CONSTRUCTION — Changement climatique : Les fabricants d’agrégats s’intéressent à la cause environnementale

Vinesh Chintaram, CEO Visio Architecture, : « Nous sommes très peu résilients à Maurice »

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Depuis plus de trois ans, les fabricants de matériaux de construction à Maurice se penchent sur la question de préservation de l’environnement, et ce, à un moment où le pays lutte contre les effets du changement climatique. Cette industrie, qui utilise la roche volcanique comme matière première, concède que le stock de cette ressource pourrait s’épuiser. D’où la nécessité de se tourner vers d’autres matériaux. La Building Materials Manufacturers Association, bénéficiant de la collaboration de Gamma Materials Ltd, United Basalt Products Ltd, Beemanique Stone Crusher Ltd et Eastern Stone Crusher Ltd, s’attribue de mandat au nom de la préservation de l’environnement?

La Building Materials Manufacturers Association regroupe des professionnels du secteur de l’industrie des matériaux. Sa vocation est de représenter ses membres auprès des autres partenaires du secteur de la construction et des institutions publiques pour relever des défis. Et l’un des défis du secteur est l’utilisation durable des roches, surtout à un moment où le volume des matériaux utilisé à Maurice connaît une hausse.

« La roche est une ressource naturelle locale. Elle constitue un stock physiquement déterminé comme toutes les ressources naturelles. Son renouvellement se fait à l’échelle géologique. On peut considérer que ce stock est fini », note Frédéric Polenne, président de la BMMA. Les agrégats sont fabriqués par les quatre concasseuses réunies sous la BMMA. D’ailleurs, c’est la roche basaltique qui est utilisée à Maurice. Le sable de roche est aussi utilisé dans la fabrication du béton. Mais pour le président de la BMMA, personne ne peut dire que « le basalte n’est pas abondant à Maurice ». Il est présent partout mais son stock diminue à cause de son utilisation.

« Depuis 1980, notre consommation de roches a été multipliée par cinq, passant d’un million de tonnes à six millions de tonnes annuellement depuis ces six dernières années. C’est dix fois la quantité de sucre qu’on exporte annuellement », a-t-il fait ressortir. Le ratio de cinq tonnes par habitant, selon lui, est comparable à celui des pays avancés. La consommation de matériaux pour la construction à Maurice s’élève à cinq tonnes par habitant chaque année. « C’est un rythme qui devrait se maintenir dans le même ordre de grandeur », a-t-il dit, tout en ajoutant que « le stock de la roche que nous consommons ne fait que diminuer ».

La roche utilisée dans la fabrication des agrégats provient des rochers prélevés dans les champs de canne. Avec la surface de la canne qui diminue, dira Frédéric Polenne, une bonne partie des roches a été enlevée avec les opérations d’épierrage. « On peut prévoir que la quantité de roches produite par les champs de canne ne fera que baisser à partir d’un certain moment. » Et de souligner que le développement durable de l’industrie de la fabrication des matériaux passe par la gestion durable de la roche.

« Notre objectif à long terme est d’assurer la pérennité de la disponibilité de la roche à Maurice pour soutenir les besoins de la construction. ». Des besoins élevés en ce moment.

La construction utilise plusieurs matériaux mais la roche est la ressource la plus importante. Elle est la seule qui est obtenue sur place à Maurice. « Il est très important de gérer durablement cette ressource. Il faut être vigilant et préserver notre capacité d’exploiter cette ressource dans de bonnes conditions pour éviter d’avoir à importer des millions de tonnes de matériaux de substitution qui auraient un coût très élevé », dit-il.
Pour que la production de matériaux locaux soit durable, Frédéric Polenne a avancé que l’industrie des matériaux de construction doit relever plusieurs défis. « Nous devons nous donner les moyens de maintenir les capacités de production et rendre les installations de concassage plus acceptables par la population et plus respectueuse de l’environnement. » Le premier est d’assurer que la capacité de production actuelle est maintenue. Ensuite, il demande à faire du transport des matériaux un secteur économique « plus moderne et moins consommateur d’énergie » en supprimant la surcharge et en améliorant la qualité des routes pour faire progresser la flotte de véhicules utilisée. « C’est le deuxième défi de notre industrie. » L’introduction des technologies nouvelles afin de perfectionner les produits est aussi l’un des points évoqués par le président de la BMMA afin d’avoir des solutions plus performantes pour le secteur. Il souhaite la préservation des zones d’extraction des roches et croit aussi que l’utilisation de l’espace est une « compétition féroce » entre l’urbanisation et les espaces naturels à protéger.

