BIEN-ÊTRE DES HANDICAPÉS: Entre bonnes intentions et mesures concrètes

“Des foutaises !” Tel est l’avis de Fleuriot Flore, travailleur social, sur les mesures prises récemment à l’intention des personnes handicapées. De façon plus pondérée, Lisemay Lim Kee et Nalini Ramasamy, de la Fraternité des Malades et Handicapés de Maurice (FMHM), ainsi que Reynolds Permal, de Lizie dan la main, partagent son opinion. Même s’ils sont unanimes à reconnaître que de gros efforts ont été faits pour leur bien-être, ils estiment que des lacunes existent toujours. Le point sur la situation.
Unijambiste depuis sa naissance, Krishna suit pourtant une scolarité normale. L’année prochaine, il sera en première année de HSC au St Andrews School de Rose-Hill. Il a pu arriver à ce niveau d’éducation grâce à sa persévérance et au soutien de son entourage. L’établissement secondaire qu’il fréquente a tout mis en oeuvre pour l’encadrer et faire en sorte que toutes ses classes aient lieu au rez-de-chaussée. Et ses amis ont également été d’une grande aide dans son intégration.
Promis à un brillant avenir, Krishna, qui est en fauteuil roulant, rencontre toutefois de nombreuses difficultés quand il doit se déplacer en dehors du collège. Même si son statut lui donne droit au transport gratuit, c’est pourtant en taxi qu’il est contraint de voyager. “Sofer bis kan trouv mwa lor bistop, zot pa arete”, dénonce-t-il. Las de cette situation, il préfère compter sur la bonne volonté de certains chauffeurs de taxi de sa localité à Camp Levieux, ou de ses proches, pour pouvoir aller à ses leçons particulières.
Ses difficultés, hélas, ne s’arrêtent pas là. Habitant au dernier étage d’un des blocs d’appartements de la NHDC, c’est à la force de ses bras qu’il monte et descend les escaliers tous les jours. Parfois, et en dépit des risques que cela comporte, il se sert de la rampe pour descendre plus facilement.
Déplacements difficiles.
Cyril Lassémillante est aussi en fauteuil roulant depuis un accident survenu il y a quelques années. N’ayant personne pour l’aider dans son quotidien, il reste cloîtré à la maison. Pour accomplir certaines tâches, il bénéficie de l’aide du travailleur social Fleuriot Flore.
Habitant également un appartement de la NHDC situé au premier étage, il lui est impossible de descendre seul, ne serait-ce que pour prendre l’air et profiter du soleil : les escaliers du bâtiment sont dépourvus de rampe ! Pour toute distraction, il n’a que la radio et la télévision, ce dernier ne fonctionnant que de temps en temps selon la réception du signal.
Marié à Nathalie (également handicapée) depuis 2006, Cyril affirme qu’ils vivraient encore plus heureux si tous deux touchaient une pension plus conséquente. Même si son épouse est employée à la Physically Handicapped Welfare Association (PHWA) et touche une allocation, ils peinent à joindre les deux bouts car “les denrées alimentaires coûtent cher”. Ses souhaits pour vivre mieux ? Avoir une maison située au rez-de-chaussée, et que soient plus abordables les prix des chaises roulantes et des accessoires permettant d’aider les personnes à mobilité réduite à mieux se déplacer en toute sécurité.
Améliorations.
Ces deux exemples n’illustrent qu’une infime partie des difficultés rencontrées par les handicapés mauriciens dans leur quotidien. Au sein de leurs associations respectives, Nalini Ramasamy, Lisemay Lim Kee (FMHM) et Reynolds Permal (Lizie dan la main) recueillent tous les jours les nombreuses doléances de ceux qui se sentent exclus : les personnes âgées et/ou handicapées ne sont pas prises aux arrêts d’autobus – et quand toutefois les bus s’arrêtent, il leur est impossible de monter à cause des marches trop hautes – ; le mauvais accueil qui leur est réservé dans les services publics; l’inaccessibilité de certains bâtiments dépourvus de rampes ou d’ascenseur; les places de stationnement réservées aux handicapés souvent occupées par des personnes valides; les trottoirs en mauvais état et les dangers qu’ils occasionnent…
La liste de souhaits de ces représentants de la cause des handicapés est également longue. Ils réclament, entre autres, une baisse du prix des couches pour adultes, des déambulateurs et de tout accessoire dont le but est de faciliter le quotidien des handicapés. En ce qui concerne les infrastructures, ils souhaitent également voir davantage de toilettes publiques construites/aménagées à leur intention; plus de passages sonores pour aider les aveugles à traverser les routes; ou encore des voyants lumineux reliés aux sonneries dans tous les autobus, à l’intention des malentendants. Ces derniers espèrent voir des journaux télévisés quotidiens en langue des signes. Si ces demandes peuvent paraître banales pour certains, elles ont néanmoins une grande importance pour ceux et celles qui attendent toujours des mesures pour vivre mieux.
“Pa desid pou nou”.
En formulant leurs requêtes aux autorités et à la société dans son ensemble afin d’obtenir davantage de considération et plus de respect, ce ne sont pas des faveurs qu’ils demandent, mais des droits. “Nous sommes des humains comme tous les autres. Nous avons droit au même respect”, insistent-ils. Pour Nalini Ramasamy et Lisemay Lim Kee, l’éducation de la population est à refaire. Elles ne s’expliquent pas qu’aujourd’hui encore, certaines personnes soient assez “mesquines” pour se moquer des handicapés. “Nous ne réclamons pas de la pitié, mais une aide et un soutien”, ajoute de son côté Reynolds Permal.
Nos différents interlocuteurs reconnaissent cependant que des améliorations ont été apportées ces dernières années, notamment dans l’accès à l’éducation, la formation et l’emploi, entre autres. Mais ils souhaitent aussi que le slogan annoncé au conseil des ministres du 11 novembre dernier, “Nothing about us without us”, ne soit pas creux. Pour eux, il est plus que temps que des handicapés fassent partie des instances de décision qui les concernent. Nalini Ramasamy et Reynolds Permal soulignent que “ce sont les personnes souffrant de handicaps qui sont les plus aptes à parler de nos difficultés”. “Pa desid pou nou. Pran desizion ansam ar nou pou seki nou dezire”, demande ainsi Reynolds Permal.

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