Atelier Eco-Sud — Satyajit Boolell : « La nature doit jouir d’une reconnaissance juridique »

Intervenant lors d’un atelier sur l’environnement organisé samedi par EcoSud, l’ex-Directeur des Poursuites Publiques, Me Satyajit Boolell, Senior Counsel, a pris position au sujet de l’importance d’accorder des droits à la nature et aux citoyens pour protéger le patrimoine naturel. Il a fait un vibrant plaidoyer pour la reconnaissance juridique de la nature devant les instances judiciaires.

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« Il faut assurer qu’il y ait une charte de l’environnement, qui impose des obligations à l’État pour qu’il assume pleinement son rôle dans la préservation de notre biodiversité. Plus nous sensibilisons les gens, plus les décideurs politiques et les juges prendront conscience de l’importance de la protection de l’environnement », met-il en avant.

L’atelier, qui avait pour thème Crises environnementales et sociales : pourquoi et comment les relier ?, s’inscrit dans un contexte d’urgence et de crise, et était organisé en collaboration avec les organisations AILES, Gender Links Mauritius, TIPA et Inclusion Mauritius. EcoSud, dont la mission est de protéger l’environnement et la biodiversité de Maurice pour les générations d’aujourd’hui et de demain, souligne que les droits de la nature se présentent comme l’une des solutions pour affronter les défis qui affectent de manière inégale les populations, en particulier les communautés vulnérables.

Tout en mentionnant le nouveau projet de loi sur l’environnement, actuellement faisant l’objet de débats devant l’Assemblée nationale mardi, Satyajit Boolell a mis en relief l’importance que trois conditions soient préalablement satisfaites. D’abord, que le droit à l’environnement ait un statut constitutionnel. Deuxièmement, qu’il y ait un élargissement de la responsabilité civile pour que les actions juridiques en vue de réparations ne se limitent pas aux préjudices personnels. Troisièmement, de donner un statut juridique à la nature.

S’agissant du premier point, il estime que Maurice est déjà en retard, vu que plus d’une centaine de pays ont déjà passé la protection de l’environnement à un statut constitutionnel. « La Cour européenne des Droits de l’Homme donne des jugements mettant sur un pied d’égalité le droit à l’environnement et les droits humains. C’est un droit fondamental. En effet, le droit à l’environnement, c’est le respect de la vie, le respect de la santé, le respect de la biodiversité. La survie humaine dépend du droit de l’environnement. Cela doit donc faire partie intégrante des droits humains et de tout développement durable. C’est pourquoi il faut assurer qu’il y ait une charte de l’environnement qui impose des obligations à l’État pour qu’il assume pleinement son rôle dans la préservation de notre biodiversité », fait-il comprendre.

Il affirme que cette responsabilité incombe également aux individus. « Nous tirons tous la sonnette d’alarme en disant que Maurice, en tant que PEID, sera une des premières victimes du réchauffement climatique. Nous devons donc tous nous serrer les coudes pour faire respecter le droit à l’environnement. S’il a un statut supérieur, nous aurons plus de force dans l’arsenal juridique », ajoute-t-il.

Il a cité deux autres raisons pour lesquelles il faut donner à l’environnement ce statut constitutionnel. « D’abord, cela permettra aux juges de donner une interprétation généreuse à tout ce qui constitue l’environnement, soit la nature, la mer, la terre, l’air, la rivière, la biodiversité, etc. Deuxièmement, il y a dans des cas des exceptions. Parfois, nous voyons des développements empiétant sur des ressources naturelles. La Cour devra décider si ces exceptions sont proportionnelles à ce droit de l’environnement. La Cour devra appliquer des normes démocratiques. Il est important que nous ayons une indépendance d’esprit dans de tels litiges », s’appesantit-il.

« Très souvent, nous sommes confrontés à des obstacles dans notre responsabilité civile en ce qu’il s’agit des actions que des écologistes entrent en Cour. Notre régime de responsabilité civile est limité à des préjudices personnels basés sur le lien de causalité, ce qui limite le champ d’action de nos militants écologistes. Par contre, quand il y a un préjudice environnemental, c’est tout un collectif, pas nécessairement défini juridiquement, qui est affecté. Ce sont les générations futures qui subiront les conséquences de ces désastres environnementaux. C’est pourquoi il nous faut plus de moyens dans nos champs d’action pour protéger l’environnement », indique-t-il encore.

Troisièmement, estime Me Boolell, il faut donner un statut juridique à la nature, sur un même pied d’égalité que les personnes. L’idée est simple, dit-il, mais avant-gardiste : « La nature doit jouir d’une reconnaissance juridique devant nos cours et tribunaux. Dans des pays comme la Bolivie, etc., on a intégré cette notion dans la loi. La Nouvelle-Zélande a créé le concept d’entité vivante. Ils ont conféré une personnalité juridique à plusieurs rivières. Demain, devant une Cour, une association écologique peut venir représenter le droit d’une rivière. En Inde, le Ganges a aussi eu un statut juridique pour que cette rivière puisse se défendre contre la pollution », déclare-t-il.

« Il est important, si nous révisons notre cadre juridique, d’appliquer ces trois conditions. Par exemple, dans le dernier cas de Daniel Sauvage contre New Mauritius Hotels, la Cour a pris une position très conservatrice en disant que puisque les plaignants n’ont pu montrer comment il y a eu préjudice personnel, ils n’ont aucun droit d’action devant la Cour, même si cela peut affecter l’environnement. Ce sont de tels obstacles qu’il faut retirer, et il nous faut réfléchir en ce sens. Plus nous sensibilisons les gens, plus les décideurs politiques et les juges prendront conscience de l’importance de la protection de l’environnement », propose-t-il.

 

 

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