Elle ne connaît pas son nom, mais elle reconnaîtrait son visage parmi mille et lui en sera éternellement reconnaissante. Elle se souviendra aussi toute sa vie de cet immense bonheur qu’elle a ressenti en entendant cette voix lui dire “Madame, votre bébé est vivant” et qui restera à jamais gravée dans sa mémoire. Ce visage, c’est celui de l’infirmière qui a sauvé sa fille.
Cette voix, c’est celle du pédiatre à son chevet, le 5 février dernier, lui annonçant la bonne nouvelle: son bébé était en vie! Ce bébé qu’on avait pourtant déclaré “mort” à l’accouchement, même “pas viable” avant l’accouchement et placé dans une boîte de désinfection médicale en acier inoxydable, sans aucune assistance.
Mais l’infirmière avait entendu les petits cris du bébé, une heure plus tard, et prévenu un gynécologue qui a fait le nécessaire pour sauver l’enfant en la transférant d’urgence à la NICU, avant que le pédiatre ne vienne annoncer la bonne nouvelle à Virginie Quirin: la petite Émilie, qui fait aujourd’hui le bonheur de la famille, était bel et bien en vie!
“Merci du fond du cœur pour votre geste héroïque. Merci d’avoir pris les devants et d’avoir sauvé ma fille. Merci d’avoir cru en moi quand j’avais dis qu’elle était encore vivante, alors que les autres disaient le contraire. Sans vous, notre vie n’aurait pas été la même. Sans vous, je n’aurais pas eu la joie de tenir encore et encore mon Émilie jolie dans mes bras. Je n’aurais pas eu cette joie de voir ce lien fraternel si fort et dont je suis fière, entre mes deux enfants, dont l’aîné Gabriel. Vous avez eu de la compassion et beaucoup d’humanité pour avoir fait ce geste.
Petit peut-être pour vous, mais tellement grand pour nous. Vous faites un métier formidable et vous le faites avec votre cœur. Vous pouvez en être fière. Nous le sommes pour vous en tout cas. Mille fois merci.” C’est le message de Virginie Quirin à cette inconnue, l’infirmière qui a entendu son bébé pleurer et qui, avec ce médecin, l’a sauvé.
Pour un enfant qu’on avait déclaré mort, Émilie se porte bien. Dans un mois, elle fêtera son premier anniversaire. Virginie et Pascal en sont très fiers. Des 610 grammes qu’elle faisait à sa naissance, puis 930 grammes trois mois plus tard, Émilie porte aujourd’hui fièrement son premier kilo. Fragile, certes, mais en forme pour ses 11 mois, après en avoir passé quatre à l’hôpital de Rose-Belle où elle est née, dont trois à la Neonatal Intensive Care Unit (NICU), puis en Special Care Baby Unit (SCBU). “Ce n’est qu’après quatre mois que j’ai pu prendre Émilie dans mes bras. Et la première fois, comme chaque jour depuis, c’est le bonheur”, raconte Virginie Quirin.
Les premiers mois d’Émilie à la maison n’ont pas été simples, poursuit sa mère. D’autant qu’elle devait reprendre le travail après son congé de maternité et qu’Émilie nécessite une attention particulière et des précautions strictes. “Je passais mes journées isolée avec ma fille car elle ne faisait pas de bruit. Il fallait toujours tendre l’oreille pour l’entendre”, dit Virginie.
Elle a son petit caractère…
À son arrivée à la maison, Émilie ne prenait pas le biberon. “Ce n’était pas facile. Elle buvait son lait par dosette de 30ml, dans un petit bouchon. Et souvent, elle nous repoussait avec ses petites mains…”, bébé ne soit pas assez alimenté. Mais très vite, la petite a pris ses marques et prend désormais son biberon. “Au départ, nous avions les explications des médecins de l’hôpital pour nous guider. Mais très vite, l’instinct maternel a pris le dessus et on fait par rapport à ce qu’Émilie réclame. Et elle sait réclamer son manger”, dit Virginie. Même que depuis une semaine, Émilie prend désormais des repas plus consistants, telles des purées. Et elle a ses préférences. “On l’a mise sur les légumes verts pour commencer et Émilie sait choisir entre du couscous qu’elle déteste et les autres. Elle a son caractère, ses petites manies”, rigole Virginie.
Outre maman et papa, la famille dispose aussi d’une aide précieuse : “Émilie a un grand frère attentionné. Dès qu’elle pleure, Gabriel accourt devant elle et chante. Et là, elle rigole. Elle le reconnaît alors qu’elle reste sans réaction quand d’autres personnes l’approchent”, disent ses parents. C’est aussi Mamie gâteau Marie-Claude, la mère de Virginie, qui veille sur Émilie lorsque sa maman travaille. “Pendant que moi je fais la classe online, mamie est avec Émilie. Et comme toujours, il faut observer des mesures sanitaires strictes. On ne peut se permettre qu’Émilie attrape une quelconque maladie”, explique Virginie.
Nouvelle hospitalisation en juin
Il y a quelques mois, Émilie est tombée malade, souffrant d’une diarrhée persistante. Une angoisse pour ses parents. De peur que la petite ne se déshydrate, ils l’ont emmenée à l’hôpital. Si le médecin généraliste qui l’ausculte ne détecte rien d’anormal, sa diarrhée relevant plus des conséquences de son premier vaccin, il réfère Émilie à la pédiatrie où elle est toutefois admise.
