Bavure policière – Clifford Esther : « Lapolis inn tir kout bal pou touy mwa »

Clifford Esther (64 ans) mène un combat pour que justice lui soit rendue depuis quatre décennies déjà, lorsque la police avait fait feu en plein visage. Depuis il est handicapé. Malgré tout, il a pu surmonter les nombreuses difficultés de la vie, et est aujourd’hui père et grand-père. « C’est ma foi en Dieu qui m’a permis de tenir le coup », avoue-t-il. Il se bat pour obtenir une compensation symbolique de l’État à la suite de ce qu’il qualifie de bavure policière. Au Mauricien, il revient sur cet épisode où sa vie a basculé.

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Le 24 février 1982, un hold-up est commis au CEB de Curepipe. Des suspects y volent une mallette contenant Rs 681 000, somme qui représente les salaires des employés. Le constable Jean Nelzire tente de les opposer mais reçoit une balle à la tête et meurt. Dans le sillage de cette affaire, la police recherche un dénommé Sylvio Suntoo, soupçonné d’être un des braqueurs. Il sera tué le 20 mars 1982 alors qu’il n’a pas participé à ce vol.

Entre-temps, Clifford Esther, qui a 22 ans à l’époque, ne se soucie pas vraiment de cette affaire. « J’étais jeune et je croquais la vie à plein dents. J’étais chanteur et musicien dans un hôtel, et je rencontrais plein de personnes, dont Margareth, une Allemande », dit-il. Après quelques mois, Margareth et lui avaient décidé de se mettre en ménage et d’habiter un campement à La-Preneuse.

Après le drame de Curepipe, la police reçoit des informations selon lesquelles que Sylvio Suntoo se terrait à La-Preneuse. Dans la nuit du 5 mars 1982, alors que Clifford Esther dormait, vers 5h du matin, Margareth l’avait informé que quelqu’un frappait à la porte. « Mo trouv polisie Lebon, mo dir li atann », dit-il. Le temps pour lui d’enfiler ses vêtements.

Mais en ouvrant, une trentaine de policiers armés foncent sur lui. « Zot pous mwa anba. Zot azir kom bann iletre. » L’homme est immobilisé. Puis un policier du nom de Monvoisin, dit-il, lui dit : « Pa trakase, pe fer enn red-la. » Entre-temps, son cousin Patrick, qui a passé la nuit dans le campement, est lui aussi violenté. Un autre policier lance alors : « Ala sinwa- la. Aster nou gagn twa ! » Patrick et Clifford sont interrogés sur place.

« Dir mwa Sylvio kote ! » demande un policier. Clifford Esther leur fait comprendre que Sylvio est son oncle, mais qu’il ignore tout de ses activités. Dans la mêlée, un policier lui donne deux coups de crosse de son arme à la nuque. Malgré la douleur, Clifford réussit à se relever. C’est alors que le policier lui met son arme dans la bouche et tire. La balle ressortira par la nuque.

L’ancien chanteur tombe dans une mare de sang. « Zot atann mo mor. Zot pran tou letan pou amenn mwa lopital », explique-t-il en revivant cet instant dramatique. Il poursuit : « Lapolis inn tir kout bal pou touy mwa ! » Il est emmené à l’hôpital Victoria, où il sombre dans le coma. Il passera plusieurs jours à l’Intensive Care Unit (ICU), avant d’en ressortir en véritable miraculé. Pour autant, cela ne sera pas sans conséquence, car il gardera des séquelles toute sa vie. Clifford est alors handicapé au bras et au pied gauches, ainsi qu’à un œil. Son cousin Patrick, lui, a émigré après les faits. Quant à Margareth, elle a regagné son pays natal.

Malgré son handicap, Clifford Esther a su faire face à la vie, menant de petits boulots à gauche et à droite pour joindre les deux bouts, comme la pêche. Il s’est marié avec Marie-Claude, avec qui il a eu cinq enfants. Son épouse est décédée et il a refait sa vie avec Marie Marjolene.

Clifford Esther avait intenté un procès à la police. Procès qu’il a perdu, faute de preuves. Mais il ne s’avoue toujours pas vaincu et, 40 ans plus tard, espère toujours que justice lui soit rendue.

Clifford Esther réclame une compensation symbolique

Clifford Esther ne réclame pas une grosse somme. Ce qu’il veut, c’est que l’État lui accorde une compensation symbolique pour le préjudice subi il y a 40 ans. « Clifford mérite une compensation pour les douleurs qu’il a subies », dit Eddy Sadien, membre d’un comité de soutien.

Il explique que Mes Erikson Mooneapillay et Vinesh Boodhoo, tous deux avocats, étudient la possibilité d’un recours au Privy Council pour plaider la cause du sexagénaire. « Mais cela coûte très cher, et nous travaillons sur une formule pour que le public puisse contribuer afin d’aider Clifford Esther dans son combat », lance Azize Bankar, autre membre du comité. « Leta kapav fer enn zes lor enn baz imaniter pou Clifford Esther. Ena enn devwar de reparasion pou inzistis ki Clifford inn sibir ! »

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