Après l’épreuve de la quarantaine, deux ados racontent : Un retour normal ou presque dans la vie familiale

Elisha et Nirmala, 16 ans, sont deux collégiennes en Grade 9. La première, qui avait été testée positive à la Covid-19, n’a pu prendre part aux épreuves du National Certificate in Education. La deuxième, négative, a passé près d’un mois en quarantaine, période pendant laquelle elle a participé aux examens nationaux. De retour chez elles, les adolescentes se réadaptent à leur quotidien et des changements auxquels elles ne s’attendaient pas.

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Après les larmes de joie, l’euphorie des retrouvailles avec ses parents, Kersley, Mirella Goornaden, et sa sœur Kimberley, 13 ans, desquelles elle a été séparée pendant une vingtaine de jours, Elisha confie que le retour à la vie normale n’est pas aussi simple.  «Je ne peux pas dire que j’ai retrouvé une vie normale depuis que je suis rentrée du centre de traitement. Je suis heureuse d’être de retour à la maison, de revoir mes parents… mais je suis encore bouleversée par ce que j’ai vécu. Je dirais même que je le vis comme un traumatisme. Je n’arrive pas trop à expliquer ce que je ressens et pourquoi c’est comme ça. Dès fois,, je me replie sur moi-même. Je me pose des questions, je me demande pourquoi j’ai été contaminée  et je deviens silencieuse… Je suis dans mes pensées. Je revois tout ce que j’ai vécu. La nuit, je dors peu. Mais je me dis qu’avec le temps, ça ira», confie d’emblée l’adolescente. Testée positive à la Covid-19, début mars dernier, Elisha, collégienne en Grade 9, a été la seule de sa famille à avoir été contaminée. Son père, âgé de 39 ans, opérateur dans une compagnie privée, n’en revient toujours pas. «Mes filles partagent la même chambre. Et la veille des résultats d’Elisha, les deux sœurs, très complices, avaient rapproché leur lit respectif», raconte-t-il. Le reste de la famille avait été placée en quarantaine.

En quarantaine, dit Nirmala « pa ti bizin fer louvraz »

Ailleurs, Nirmala (nom modifié), concède pour sa part que la chambre d’hôtel où elle a passé sa quarantaine en mars dernier lui manque. Négative à la Covid-19, la collégienne — plusieurs de ses camarades de classe avaient été contaminées —, explique que la solitude entre quatre murs lui a fait du bien. «Mes copines en quarantaine m’ont dit la même chose. Nous étions bien là-bas. Pa ti bizin fer louvraz (rires)», dit-elle. De retour dans son village, elle a néanmoins dû affronter  une autre épreuve: la perte de sa grand-mère qui vivait sous le même toit qu’elle, son père et un de ses frères. Elle apprend difficilement, dit-elle, à composer avec cette absence. Orpheline de mère, la jeune fille avait appris le décès de sa grand-mère alors qu’elle participait aux examens du National Certificate in Education dans  un centre de quarantaine. «C’était dur… Mais j’ai dû me ressaisir pour arriver à poursuivre les examens», confie Nirmala.

Chez elle, l’adolescente, qui doit entretenir sa maison, a vite repris ses habitudes et ses occupations: le ménage, la télé, les chats avec les amies. Confinée après la quarantaine, c’est un peu comme les vacances, mais, cette fois, il y a eu un autre changement, dit-elle. «Parce que mon petit ami était positif à la Covid-19, à mon retour à la maison, des proches m’ont demandé de ne plus me rendre chez eux! Cela m’a attristée. J’étais convaincue qu’en apprenant que mon père et moi étions en quarantaine, les gens de mon quartier allaient nous stigmatiser. Mais cela n’a pas été le cas. Le rejet est venu de mon entourage», raconte la jeune fille.