“J’ai passé une nuit blanche à l’hôpital. Le lendemain, comme je devais travailler, j’y suis allée directement, après une douche froide et rapide, à l’hôpital. C’est ma mère, après avoir effectué un test PCR, qui a pris le relais pour demeurer au chevet d’Émilie à la pédiatrie”, se souvient Virginie. Heureusement, le lendemain, Émilie obtient sa décharge, car son pédiatre, redoutant que le bébé n’attrape des bactéries à l’hôpital en raison de sa fragilité, préfère qu’elle rentre à la maison, “…d’autant qu’elle avait vu que Mamie gâteau était très précautionneuse avec Émilie”, ajoute Virginie.
En novembre dernier, les parents ont dû se séparer de leur fille pendant plusieurs jours, encore une fois. “Un vrai calvaire”, raconte Virginie, évoquant sa contamination au Covid. C’était un mardi après-midi, alors qu’elle rentrait à la maison. Virginie ressent des douleurs aux reins. Si au départ, elle pense à une sciatique, lorsqu’elle constate qu’elle fait de la température, Virginie préfère ne pas prendre de risques et fait un test antigène qui s’avère négatif au Covid.
Toutefois, consciente qu’elle ne peut exposer Émilie à aucun risque, surtout avec le nombre de décès liés au Covid, dont un oncle de Virginie, la jeune maman se fait ausculter par un médecin qui confirme qu’elle a chopé le Covid et lui conseille de s’auto-isoler. “C’est la première fois que je laissais Émilie à part quand elle était à l’hôpital après sa naissance. J’avais le coeur lourd, mais il le fallait. Pour la protéger, il fallait l’envoyer faire un séjour chez les grands-parents. Pour elle. Mais je savais qu’avec ma maman, elle était entre de bonnes mains et en sécurité”, raconte-t-elle. D’autant que le samedi, un nouveau test antigène confirme, cette fois, que Virginie est positive.
Le Covid est passé par là
En dépit des appels quotidiens en visioconférence avec sa mère pour voir et parler à sa fille, Virginie vit difficilement ces quelques jours en auto-isolement, en attendant que la famille soit à nouveau réunie. Si un semaine après, un nouveau test antigène démontre que Virginie n’est plus covidée, cette fois, c’est le petit Gabriel qui est testé positif. “J’étais angoissée. Je me disais que s’il m’arrivait quelque chose, que deviendront mes deux enfants? Je pensais à Émilie, à tout ce qu’on avait traversé. Il fallait à tout prix la protéger” , raconte Virginie. Fort heureusement, Gabriel ne développa pas de forme sévère du Covid et Émilie fut préservée du virus. Mais pour ses parents, les précautions doivent toujours être de mise avec la petite car bien que “gaillarde”, elle est toutefois très fragile, portant les séquelles de sa naissance prématurée.
Si au départ elle faisait des petits bruits presque inaudibles, aujourd’hui Émilie “Konn kass lavwa”, raconte sa mère. Elle a même, depuis une semaine, une petite dent qui commence à pointer. Pour son problème de vue, ses parents attendent l’appel de l’hôpital de Moka pour son rendez-vous avec un médecin de l’étranger qui devrait venir l’ausculter et procéder à une opération pour que la petite puisse voir normalement. Bientôt la petite, qui a du retard sur sa capacité motrice, fera un suivi d’occupationnal therapy. “Mais déjà, elle sait bouger et se retourner. Donc, nous savons qu’elle prend son temps et que ça va aller devant”, disent les parents.
Rendre grâce
Pour Virginie et Pascal, ces petits problèmes ne sont rien à côté du bonheur d’avoir leur fille à la maison. Un bonheur qui aurait pu leur avoir échappé si cette infirmière n’avait pas entendu pleurer leur enfant dans cette boîte en acier, le jour de sa naissance. Un vrai miracle, disent-ils, rendant grâce à Dieu et à tous ceux qui les ont assistés, que leur enfant fait aujourd’hui, avec son grand frère, le bonheur de la famille. “Malgré nos nuits blanches, malgré les petites tracasseries en rapport à sa santé, nous sommes des parents comblés”, disent Virginie et Pascal. Et Émilie est la star de la famille.
Le coeur lourd pour Anaïs et Sweta
Si Virginie et Pascal sont heureux avec leurs enfants à la maison, ils ont une pensée pour tous ces parents qui n’ont pas eu leur “chance”, tels Sweta et Vicky Ram, ou Anaïs et Gary Antoine. “Je pense souvent à eux. Je pense souvent à Anaïs, j’imagine sa peine. J’ai vécu un véritable cauchemar en pensant avoir perdu un enfant. Anaïs, elle, en a perdu trois.
Cela doit être un vrai calvaire!”, dit Virginie Quirin, avouant ne pas comprendre les conclusions du rapport préliminaire du National Medical Negligence Committee qui soutient qu’il n’y a pas eu de négligence médicale dans le cas des décès des triplés d’Anaïs Antoine. “Dès le départ, il y avait des précautions à prendre au niveau de l’hôpital, sachant qu’Anaïs était enceinte de triplés et qu’il s’agit d’une grossesse à risques. C’est évident qu’il y a eu des manquements! Pourquoi ne lui a-t-on pas administré, comme cela a été mon cas, à ma demande cependant, des corticoïdes, pour faire maturer les poumons de ses bébés? Il y a des protocoles à suivre qui n’ont pas été suivis et aujourd’hui, ces manquements laissent un couple, une maman en souffrance. Je n’ose même pas penser au Noël douloureux qu’Anaïs a dû vivre”, dit Virginie.
Lançant un regard de tendresse à sa petite Émilie, la jeune maman remercie à nouveau le ciel et, surtout, l’infirmière qui lui a donné ce bonheur de voir grandir sa fille. “De semaine en semaine, on voit l’évolution d’Émilie. Elle n’a, peut-être, pas touché les milestones comme les autres enfants normaux, mais elle prend son temps et grandit superbement”, dit Virginie.