AMARNATH HOSANY : « Écrire pour les enfants me permet de retrouver cette innocence »

Nostalgique du temps de son enfance où il respirait le bonheur, d’une époque où le monde des grands n’était pas encore gagné par l’égoïsme, l’esprit calculateur et le matérialisme, un monde qui était en même temps bercé par les passionnantes aventures des contes dont il s’abreuvait, c’est tout naturellement qu’Amarnath Hosany a choisi d’écrire pour les enfants et les adolescents. Écrire pour les enfants, dit-il, lui permet de retrouver cette innocence qui fait cruellement défaut dans le monde actuel. S’il s’est heurté à une certaine indifférence lors de ses premières publications, Amar, pour les intimes, qui vient de lancer son quatorzième livre, Le Jeu de Cartes, est un auteur qu’on ne présente plus. Les ateliers d’écriture qu’il enchaîne dans les écoles ont même fait des jeunes demandeurs et des créateurs d’histoire…
S’il ne vit pas de sa plume, Amarnath Hosany, employé au département de la voirie et de l’environnement à la mairie de Quatre-Bornes, n’est jamais tout à fait coupé du monde de la fiction. Des personnages lui trottent toujours dans la tête et ne demandent qu’à prendre vie dans une histoire, à exister en trouvant un lectorat. Même dans les scènes de vie du quotidien, il lui arrive que la nature vienne lui susurrer une histoire à mettre sur papier… Comme ce jour d’été où mandé sur un lieu de la ville des fleurs à des fins d’inspection, la chaleur poussa l’employé de la mairie à prendre refuge sous un large flamboyant tout fleuri. « Tout à coup, les pétales se sont mis à tournoyer autour de moi et j’étais comme un enfant, fasciné. J’ai tout de suite perçu le flamboyant comme un personnage de conte ». L’image est restée gravée dans l’esprit de l’écrivain. « Comme c’était décembre et que j’aime me retrouver en cette période de couleurs et de fêtes, avec les yeux des enfants qui pétillent devant les magasins, j’ai tout de suite associé cet arbre à Noël ». C’est ainsi que Le Flamboyant a été publié fin 2011, illustré par Véronique Massenot, auteure et illustratrice française.
Prendre un enfant par la main
Écrire un conte revient, pour Amarnath Hosany, à « prendre un enfant par la main et l’inviter à un voyage dans un monde que j’ai créé. Ce que je peux dire à l’enfant, c’est que tu vas ressentir des moments tristes, des moments de peur mais tu seras aussi content et tu vas en sortir grandi. Mais, pour avoir le ticket pour faire ce voyage, il faut d’abord que l’enfant aime la lecture ». Et, justement l’amour de la lecture chez les plus jeunes, ne dit-on pas qu’il s’amenuise de plus en plus ? A-t-on encore un lectorat pour la littérature d’enfance et de jeunesse ? Si l’on en croit notre interlocuteur, oui. Et étonnamment même, il y a beaucoup d’intérêt de la part de cette catégorie de lecteurs, que ce soit pour la lecture que pour l’écriture. Il suffit, pour lui, d’éveiller cette envie. En organisant par exemple des activités autour de la lecture.
Si dans un premier temps, à Maurice, « ce n’était pas évident de trouver ce lectorat », concède l’auteur, c’est lors de ses diverses interventions dans les écoles privées de l’île et autres collèges confessionnels, où les élèves avaient a priori lu ses contes, que l’intérêt a commencé à croître. « J’ai été invité à animer des ateliers. Les enfants de l’École du Centre, par exemple, avaient écrit un conte intitulé Les aventures de Pikou. J’ai été agréablement surpris par leur plein d’imagination. Avec les profs, on a eu à faire un tri pour créer un livre artisanal car il y avait un foisonnement d’idées », témoigne notre interlocuteur.