Elisha : « Je veux être comme avant »

Elisha est loin d’être nostalgique de sa chambre d’hôtel et cela même si elle était placée dans un établissement de luxe. C’est la sienne qu’elle a préféré retrouver. «Quand je suis rentrée à la maison, ma sœur m’avait fait une surprise. Je ne pouvais pas la serrer et ni mes parents dans mes bras. Je me suis d’abord douchée. Elle avait décoré notre chambre pour m’accueillir. J’ai pleuré, elle aussi… finalement toute la famille a pleuré. D’ailleurs, mon père ne savait pas que je rentrais ce jour-là, je lui ai fait la surprise.»

De son côté, Kersley  Goornaden explique: «C’est la première fois que nous avons été séparés de la sorte et pendant une longue durée. La séparation a été sans doute une des épreuves les plus difficiles pendant notre quarantaine. Ajouté à cela, il y avait l’angoisse qui nous rongeait quand Elisha s’est retrouvée à l’hôpital ENT et qu’elle allait faire des analyses sanguines. Le stress était insoutenable, ne sachant pas ce qu’allait révéler son sang. Je ne peux expliquer le soulagement ressenti quand nous avions appris qu’elle allait bien, malgré sa positivité. Un autre stress? Même après notre premier test PCR, négatif, nous n’étions pas tranquilles. Nous attendions le deuxième pour être un peu plus détendus.» Depuis, Elisha passe ses journées en compagnie de sa sœur et a recommencé sa passion, le chant. Mais la jeune fille confie encore qu’elle a hâte de fermer la parenthèse vécue avec la Covid-19 pour dit-elle «être comme avant».

Les Goornaden avaient regagné leur domicile peu avant Pâques, sans Elisha. Pour cette famille catholique pratiquante, cette fête sans son aînée, restée au centre de traitement, était incomplète. Mais au retour de la jeune fille, une prière, un gâteau et un repas étaient de mise. «Cette expérience a renforcé ma foi et resserré nos liens. Pour notre première sortie après le confinement, nous irons au caveau du Père Laval», explique le père d’Elisha. Ce dernier et son épouse ont repris le travail après les sept jours d’isolement et un dernier test PCR obligatoire à l’hôpital. Mais sortir de la maison pour reprendre les activités normales du quotidien a été, raconte-t-il, une autre paire de manches…

«La réaction du voisinage a été alors mitigée. Il y en a qui n’ont pas eu de préjugés à notre égard, parce que nous étions en quarantaine. D’ailleurs, ce sont des voisins qui ont nourri mon chien et entretenu ma cour pendant notre absence. Toutefois, il y en a qui nous ont dévisagés et évités. Il y a même eu des rumeurs selon lesquelles notre maison avait été isolée par la police et désinfectée par la Santé parce que nous avions la Covid-19!» déplore Kersley Goornaden. «Je ne comprends pas cette attitude. C’est pour cette raison que je parle ouvertement de notre quarantaine», ajoute-t-il, qui explique que le soutien des amis, des membres de sa famille et de ses collègues a été important psychologiquement pour lui et les siens. Et de confier que les premiers jours au travail, il avait dû mal à faire abstraction des semaines éprouvantes après la contamination de sa fille. «Je trouve qu’elle a été forte. Ce n’est pas évident pour une ado à qui on annonce qu’elle est positive de se retrouver sans ses parents à ses côtés dans un moment où elle en a le plus besoin », dit-il.

Elisha ne sait pas encore si elle retournera au collège. Après deux années en Grade 9 et ayant été positive à la Covid-19, elle n’a pu prendre part aux examens de NCE. Malgré ses questionnements et ses moments de réflexion, elle n’appréhende aucunement dit-elle le jour où elle renouera avec la communauté. «Si on me pose des questions, je n’aurai pas peur de répondre et de parler de ce qui m’est arrivé. Personne n’est à l’abri d’une contamination…», avance l’adolescente. Nirmala, pense autrement: «D’abord, je ne sais pas encore si je reprendrai mes études au collège ou pas. Mais, je ne voudrais pas que les filles m’embêtent avec des questions sur la quarantaine. J’aimerais mieux qu’on ne sache pas cela.»

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