Auxiliaire de vie scolaire – Annaëlle Babooram, 25 ans : « Un métier que peu de jeunes feraient »

Le métier d’auxiliaire de vie scolaire (AVS) est peu répandu à Maurice et encore moins auprès des jeunes. Son rôle est de réduire les barrières liées au handicap de l’apprenant pour faciliter sa scolarisation et son intégration à l’intérieur de l’établissement scolaire. Annaëlle Babooram a été AVS pendant cinq ans. Elle a tout appris sur le tas et s’est perfectionnée grâce à l’aide du personnel enseignant de son petit protégé et à des recherches. À 25 ans, elle est d’avis que «peu de jeunes seraient enclins à faire ce travail difficile.»

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Elle n’a, peut-être, pas de diplôme en poche, mais à 25 ans, Annaëlle Babooram pratique un métier où la patience et le dévouement ne sont pas, non plus, inscrits sur le curriculum de l’université. La jeune femme est auxiliaire de vie scolaire. Elle a tout appris de A à Z sur le tas, avant de se consacrer à sa profession. Dans une école privée où elle accompagnait tous les jours un petit garçon atteint d’autisme sévère, elle a été amenée à comprendre les diffi cultés de son métier, tout en se familiarisant avec ses rouages. Toutefois, avec les interruptions brutales des classes et les perturbations qu’a connu le secteur éducatif ces deux dernières années, en raison de la pandémie du covid-19, Annaëlle Babooram s’est retrouvée au chômage. Aujourd’hui, elle voudrait renouer avec l’accompagnement des enfants à besoins spéciaux.

Vocation

Le métier d’auxiliaire de vie scolaire est peu répandu à Maurice, d’autant que les enfants à besoins spéciaux sont scolarisés dans des établissements ou salles de classe qui leur sont dédiés. Quelques rares écoles privées et publiques ont ouvert leurs salles de classe mainstream à des AVS, démarche indispensable à des élèves pour lesquels l’apprentissage ne peut se faire sans aide.

Si Annaëlle Babooram confie avoir trouvé sa vocation et cherche un emploi dans ce domaine, d’autres qui ont essayé ce métier ont vite jeté l’éponge. À l’instar de cette jeune femme du Sud, qui devait accompagner une collégienne mal-voyante pour son entrée en Grade 7, l’année dernière, et qui s’est désistée. Pourtant, elle avait déjà passé trois années aux côtés d’un petit garçon, élève en primaire. Durant cette période, elle allait à l’école tous les jours et suivait son protégé, atteint de dystrophie musculaire, comme son ombre.

Dans le cas de la collégienne malvoyante, l’AVS devait non seulement rester à ses côtés, mais aussi suivre toutes les matières enseignées pour les reprendre plus tard avec la jeune fille. Elle devait ainsi s’assurer que cette dernière ne ratait rien des explications et notes des enseignants.

Elle aurait eu à accompagner la collégienne durant pratiquement toute sa scolarité en secondaire. Munie d’un diplôme en health care assistant d’un institut privé et d’un School Certifi cate, elle disposait des critères requis pour les responsabilités qui l’attendaient et avoir accès dans une école. Toutefois, à la veille de la rentrée des classes, elle a abandonné l’idée de retourner sur les bancs du collège pour la deuxième fois de sa vie.

Participer au développement de l’enfant

Ne disposant que d’un School Certificate, Annëlle Babooram explique qu’elle n’avait pas envisagé le métier d’AVS. «J’ai dû interrompre mes études secondaires pour des raisons économiques. J’ai suivi un cours de coiffure et de soins esthétiques pendant une année, car au départ j’avais prévu de trouver du travail dans ce secteur», raconte-t-elle. Entre-temps, une occasion s’est présentée à elle. C’était une famille qui cherchait une personne pour accompagner à l’école son enfant autiste, alors âgé de 3 ans, et lui tenir compagnie. «Elle m’a proposé le travail. En acceptant ce poste, j’ai dit aux parents de l’enfant que je ne comptais pas faire du babysitting. Je leur ai fait comprendre que j’aurais un rôle important auprès de cet enfant. Au-delà d’être une accompagnatrice, je me devais de participer à son développement», raconte Annaëlle Babooram qui avait pris la mission qui l’attendait comme un challenge.

Reconnaître les signaux qu’envoie un enfant accompagné

Grâce à l’école de son protégé, Annaëlle Babooram a eu accès à des guides, méthodes et stratégies d’accompagnement qui l’ont aidée à encadrer le jeune garçon. Et à force de passer beaucoup de temps avec l’enfant, lequel ne s’exprimait pas par la parole, elle a aussi, dit-elle, fini par reconnaître ses attentes et comprendre son caractère. «Une des difficultés qu’on peut rencontrer quand on accompagne un enfant autiste non verbal est l’adaptation à son humeur changeante, ses crises et ses pleurs», explique l’AVS. Tous les jours pendant cinq ans, Annaëlle Babooram se rendait en classe, s’asseyait à côté de l’enfant et l’accompagnait partout, y compris aux toilettes, à la cantine à l’heure du déjeuner et pendant la récréation.

La patience est, souligne-t-elle, une qualité pour comprendre les signaux qu’envoie un enfant autiste. Ceci dit, il lui a fallu peu de temps, dit-elle, pour instaurer une relation de confiance entre l’élève et elle. Cet élément s’avère important, car l’AVS doit faciliter l’intégration scolaire de l’enfant, sa socialisation avec ses autres camarades de classe, son accès aux apprentissages académiques ainsi que et sa participation aux activités scolaires et extra-scolaires. L’AVS, selon Annaëlle Babooram, est aussi un/e intermédiaire clé entre l’élève et l’enseignante.

« Dans le cas d’un enfant autiste non verbal, s’il ne se montre plus attentif pendant une classe, c’est parce qu’il y a quelque chose qui le préoccupe. C’est peut-être parce qu’il a faim ou qu’il a envie d’aller aux toilettes. Comme j’arrivais à interpréter ses gestes et mimiques, je pouvais expliquer à l’enseignant ce qui n’allait pas», poursuit-elle.

Mission accomplie

Si l’AVS limite son intervention à l’intérieur de l’établissement scolaire, pour sa part, Annaëlle Babooram a été appelée à poursuivre l’accompagnement de son protégé dans la vie sociale du petit. En assistant l’enfant à l’extérieur de l’école, elle a aussi, dit-elle, appris à mieux le connaître dans un autre contexte. Elle confi e qu’elle a pris l’initiative de faire des recherches pour développer des astuces afin de faire émerger la communication sans stresser l’enfant. Au bout de cinq années d’accompagnement, concède-t-elle, elle a pu atteindre l’objectif qu’elle s’était donné au début de son emploi. «Il avait gagné en autonomie», dit-elle. Et de reconnaître que «ce travail n’est pas facile. Peu de jeunes seraient enclins à le faire.»

 

 

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