Outre les petits Mauriciens, Amarnath Hosany a aussi des lecteurs à La Réunion, à Rodrigues et en France. Cela grâce notamment aux salons auxquels il a participé dans ces endroits. « J’ai eu l’opportunité d’aller à La Réunion à trois reprises. En 2008, il y avait une activité intitulée Le Jardin Littéraire organisée par la mairie de Sainte Susanne. Je suis intervenu dans onze écoles et j’ai rencontré des professionnels du livre. Ceux-ci voulaient, à travers moi, valoriser la littérature d’enfance et de jeunesse. Un mois avant que je ne m’y sois rendu, les élèves avaient pris connaissance de mes livres. Chaque année, les professionnels du livre invitent un auteur spécialisé dans la littérature de jeunesse. Me concernant, c’est le Centre Charles Baudelaire qui a agi comme intermédiaire ». L’auteur sera aussi invité à animer des ateliers de lecture à Rodrigues. C’est ainsi que lentement mais sûrement, il s’est constitué un bon lectorat au-delà de nos frontières. Au cours de la même année, il est invité au Salon du Livre de Jeunesse au Port, à La Réunion où il fera une belle rencontre : celle de l’illustratrice et auteure Véronique Massenot, mentionnée plus haut. « Après ce premier contact, on s’est de nouveau rencontrés au Salon du Livre à Paris en 2011. C’est là où je lui ai proposé de collaborer sur Le Flamboyant ».
Ce qui va encore ouvrir les portes pour Amarnath Hosany, ce sont les contacts de l’illustratrice qui est membre d’une association militant pour la littérature de jeunesse en France. Massenot fera donc la promotion du Flamboyant (2011) et sera également l’illustratrice de Diyas, les lampes éternelles (2012). Au fil des salons et des rencontres avec des enfants demandeurs d’histoire, la passion de l’auteur ne fait que croître.
Des personnages demandaient à sortir
Son inclinaison pour l’écriture découle, dit-il, de sa passion pour la lecture, surtout celles qui l’ont marqué dans ses jeunes années, alors qu’il était abonné à la Bibliothèque municipale de Quatre-Bornes. « J’étais aussi abonné à la bibliothèque Saint-Joseph de Quatre-Bornes et celle de Rose-Hill. Du coup, le week-end, j’avais plein de bouquins entre les mains : les BD, les livres d’aventure, les livres mystérieux… À force d’être plongé dans ces livres, à un moment donné, il y avait des personnages dans ma tête qui ne demandaient qu’à sortir ». Le collégien commence donc à écrire ses premiers textes mais les conservera au fond du tiroir. « Ces textes sont toujours là et n’ont pas été publiés. Il y en a quelques-uns que j’ai l’intention de retravailler plus tard ». Ce n’est qu’en se décidant à suivre un atelier d’écriture au Centre Charles Baudelaire dans les années 2000 que timidement, Amarnath Hosany se permet de montrer son texte Le Nectar Magique à deux scénaristes français. « À ma grande surprise, ils m’ont demandé ce que j’attendais pour le publier. Cela a été le commencement de tout ».
Le monde de l’enfance en est un où Amarnath Hosany se plaît à se retrouver. « J’ai eu une enfance heureuse. Être auprès des enfants me permet de retrouver cette innocence ». Qualité perdue dans une société où l’on ne se rencontre plus dans cette insouciance d’antan, dans cette absence de méfiance. « Les adultes sont aujourd’hui calculateurs, égoïstes, matérialistes », constate Amarnath Hosany. « Écrire pour les enfants me permet de sortir de ce monde cruel, de m’évader ».
Membre de la Fondation pour l’interculturel et la Paix fondée par Jean Marie Leclézio et Issa Asgarally, Amarnath Hosany anime des ateliers d’écriture les mardis et samedis à l’intention des enfants ayant des difficultés à écrire à Bambous. « Après deux ans de travail, ces enfants ont pu écrire des textes qu’on va essayer de publier. Il suffit de leur donner l’opportunité ». Membre du jury du Prix Jean Fanchette des Jeunes (2015), Amarnath Hosany indique que « le jury a été agréablement surpris par la qualité des textes ». « On dit que les jeunes ne lisent pas. Mais comment parviennent-ils à écrire ? » lance-t-il, comme pour contrecarrer cette opinion généralisée à tort.
En attendant sa prochaine publication dont le texte est déjà prêt, nous dit-il humblement, Amar, l’éternel enfant à l’esprit rêveur, songerait bien à une retraite prématurée de la municipalité pour se consacrer entièrement à l’écriture et être auprès des enfants…

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