Annabelle Ah-Chong : Une survivante optimiste avec… l’art en partage

Annabelle Ah-Chong, victime de violence domestique, a osé sortir du silence. Cette survivante optimiste, à travers Goddess Society, un collectif de femmes artistes, a contribué, avec le projet artistique Unravel, à dénoncer toutes formes de violences. Styliste, designer, créatrice de bijoux… Sa polyvalence lui a permis d’être costumière sur le tournage du film Resort to Love, qui sortira sur Netflix le 29 juillet. Femme entrepreneur, elle a sa propre marque, Suis le lapin blanc, et présentera prochainement sa collection capsule, Suis le lapin noir, en collaboration avec la marque Rite de passage, des fondatrices Emmy et Gloria Lin Hon.

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Styliste, designer, créatrice de bijoux, votre polyvalence étonne. Racontez-nous votre parcours.

Je me décris comme une amoureuse de cristaux, qui aime travailler de ses mains. J’ai décidé, il y a trois ans, de vivre de ma passion. En parallèle, je suis aussi styliste et designer, avec une formation en textile. Je travaille aussi comme habilleuse, modéliste et acheteuse sur les tournages. Dans le département des costumes, je suis acheteuse chargée de repérer les vêtements en magasin et de négocier les prix. Après quatre années d’études à Paris, je suis revenue dans mon pays pour travailler dans l’industrie du textile. J’y suis restée cinq ans. S’enchaînent alors des projets créatifs et assez inattendus.

Femme entrepreneur, vous avez créé votre propre marque, Suis le lapin blanc. Pourquoi ce nom ? Le lapin symbolise quoi ?
On me demande souvent si c’est moi le lapin blanc… Le nom est tiré du film Matrix, de la scène où Néo voit un étrange message sur son écran : « Suis le lapin blanc. » Un groupe d’inconnus frappe à sa porte, dont une femme avec un tatouage d’un lapin sur l’épaule. Néo, un peu méfiant, mais intrigué, accepte de les suivre et atterrit dans une fête et fait référence à Lewis Caroll dans Alice aux pays des merveilles. C’était comme un déclic pour moi, car cela signifie qu’il faut suivre ses rêves, oser aller plus loin, faire confiance et dire oui à l’Univers. Je prépare, en ce moment, une collaboration avec la marque mauricienne Rite de passage, dont Emmy et Gloria Lin Hon sont les fondatrices. Une collection capsule qui s’appellera « Suis le lapin noir ». Je travaille sur des matériaux nobles, soit le cuir et les pierres, qui seront présentés prochainement.

Comment êtes-vous arrivée à l’habillage et la création de costumes ?
Mon expérience de modéliste m’a aidée. J’ai bossé en freelance avec Flo Draschler sur les costumes pour les cérémonies d’ouverture et fermeture des Jeux des Îles de l’océan Indien, qui s’est tenu à Maurice en 2019. C’était dur, mais aussi génial de pouvoir confectionner des habits et habiller les chanteurs, danseurs professionnels, mannequins et acrobates.

Habilleuse et modéliste, vous avez participé à combien de tournages et comment jonglez-vous avec ces trois métiers bien distincts ?
Depuis deux ans environ, une amie, rencontrée sur un précédent projet, a recommandé mes services. Je pense que, malgré le fait qu’ils soient des métiers différents, ils requièrent des qualités similaires. Être dynamique, assidue, humble, donner le meilleur de soi, arriver au travail avec le sourire, suivre le lapin blanc est mon credo. Le reste se fait tout seul, et heureusement que je peux travailler sur un projet à la fois. Quand je ne suis pas sur un tournage ou dans mon atelier, je m’occupe de Goddess Society, un collectif de femmes artistes. Notre dernier projet artistique, Unravel, contre la violence domestique, était un réel succès.

Parlez-nous de votre aventure avec Netflix, votre travail avec Alicia Keys… Quelle a été votre contribution sur le tournage de « Resort to Love » ?

Alicia Keys est productrice, mais, elle n’est jamais venue à Maurice. Elle a financé et approuvé le script. C’était une expérience incroyable à tous les niveaux. Netflix est la référence dans ce domaine, être costumière aux côtés des équipes américaines et sud-africaines est une expérience enrichissante. Le tournage de Resort to Love s’est fait principalement à l’hôtel Prince Maurice. Je suis impatiente de voir le film, de voir la réaction des gens, et voir mon pays à l’écran. Sur Resort to Love, j’ai été recommandée par une amie pour le job. En tant que costumière, il faut habiller les acteurs, choisir leurs accessoires et s’assurer de la cohérence avec le script. J’étais aussi acheteuse et modéliste, j’ai drapé une robe qui a été portée par l’actrice Tymberlee Hill.

S’il fallait retenir une anecdote particulière pour bien résumer votre carrière, ce serait quoi ?

L’anecdote la plus émouvante était une expo d’art présentée en septembre 2020, et la présentation de la vidéo, Unravel, pour Goddess Society. C’était pour moi un moment, où j’ai réussi à faire la paix avec mes vieux démons et accepter mes cicatrices.

Vous étiez victime de violence domestique, d’où vos cicatrices. Quel est votre état d’âme aujourd’hui ?

