude des loges. Chaque année le Grand Maître propose un thème qui est examiné par l’ensemble des loges de l’Obédience. Deux questions sont posées, la première porte sur le rituel et la seconde consiste à transposer la réflexion symbolique sur le rituel dans une réflexion pratique sur la société. La question cette année était de voir comment à partir du rituel qui nous enseigne à nous perfectionner nous-même, les francs-maçons pouvaient, en fonction des éléments d’appréhension du rite, contribuer au perfectionnement et au progrès dans la société. C’était l’essentiel du symposium de l’océan Indien.
Se pose donc la pertinence de la franc-maçonnerie dans le monde d’aujourd’hui ?
L’insertion maçonnique est différente selon les obédiences. Il y a cependant un lien commun entre les obédiences consistant à placer l’homme au centre de leurs réflexions. Toutes les obédiences ont une vocation humaniste. Après, en fonction des obédiences, il y a des loges qui travaillent d’emblée sur le fait sociétal. Il y a des obédiences comme la GLDF où des loges travaillent plutôt en amont sur la réflexion symbolique et culturelle à partir de laquelle chaque maçon est amené à s’engager dans la société. Il y a une différence entre les obédiences qui incitent les loges à travailler directement dans la société, d’une part, et la GLDF qui incite ses membres à travailler dans la société d’autre part.
Concrètement, comment cette présence se manifeste-t-elle dans la société ?
Dans l’Hexagone, que je connais le mieux, cette participation se manifeste très concrètement à travers des réformes majeures de la société française. Parfois cela se fait discrètement à travers des avis que l’on donne au gouvernement, aux députés sur certains sujets quand ils nous consultent. Il n’y a pas un pouvoir maçonnique qui influence la société. Cela ne veut rien dire mais il y a une influence possible au même titre que les autres groupements, qu’ils soient philosophiques, religieux, syndicaux. Il est normal que dans une démocratie, on écoute toutes les composantes de la société. La franc-maçonnerie est quand même une composante essentielle de la République. C’est une institution de la République avec ses différentes variétés, ses différentes formes et ses différentes obédiences. Ce n’est pas un hasard si la GLDF et le Grand Orient de France existent depuis trois siècles dans la République française et qu’elles ont contribué toutes les deux à des réformes majeures. La loi de séparation entre l’Église et l’État qui date de 1905 est devenue un fait accompli et est le fait de ces deux obédiences. Il n’y avait pas d’autres obédiences à l’époque. Ce sont ces deux obédiences qui ont réfléchi et qui se sont assuré que dans la République, on sépare l’Église et l’État. La laïcité est un des fondements de la démarche maçonnique.

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