De son côté, Shirley Ha-Shan de la BACECA a fait ressortir que la préservation des ressources naturelles demeure la pierre angulaire pour une construction durable. Elle a cité des chiffres pour démontrer de quelle manière la construction verte diminue, entre autres, les émissions carbone. Et d’avancer que l’investissement du gouvernement dans le secteur de la construction pour les cinq prochaines années nécessitera plus de matériaux de construction, de la main-d’œuvre et des ressources.

Pour elle, l’industrie de la fabrication des matériaux de construction doit relever plusieurs défis dont l’accessibilité et la disponibilité des matières premières, les considérations environnementales, l’impact social et l’intégration des projets de développement, la concurrence féroce avec les entrepreneurs étrangers, la nécessité de protéger et promouvoir le contenu local, et le manque croissant de la main-d’œuvre locale. Elle a dit souhaiter que la BMMA et la BACECA travaillent ensemble pour des bénéfices à long terme.

« Avoir des dialogues entre les parties prenantes »

Vinesh Chintaram, CEO Visio Architecture, a fait un exposé sur la conception d’un avenir durable. La question que se pose cet architecte est comment développer la résilience. « Nous sommes très peu résilients à Maurice. Dès qu’il y a un choc, nous sommes quasiment paralysés », a-t-il dit. L’architecte est d’avis que la résilience est l’élément de base pour le secteur de la construction. Il demande que l’échange entre les parties prenantes débute pour que la résilience du pays soit assurée. Pour développer de la résilience, « il se demande par quoi commencer ». D’où la nécessité d’avoir des dialogues entre chaque partie prenante.

Faisant l’historique de l’évolution de l’habitat de l’homme, il a souligné qu’en l’espace de quatre siècles, l’homme a connu une évolution extraordinaire. Les ressources naturelles ont été exploitées depuis le bois jusqu’à l’utilisation des roches basaltiques. Prenant en considération la superficie de Maurice qui n’est que de 2 000 km2, il estime « qu’évoluer dans un espace pareil n’est pas chose facile par rapport à la taille du continent africain », qui est de 15 millions fois plus grand que nous. « Si on parle de matériaux de construction à Maurice, nous avons des limitations car, au final, nous importons tout », a-t-il dit. Et de se demander ce qu’on fait des matériaux de construction non utilisés.

Dans cette même lignée, il a avancé que plusieurs possibilités sont disponibles en ce moment pour répondre aux attentes dans le domaine de la construction. « Mais nous sommes confrontés à un défi important à Maurice car nous sommes exposés aux conditions cycloniques », a-t-il fait ressortir. La résistance aux cyclones est un enjeu majeur pour cet architecte. Et de préciser que les matériaux de construction n’ont pas été assez solides dans le passé. Mais depuis ces dernières 50 années, les maisons sont construites essentiellement en béton. Il a avancé que l’évolution du secteur est importante, mais s’est demandé « si ce qui a été réalisé ces dernières 50 ans est toujours d’actualité ».