Aujourd’hui, on ne parle plus de victime, mais de survivante de violence domestique, et c’est très important de faire la différence. Après une grosse dispute, mon petit ami, dans un excès de rage, a levé la main sur moi. J’essayais de me défendre et il m’a roué de coups, cela a duré des heures. J’étais couverte de bleus et je ne me reconnaissais plus dans le miroir. Je ne savais pas vers qui me tourner, j’ai tenté de le cacher aussi longtemps que je le pouvais, par honte, auprès de ma famille et pour moi-même, car je détestais l’idée d’être faible et impuissante. Je m’en suis sortie en coupant tout contact d’un coup avec mon agresseur, c’était difficile émotionnellement. Je suis sortie du silence des années après, quand une amie s’est confiée à moi, en me racontant son expérience. C’est là que j’ai réellement découvert le nombre de jeunes femmes qui n’osent pas ou n’arrivent pas à en parler et à faire face à cette violence. À commencer par mon propre cercle. C’était la raison pour laquelle Goddess Society devait être créée. L’expression par l’art, créer un cercle de femmes pour soutenir et partager leur vécu, était une nécessité. Et c’est aussi un message porteur d’espoir pour dire non à la violence.

Niveau bijoux, vous vous concentrez plus sur les cristaux énergétiques. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre technique de travail ?
J’aime les matériaux nobles comme le cuir et les pierres naturelles, et je travaille aussi les perles de verre, le fils de cuivre. Quand une personne m’approche, on discute des énergies qu’elle souhaite attirer dans sa vie. Je vais à la chasse aux cristaux et je fais ma magie.

Comment avez-vous découvert les propriétés énergétiques des pierres ?

Un peu par hasard, et le hasard fait bien les choses. Je me suis laissée guider par mon intuition, tout simplement. Je me sens attirée par le monde invisible, je suis curieuse de nature et je pense que c’est le cristal qui est venu vers moi.

Quelle est votre pierre préférée et pourquoi ?
La pierre la plus répandue sur terre est le cristal de roche, aussi appelé ‘Master Healer’. On la reconnaît par sa transparence vitreuse ou parfois laiteuse. C’est un cristal que je recommande aux débutants, parce qu’elle est la plus facile à travailler, et agit sur les sept chakras principaux ou les centres d’énergies. Elle est excellente pour la méditation, amplifie l’énergie et aide lors des prises de décision.

Vous considérez-vous comme une créatrice thérapeutique ?
Toute création renferme une infime partie de l’âme de l’artiste. Il y a beaucoup de temps, d’énergie, d’amour et de passion dans chaque pièce faite à la main. Mes bijoux ont plus qu’une simple qualité esthétique, mais je ne suis pas thérapeute à proprement parler. Ce que je partage me vient de mon expérience personnelle, mon vécu et mon ressenti. Je suis celle qui conscientise, celle qui accompagne et qui crée avec le cœur.

Un mot sur votre collaboration avec « Rite de passage » ? Parlez-nous de cette marque.
Je suis en admiration totale devant les kimonos brodés à la main par Emmy et Gloria Lim Hon. Nous sommes des amies de longue date et avons collaboré auparavant sur divers projets. Elles sont toutes deux mes muses. C’est tout naturellement que nos derniers bébés soient mis en valeur l’un à côté de l’autre, et nos deux collections seront présentées en même temps. Je vous laisse découvrir la suite sur les réseaux !

Votre collection capsule, Suis un lapin noir, c’est quoi au juste ? Pourquoi ce contraste entre le lapin blanc ?
Pour ceux qui ne sont pas familiers au concept du yin et du yang, disons que nous avons tous un côté solaire et un côté obscur. Mis en contraste, ils ont l’air trop différents pour cohabiter, mais ils sont pourtant deux faces d’une même pièce. Le lapin blanc célèbre la lumière, l’énergie positive, la guérison. Son alter ego, lui, est dans l’acceptation du fait que nous soyons humains et imparfaits. On a tous ce besoin de s’exprimer.

Le confinement a généré quoi comme créativité chez vous ?
Le deuxième confinement était plus difficile financièrement, mais intéressant sur le plan de la créativité. Je me suis concentrée sur la collection Suis le lapin noir, et j’en ai profité pour me ressourcer.

Un projet, un lancement ?
Je collabore en ce moment avec The Good Shop. Il s’agit de donner une seconde vie aux vêtements en les customisant. Une sorte de “Upcycle Designer”. Moderniser les longueurs, retravailler les coupes, ajouter une valeur à une pièce basique. C’est un projet à long terme, et je suis déjà excitée de travailler avec l’équipe. Je recommande également The Good Shop Repair, qui se trouve à Rose-Belle. Ils ont des vêtements pour bébés, des objets déco, des meubles en bois, j’y ai trouvé plusieurs fois mon bonheur.

Avec la COVID-19, comment voyez-vous l’avenir des femmes entrepreneurs ?
Le futur en général est incertain, il l’est davantage pour les femmes entrepreneurs. Il y a néanmoins une prise de conscience majeure chez les consommateurs suite à la COVID-19. Il faut continuer à favoriser nos produits locaux, pousser l’Upcyle, protéger les petites mains, et ce de manière plus agressive. Je souhaite que, dans un avenir proche, nous ayons chez nous pratiquement que du Made in Moris.

S’il fallait vous décrire, qu’elle serait la bonne formule ?
Une optimiste qui souhaite partager sa passion pour les pierres, le textile et l’art.

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