APRÈS LA SÉCHERESSE: Sortir la tête de l’eau…

Au cours de ces deux dernières années, Maurice a connu une des pires pénuries d’eau de son histoire. Avec les récentes pluies qui ont été bénéfiques, nous avons heureusement pu sortir du rouge. Mais nous ne sommes toujours pas à l’abri d’un nouveau manque d’eau potable dans les années à venir.
Plusieurs mesures ont été prises pour prévenir cette situation. Sont-elles suffisantes ? Voici quelques éléments de réponse.
Mare aux Vacoas, le principal réservoir du pays, affiche actuellement un taux de remplissage d’environ 81%. Un chiffre qui semblait impossible à atteindre il y a quelques mois à peine. N’oublions pas que le taux de remplissage du réservoir était descendu à moins de 30% au début de cette année. Les autres réservoirs sont également dans une phase très favorable; certains sont même au maximum de leur capacité de remplissage : Piton du Milieu, Midlands Dam et La Nicolière.
Conséquence directe de cette situation : la distribution d’eau est désormais régulière. Selon la Central Water Authority (CWA), aucune coupure n’est effectuée sur le réseau. “La situation commence à se stabiliser dans la plupart des réservoirs, et également dans les nappes phréatiques. Nous avons eu droit à une pluviométrie favorable dans les bons endroits le mois dernier et cela a été bénéfique au pays”, souligne Bishek Narain, de la CWA. Ce dernier appelle pourtant à la prudence. “Ce n’est pas parce que nous avons enlevé toutes les restrictions que les gens peuvent faire ce qu’ils veulent. Les derniers 24 mois doivent nous servir de leçon. Nous devons désormais utiliser l’eau judicieusement. N’oublions pas que le stock d’eau actuel doit être utilisé pendant toute l’année, et même jusqu’à fin février 2013.”
Plus de réservoirs.
La principale mesure prise pour le long terme consiste en la construction de deux barrages, à Bagatelle et à Rivière des Anguilles. Ils auront une capacité de stockage de 14 millions et de 13,2 millions de mètres cubes respectivement. Ces deux barrages, qui auraient d’ailleurs dû être construits il y a longtemps, seront d’un apport certain pour les prochaines années. Mais ils risquent de ne pas suffire. “Nous devons absolument augmenter notre capacité de stockage d’eau. Il n’est plus concevable que lorsque nous avons des pluies torrentielles, la moitié du volume d’eau se perd dans la mer. Nous ne pouvons plus faire provision pour uniquement une année de consommation d’eau. Je pense qu’il faudrait prévoir de la réserve pour deux années au minimum. Je considère qu’il n’y a pas suffisamment de réservoirs dans l’ouest de l’île. Il faut identifier des lieux et construire d’autres réservoirs pour que l’on puisse affronter l’avenir plus sereinement”, soutient Suresh Boodhoo, ancien directeur de la station météorologique de Vacoas.
Climat.
L’alerte rouge que nous avons vécue est une conséquence de la météo. Il faut savoir que depuis 2011, nous sommes sous l’influence d’une forte La Niña, qui provoque généralement un manque de pluviométrie dans certaines régions comme la nôtre. De manière générale, ce phénomène intense survient tous les dix ans. Le changement climatique qui s’opère peut changer la donne et les implications peuvent être multiples et inattendues, comme la raréfaction des pluies en périodes supposément pluvieuses.
Qui plus est, les prévisions des experts pour les années à venir ne sont guère réconfortantes. Une raréfaction de périodes pluvieuses est ainsi prévue dans la région de l’Afrique de l’est. Pour un pays comme le nôtre, le problème est très grave. Étant isolé, nous ne pourrons pas nous rabattre sur les pays voisins, comme le font certains États à l’instar de Hong-Kong, qui dépend de la Chine.
Dessalinisation.
Pour contrer cette éventuelle catastrophe, nous pourrions utiliser ce que nous avons sous la main : l’eau salée. En effet, plusieurs pays ont déjà adopté la dessalinisation de l’eau de mer pour compenser le manque d’eau de pluie : les Émirats Arabes Unis, le Mexique, les îles Canaries ou Malte. À Maurice, l’expérience s’est révélée concluante au sein de certains groupes hôteliers. Cette mesure pourrait être appliquée pour le pays, ne serait-ce que pour soulager notre dépendance à l’eau de pluie.
Michael Atchia, ancien directeur de l’United Nations Environment Programme (UNEP) à Maurice, estime que la dessalinisation devrait être couplée à l’énergie solaire. “Nous n’avons pas assez de ressources en eau pour 1,3 million de Mauriciens et 1 million de touristes. Nous n’en avons pas suffisamment pour 40,000 villas IRS. Il faut se tourner vers d’autres sources, comme la dessalinisation et d’autres systèmes de captages couplés avec la reforestation, si tant est qu’elle implique des espèces qui ramassent l’eau et qui sont adaptées au climat et au sol mauricien.”
Erreurs du passé.
Il ne faut pas se leurrer : outre les raisons climatiques, la situation alarmante des réserves d’eau dans notre pays découle également d’un manque de vision des gouvernements successifs au cours des dernières décennies. “Nous avons raté le coche. Nous n’avons pas construit de réservoirs durant les 30 ou 40 années passées. Pourtant, il y avait des terrains disponibles. Les gouvernements n’ont pas pris en compte le fait que la population allait grandir aussi rapidement et que, par conséquent, l’utilisation de l’eau allait augmenter considérablement”, souligne Michael Atchia.
De plus, nous avons largement diminué les espaces boisés du pays, ce qui a contribué à la diminution de pluies. Nous avons également planté des arbres inadéquats dans certains endroits, estime Michael Atchia.

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