(Reportage) Avec 10 cas positifs à la Covid-19 : Chamarel turns red

La pandémie a gagné le hameau niché dans les hauteurs de Rivière-Noire, décrété zone rouge. Dix cas positifs à la Covid-19 y ont été recensés à vendredi soir. Une profonde inquiétude se répand parmi les habitants, qui affichent malgré tout la bonne humeur les caractérisant. Toutefois, un autre problème menace les locaux : le virus de la désinformation.

Le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, a confirmé vendredi soir les craintes qu’exprimaient les habitants de Chamarel depuis la veille. Le hameau retiré a été décrété zone rouge, tout comme les villages de Surinam, Chemin-Grenier, Chamouny et Riambel. Dix cas positifs à la Covid-19 ont été recensés jusqu’à l’heure parmi les quelque 900 habitants de la localité.

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Les signes d’un renforcement des restrictions sanitaires avaient été remarqués dans la matinée d’hier. Des unités de la force policière ainsi que des autorités sanitaires avaient été déployées pour effectuer un recensement. Auprès des forces vives, elles ont notamment recueilli des informations précieuses sur les personnes âgées et les familles vulnérables de la région, afin de les aider le temps du total lockdown.

Des dispositions ont également été prises pour l’approvisionnement en denrées de base. Pour cause, Chinathoo Store, supérette populaire où la majorité des habitants viennent se ravitailler, a fermé ses portes. Ses propriétaires ont été testés positifs à la Covid-19 dimanche dernier.

« Nous avons travaillé toute la journée avec les autorités », indique Géraldine Lecordier, présidente du village de Chamarel, jointe au téléphone quelques minutes après l’annonce du ministre. « Quelques boutiques resteront ouvertes pour que les habitants puissent s’approvisionner. Il y a également un marchand ambulant de légumes et de fruits qui sera autorisé à sillonner la région pour vendre ses produits », relate-t-elle.

Une autre question qui se pose relève des examens de National Certificate of Examination (NCE), dont des épreuves sont prévues la semaine prochaine. « Pour les enfants qui doivent y participer, précise Géraldine Lecordier, la police assurera leur sécurité afin qu’ils puissent rejoindre leur salle d’examen. Demain, nous plancherons sur les dispositions à prendre en vue des examens de SC et HSC pour étudier comment transporter les élèves en dehors de la zone rouge ».

En somme, la tension qui régnait hier s’est quelque peu dissipée, les habitants reconnaissant les mesures prises pour endiguer la propagation du virus. « Ils étaient effrayés avant », concède Géraldine Lecordier.

En effet, des Fake News inquiétants circulaient sur la région. « Avec l’instauration de la zone rouge, ils se sentent plus protégés », observe la présidente du village. Ariana, une mère de famille qui habite non loin de l’église Sainte-Anne, confie pour sa part au téléphone que « nous avons un peu peur ». Et d’ajouter : « C’est la première fois que nous vivons une situation pareille, avec la police qui sillonne notre localité. Nous sommes également soucieux de savoir si les boutiques qui seront ouvertes disposeront des produits dont nous avons besoin. »

Désinformation.

Les rumeurs et fake news qui circulaient parmi les villageois et sur les réseaux sociaux contribuaient à renforcer une certaine frayeur à Chamarel. « Des bus de ti bonom blan sont venus. Ils l’ont prise, elle et son époux ». Ce couple de restaurateurs « a été testé positif », racontaient, jeudi, les dires provenant d’une partie de Chamarel. Tandis qu’à l’autre extrémité du village, la restauratrice concernée par les rumeurs, visiblement en bonne santé, rigolait avec un groupe d’habitants, chacun gardant ses distances. Elle n’a nullement été inquiétée par les autorités sanitaires.

Depuis mardi, avec l’annonce de quatre cas positifs à la Covid-19, les rumeurs se répandent comme la brise légère qui caresse la végétation épaisse alentour. « Un gros souci à Chamarel, c’est la désinformation », déplorait Géraldine Lecordier, jeudi après-midi,, en remontant le sentier qui mène vers Camp-Natir.