Pour sa part, Kavy Ramano, ministre de l’Environnement, a déclaré que la contribution du secteur des matériaux est de 17 % dans le secteur de la construction. Le choix du matériau, a-t-il dit, est influencé par différentes contraintes. « Le secteur de la construction a souvent été sujet de nuisance environnementale », a-t-il dit. Et d’ajouter que les concasseuses sont considérées comme hautement polluantes. Il a cité aussi la problématique des habitations qui s’approchent des concasseuses.

« Nous chercherons à utiliser des matériaux de construction recyclés et durables avec les parties prenantes concernées », a-t-il dit concernant le plan stratégique pour l’environnement. Les roches de basalte, selon lui, sont de moins en moins utilisées. Et il estime que si des alternatives ne sont pas trouvées, l’industrie de la construction fera face à des difficultés à l’avenir. Mais la résilience de nos infrastructures, a précisé le ministre, doit être prise en compte, étant donné que Maurice est classée parmi les pays les plus vulnérables au changement climatique.

Le secteur de la fabrication des matériaux de construction emploie 35 000 employés. Plus de 6 millions de tonnes d’agrégats sont produites chaque année pour une valeur de Rs 3 milliards.

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QUESTIONS À – Frédéric Polenne : « La technologie nous aide à réduire les nuisances »

Depuis quand le secteur de la fabrication des matériaux de construction s’est intéressé à la cause environnementale ?
Collectivement, nous avons pris en compte la cause environnementale depuis la création de la BMMA. Cela fait déjà trois ans qu’on discute et se réunit pour fixer notre ambition. Je pense aussi que dans la tête de chaque acteur économique et individuel, c’est quelque chose qui est beaucoup plus présent. Notre force est de parler d’une seule voix et de porter des sujets de façon plus dynamique tout en étant une association qui représente le secteur.

Les concasseuses polluent l’environnement. Avez-vous déjà un plan pour diminuer la pollution, étant donné la vulnérabilité de Maurice face au changement climatique ?
Nous avons recours à la technologie. L’exploitation de la roche est archaïque car elle existe depuis des lustres. La technologie nous aide dans cette activité de manière plus respectueuse de l’environnement. Nous avons de nouvelles machines qui font moins de poussière, de bruit et qui consomment moins d’énergie. La technologie nous aide à réduire les nuisances.
Nous avons des appareils qui peuvent aspirer autour d’une machine pour capter la poussière. On fait de l’isolation pour que le bruit n’aille pas vers l’extérieur. Ce travail a déjà commencé. Les grandes stations de concassage s’équipent pour avoir du matériel plus performant qui permet de diminuer ces nuisances.

Le pays est devenu un chantier à ciel ouvert. À un moment où nous parlons de la limitation du stock de roches, arriverez-vous à répondre à la demande du marché ?
Depuis quelques années, le marché est devenu très dynamique à cause des projets d’infrastructures. Il y a des projets qui sont très voyants et nécessitent beaucoup de matériaux. L’industrie fait face à cette demande. Comme ces matériaux sont produits dans de grandes stations de concassage, il n’y a pas de nuisance. Nous avons les moyens de tout gérer.

Qu’en est-il des alternatives à la roche, dont le stock diminue année après année ?
Nous nous focalisons sur le recyclage. Nous avons déjà extrait une quantité de roches qui se trouvent dans les bâtiments aujourd’hui. Ces roches ne sont pas disponibles tant que les bâtiments ne sont pas détruits. Mais l’évolution de l’urbanisme nous fera entrer dans une phase où les bâtiments seront démolis pour qu’on ait des bâtiments modernes et qui s’adaptent à nos besoins. Un moment viendra où nous démolirons les vieux bâtiments pour des bâtiments qui répondront à notre demande.
Nous ne devons pas rater cette transformation mais faire attention à la démolition afin de bien récupérer les matériaux et ne pas les perdre dans la nature. Aujourd’hui, nous ne savons pas quoi faire après les démolitions et on s’en débarrasse bêtement. Il faut qu’on crée les facilités pour récupérer et transformer ces matériaux en d’autres produits.

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