Pouvoir d’achat : aucune incidence de la baisse du fret sur les prix au détail

- Takesh Lucko (économiste) : « Les commerçants disposent d’une marge de manœuvre pour faire baisser les prix »

Après la flambée des prix à l’échelle mondiale, en 2021, le commerce mondial a repris, avec pour conséquence une explosion des prix de fret, mais depuis plusieurs mois les chaînes logistiques sont dans une phase de correction, avec un retour à la normale des tarifs de fret, qui sont maintenant proches des niveaux pré-Covid. Par ailleurs, la demande mondiale s’affaiblissant, elle contribue également à faire chuter les prix du fret conteneurisé.
Dans un tel contexte, la population pourrait donc s’attendre à un retour à la normale des prix à la consommation, mais tel n’est pas le cas. Dans certains milieux, on pointe du doigt les importateurs et distributeurs, les accusant de pratiquer de fortes marges de profits sur le dos des consommateurs.
Les importateurs s’en défendent, mettant la cherté des prix en rayons sur le dos de la dépréciation de la roupie, arguant que les gains sur la baisse du tarif de fret sont vite absorbés au tableau du taux de change. Takesh Lucko, économiste, s’attend lui aussi à voir les prix chuter en rayons : « Le coût du fret a dégringolé de 300% et le consommateur s’attend, à juste titre, à voir baisser les prix, mais il ne voit rien sur les étagères ! »
Il fait comprendre que l’argument visant à tout mettre sur le dos de la dépréciation de la roupie ne tient pas la route. « Nous avons entendu certains distributeurs et exportateurs se défendre en faisant état de la dépréciation de la roupie. La roupie s’est dépréciée de 15% durant l’année alors que les tarifs de fret ont baissé de 300%, et donc ils ont une marge de manœuvre pour faire baisser les prix en faveur du consommateur. Il est clair que beaucoup d’importateurs et distributeurs sont en train de récupérer leurs marges de profits perdues pendant le Covid-19 et la guerre en Ukraine en gardant les prix artificiellement élevés », avance-t-il.
Takesh Lucko estime que ces opérateurs ne jouent pas le jeu. Il trouve cette démarche injuste, d’autant que plusieurs d’entre eux ont bénéficié du Freight Rebate Scheme, un plan d’aide financé par les fonds publics. « C’est l’argent des contribuables qui a servi à soutenir beaucoup de commerçants pendant les moments difficiles, et aujourd’hui, on ne voit même pas de retour d’ascenseur… » dénonce-t-il.
Il est rejoint par un observateur aguerri de la chaîne de distribution locale. « Dans une économie libre où le système de l’offre et la demande fonctionne correctement, les opérateurs qui font de grosses marges doivent retourner une partie au consommateur et cesser de le plumer, alors que la crise du Covid-19 et du fret est désormais loin derrière nous », dit-il.
Malgré l’introduction du salaire minimum, la compensation salariale de Rs 1 000 Across the Board accordée en janvier par le gouvernement, les fins de mois restent difficiles. « Quand il s’agit d’augmenter les prix, ils sont toujours rapides, mais quand les prix devraient baisser, ils devraient au moins les réajuster. Mais au lieu de cela, on nous sert toutes sortes de prétextes », lâche un consommateur désabusé, qui s’en remet à la nouvelle ministre du Commerce, Dorine Chuckowry, pour trouver une solution.
Quoi qu’il en soit, la seule planche de salut pour combattre la cherté des produits importés dans les rayons des supermarchés reste le développement de la production agricole et la transformation des fruits et légumes afin de créer à terme les conditions menant à l’autosuffisance alimentaire et réduire la dépendance des produits importés. Entre-temps, dans les milieux des grandes surfaces, on affirme noter la confirmation d’un Shift majeur vers des produits de moyenne et basse gamme, quitte à faire des sacrifices sur la qualité.
« Pour leur survie financière, les clients délaissent les marques avec lesquelles ils ont été fidèles pendant des années, pour se trouver vers les marques distributeurs et marques nettement plus accessibles », laissent entendre des spécialistes du commerce au détail.

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