Le dimanche 28 mars, deux premiers cas de Covid-19 avaient été détectés dans le village niché sur les monts de Rivière-Noire. Des boutiquiers populaires de la localité auprès de qui tous viennent se ravitailler. Le conseil du village et les députés de la localité ont agi promptement. Dans ce village de quelque 900 habitants, tous se côtoient. Ainsi, le lendemain, un exercice de dépistage de masse a été tenu dans le Village Hall. La moitié des habitants s’y est présentée.

Mercredi soir, le ministre de la Santé a jeté un froid dans la localité. Quatre cas positifs avaient été détectés parmi les habitants de Chamarel à travers l’opération de contact tracing, avait informé Kailesh Jagutpal.

Tant à la route Sainte-Anne que sur l’artère B104 régnait une atmosphère morne. Un autobus vide de la Compagnie Nationale de Transport en relaye un autre aux abords de l’église. Seuls quelques rares passants s’aventuraient dans la rue. La dizaine de restaurants installés en bordure de route ne vibrent plus de leur bonne énergie habituelle. Volets fermés, portes cadenassées, devanture abandonnée… plus d’un an que la masse de touristes ne visite plus la localité. Le beau temps qui prévaut ne dissipe pas les épais nuages de doutes qui planent sur le village, dont l’activité économique est en berne.

Assis sous la véranda de l’adresse réputée du Palais de Barbizon, Rico L’Intelligent écoute à peine la radio installée en haut du mur. « À Chamarel, c’est un deuil », déplorait le restaurateur. « Les autorités ont emmené mon neveu en quarantaine. Pour rigoler, il m’a confié au téléphone qu’avec l’argent qu’il gagne, il ne serait jamais allé dans un hôtel. Chaque semaine emmène son lot de désolation. Nous nous demandons si nous ne passerons pas en zone rouge, ce que je ne souhaite guère. Ça serait trop dur pour nous », disait-il avant l’annonce de vendredi soir.

« Nous les avons vu arriver dans des autobus et emporter des habitants », raconte Catrenina, 33 ans. De derrière la fenêtre du One Love Snack, elle se tient à distance, d’autant qu’elle porte un bébé dans les bras. Pour elle, les affaires vont mal depuis le début de la pandémie et elle craint que les chiffres n’empirent. Durant la nuit, les autorités sanitaires, suivant le protocole établi, ont déployé deux autobus pour récupérer une quarantaine d’habitants, dont des enfants.

« Protéger notre famille »

À D’Arifat Lane, les quelques maisons à étage gardées par de robustes arbres semblent toutes scellées. Des familles y résidant ont été placées en quarantaine. Quelques virages plus loin, les grilles métalliques rouges de Chinathoo Store restent baissées en pleine journée. Inhabituel pour ce commerce populaire, où a été enregistré le premier cas positif, qui a été en contact avec les patients infectés de l’hôpital de Souillac, indiquent les autorités. Une personne a également été contaminée « dans la cité » plus haut. La quarantaine concerne, en outre, trois habitants du retranché Camp-Natir, dissimulé au bout d’un sentier escarpé bordé de plantes médicinales et d’arbres fruitiers.

Plusieurs enfants s’y amusent dans une cour, sous le regard des parents. L’inquiétude se lit sur leur visage ; trois de leurs voisins ont été placés en quarantaine. « Nous faisons de notre mieux pour protéger notre famille », indique Laura, 30 ans. Une tâche difficile dans ce village. « Depuis que nous savons qu’il y a des cas positifs, il y a plus de craintes. Nou tou fami isi », ajoute cette femme de ménage.

En effet, les regards soucieux suivent les visiteurs qui s’aventurent dans des avenues peu fréquentées, dont à la route Piton. Malgré tout, les salutations ne perdent pas de leur chaleur. Le « bonjour » d’un jardinier qui transporte sa tondeuse sur son épaule, le signe de tête d’une femme qui tend le linge, les appels amusés d’enfants se balançant à un arbre.

La bonne humeur semble imprimée dans l’ADN des habitants du village. Les témoignages s’agrémentent de sourires, qui laissent cependant transparaître la crainte d’une infection collective. « Nous nous demandons s’il ne faut pas décréter Chamarel comme zone rouge », s’inquiétait déjà la présidente du village, à l’ombre des palmiers de Camp-Natir. « Nous devrons travailler avec les autorités pour comprendre comment gérer la situation », ajoutait Géraldine Lecordier.

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