Association Je pace – Patrick Paul : « Insuffler l’esprit de Noël dans le cœur des handicapés »

Se déplaçant en fauteuil motorisé, Patrick Paul a fait de sa situation difficile un atout. Sa rencontre avec un jeune handicapé de 25 ans qui s’est suicidé le mène vers un autre combat. Il crée Je pace, plate-forme d’écoute, de compassion et d’entraide. Il veut insuffler l’esprit de Noël dans le cœur des autrement capables.

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Son handicap n’est pas pour lui une fatalité mais il le considère comme un don en partage. A 45 ans, Patrick Paul ressent des engourdissements et des brûlures aux mains et aux pieds. Au départ, il n’y prête aucune attention. Comme les douleurs s’intensifiaient un jour de Noël, les médecins lui demandent un bilan sanguin et une radio de ses vertèbres cervicaux. Le résultat est brutal, il a une mauvaise courbe des vertèbres. Et n’ayant pas été pris en charge au moment opportun, Patrick Paul constate que ses capacités physiques diminuent, ce qui le contraint à se déplacer avec des béquilles.

Une IRM vient soutenir ce qu’il craignait : ses vertèbres n’étaient plus sur le même alignement, ce qui entraînera au fil des mois une forme de paralysie chez lui. S’ensuit une opération dont Patrick espère se relever au bout de six mois, mais il finira par se heurter à un épineux problème. Et même si l’opération au niveau cervical est un succès, il ne remarchera jamais. « J’avais besoin d’assistance en permanence pour manger, m’habiller, me doucher. Ma femme, mes fils et ma fille avaient fini par comprendre que je ne pourrai pas reprendre le travail, ni mes activités. La foi m’a sauvé et j’ai puisé ma force dans la prière, ce qui m’a permis de regarder l’avenir avec plus de sérénité. »

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Vivre avec une nouvelle condition physique
Son handicap semble méconnu, il avait les vertèbres mal alignées, ce qui déclenchait une douleur persistante quand il faisait des mouvements. « C’est le côté droit de mon corps qui est le plus diminué ; le côté gauche, lui, fonctionne à 50%. Les engourdissements et les brûlures sont là en permanence ainsi que les douleurs. Je vis avec, c’est ma nouvelle condition physique. Pour tenir le coup, ils me font prendre constamment des médicaments, et faire des thérapies de massage et de relaxation. »

L’opération qui a duré cinq heures a fait de lui, au fil des ans, un homme diminué certes, mais lui a donné une force décuplée pour s’accrocher à la vie. Il se revoit au Royal de Curepipe en 75, témoin de la grève estudiantine. Il partage ses souvenirs : « Je n’avais rien compris de cette grève. Les élèves du RCC sortaient tous du “junior scholarship” du primaire. J’étais entouré de l’élite, des futurs lauréats, magistrats, juges… C’est à mes yeux une compétition hors norme. Je me rappelle que suite à un examen, j’étais le bon dernier de la classe avec 80 points. Mais j’ai quand même de beaux souvenirs avec les profs et les amis. »

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Patrick Paul poursuit : « Le RCC était tout aussi réputé pour son concert dansant en live dans le hall du collège. Certains ont même rencontré leur moitié lors de ces concerts. Le “Royal spirit” est unique. Ma scolarité au RCC a façonné ma façon de voir les choses : il y aura toujours ceux qui seront plus forts que moi dans la vie. J’ai aussi mes compétences, des valeurs que je chéris. En janvier de cette année, un groupe WhatsApp a été créé. Le groupe compte une vingtaine de RCC Old Boys de 1975 et pratiquement chaque jour nous communiquons entre nous. Actuellement, nous souhaitons nous rencontrer pour un “revival”. Mais la situation sanitaire nous freine.»

Après avoir été superviseur dans une entreprise de filature pendant près de 18 ans, Patrick Paul décrochera un autre emploi comme HR dans une clinique. Il y restera 12 ans. Son expérience dans ces différents secteurs l’aide aujourd’hui à mieux se prendre en main. Il découvre alors d’autres handicapés au regard creux et ressent le besoin de les aider dans leur accompagnement.

« Il y a chez un handicapé cette pensée de ne plus être utile. Il faut briser ce tabou et le meilleur moyen réside dans un accompagnement. C’est en me déplaçant dans mon fauteuil motorisé que j’ai rencontré un jeune de 25 ans handicapé en fauteuil. Il avait le regard fixe, je lui ai parlé en lui disant qu’on pouvait se revoir. Neuf mois sans aucune nouvelle et un jour, j’apprends qu’il s’est suicidé. Cela a provoqué une onde de choc en moi et j’ai culpabilisé, car un simple échange de numéro aurait pu changer le cours du destin de ce jeune homme. Cette rencontre a changé ma vie et j’ai décidé de lancer l’association Je pace, un acronyme de chaque lettre qui se veut un pilier. Je signifie joie, E comme écoute, P comme paix, A comme amour, C comme compassion et E comme espérance. »

Nouvelle ouverture sur le monde
Après ses ennuis de santé, Patrick se remet en question. Il décide de se battre pour les autres qui, comme lui, vivent mal leur handicap. Lors de son passage dans l’émission Tous égaux, ainsi que dans une vidéo sur Radio One, Patrick reçoit un appel du responsable du Foyer Vivre Debout et des appels sur Messenger de l’étranger. Il prend alors conscience du mal-être de certains handicapés.

« Je suis en contact avec quelques personnes pour les écouter, sonder leur état d’âme, laisser sortir leurs meurtrissures. Je n’ai pas la prétention de faire des miracles. J’essaie tout simplement de mettre un sourire sur leur âme et cheminer avec eux pour qu’ils découvrent cette espérance qui peut leur donner la paix et un peu de joie au plus profond de leur être. »

Patrick Paul veut partager avec les autres comme lui dans le besoin ce que lui a reçu. « Mes amis ont contribué pour que j’aie un fauteuil motorisé. Il me permet de me déplacer tout en m’allongeant comme sur un transat. Ma famille a été là pour moi dans ce combat. Pour Noël, je veux rendre les autrement capables heureux en dialoguant avec eux et en les faisant comprendre qu’eux aussi peuvent être d’une grande aide dans la société. »

Il dira que les plus belles rencontres sont celles qui privilégient des expériences humaines fortes, le contact avec les autres dans le besoin. « Le monde vit un deuil en permanence avec le Covid, on n’a pas fini de pleurer nos morts, l’humanité est en deuil. Au lieu des pétarades, ce serait bien de faire monter des ballons et d’allumer une bougie pour rendre hommage à tous ceux qui ont perdu leur vie face à la pandémie », souligne-t-il.

Pour 2022, Patrick Paul souhaite que les mentalités changent et que les autrement capables aient une nouvelle ouverture sur le monde. Il invite ceux qui veulent se joindre à son association de le contacter sur jepacepp@gmail.com

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