Démocratie : Maurice a-t-elle une presse libre ?

La liberté de la presse est révélatrice de la santé démocratique d’un pays. Cette année, la Journée mondiale de la démocratie a été l’occasion pour l’ONU de mettre en relief l’importance d’une presse libre dans une démocratie. « Sans liberté de la presse, la démocratie ne peut survivre » a déclaré le secrétaire général, Antonio Guterres. La presse est en effet connue pour jouer un rôle de garde-fou et, si elle est libre, elle doit pouvoir communiquer des informations sans fard sans crainte de représailles. Qu’en est-il à Maurice ?

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Padma Utchanah, présidente du Ralliement citoyen pour la patrie (RCP), est d’avis que « si nous avons une certaine liberté à Maurice, elle ne répond pas suffisamment au standard d’un pays démocratique ». Elle regrette qu’il existe une culture de la peur à Maurice. « Les gens, beaucoup, ont peur de représailles, peur d’être marginalisés, etc. Du coup, les gens ne s’expriment pas. » Se basant sur des exemples concrets, elle conclut que « notre démocratie est juste irréelle, fake ». Elle souhaite que « les citoyens disent ce qu’ils pensent et participent spontanément aux débats publics. Ils ne doivent pas attendre le mot d’ordre des dirigeants politiques. C’est aux citoyens de prendre en main l’exercice démocratique, et c’est ainsi qu’il y aura plus de démocratie. »

Dev Sunnasy, co-leader de Linion Pep Morisien (LPM), avait mis sur pied en décembre dernier la Plateforme pour la liberté d’expression pour dénoncer la nouvelle IBA Act. Il considère que les institutions ne fonctionnent plus. « Est-ce qu’à Maurice on peut avoir une émission comme les Guignols de l’Info ? » se demande-t-il. Comme Padma Utchanah, il regrette « cette frayeur qu’il y a dans la population instaurée par tous les partis au pouvoir. » Ce qui l’amène à dire : « nous sommes bien loin d’une démocratie ! Dans une démocratie, la population a le droit de savoir. Or, la population n’a jamais eu le droit de savoir. Plusieurs pays à travers le monde ont déjà une Freedom of Information Act, mais pas à Maurice. »

Chef du département de droit à l’Université de Maurice, Rajen Narsinghen fait ressortir que « la liberté de la presse est un peu la mère de toutes les libertés ». Pour lui, « notre démocratie, comme nos institutions, est une parodie ». De tout temps, rappelle-t-il, il y a eu des tentatives de museler la presse. « En 1984, des journalistes avaient été arrêtés. Sous divers gouvernements, que ce soit le Ptr, le MMM, le PMSD, on n’a parfois pas bien traité la presse. » Il condamne le fait « qu’on donne des publicités à certains journaux proches du pouvoir et d’autres plus objectifs ou anti-régime ne reçoivent pas de publicité ». Il ajoute : « c’est grave, car c’est l’argent public qui devrait être distribué équitablement. C’est une forme d’oppression subtile et on étrangle financièrement ces journaux. »


PADMA UTCHANAH (RCP) : « Pas suffisamment au standard d’un pays démocratique »

La Journée mondiale de la démocratie a été observée le 15 septembre. L’ONU met l’accent cette année sur la liberté de la presse. Son secrétaire général, Antonio Guterres, a dit : « Sans liberté de la presse, la démocratie ne peut survivre. Sans liberté d’expression, il n’y a pas de liberté tout court. » Comment situez-vous Maurice par rapport à ces valeurs démocratiques ?
Nous avons une certaine liberté, mais une liberté qui n’est pas suffisante, qui ne répond pas suffisamment au standard d’un pays démocratique. Pour l’illustration : Maurice est un de très rares pays au monde, avec la Corée du Nord, où l’État, entendons le gouvernement, exerce un monopole sur l’information télévisée locale. C’est la télévision d’État ! Un autre domaine, tous les juristes nous bassinent, à tort à mon sens, avec l’idée qu’une fois qu’une Cour de justice est saisie d’une affaire, l’on ne peut plus l’évoquer dans la presse parce que Sub Judice. C’est encore une atteinte à la liberté d’expression. Autre exemple, c’est quoi la liberté d’expression alors que nous n’avons pas le droit de manifester lorsque l’Assemblée nationale siège ? Enfin, la criminalisation de la diffamation n’est pas adaptée aux exigences de la liberté d’expression.

D’après le dernier sondage d’Afrobarometer en juin dernier, seulement 32% des Mauriciens sont « plutôt satisfaits » ou « très satisfaits » de la façon dont fonctionne la démocratie à Maurice. Près de la moitié des citoyens sondés (49%) décrivent Maurice comme « n’étant pas une démocratie » ou une « démocratie avec des problèmes majeurs ». Votre évaluation, vous, de la santé démocratique du pays ?

Notre démocratie est juste irréelle, Fake. La démocratie ne se résume pas seulement à la tenue des élections une fois tous les cinq ans. La démocratie, c’est un ensemble. C’est considérer que c’est le peuple qui est souverain en matière politique. Et ainsi, il faut l’organiser. La démocratie doit être mise en œuvre, favorisée dans toutes les sphères de la vie politique.

Nous sommes loin de tout cela. Regardons au sommet de l’État : le président de la république souffre d’un déficit démocratique énorme. Il n’est pas élu. Pire, le président de l’Assemblée nationale, le président des élus, n’est pas, lui aussi, élu.
Regardons maintenant le droit des citoyens mauriciens de s’engager dans les débats politiques : les fonctionnaires sont exclus du droit de s’exprimer, même avec des réserves relevant de leur fonction, dans le débat politique et électoral ou partisan. Les salariés des entreprises publiques subissent dans la réalité la même interdiction. Les salariés du privé subissent souvent, de leurs patrons respectifs, une interdiction, du moins une pression, pour ne pas s’engager en politique, voulant éviter de subir des représailles des organes de l’État (MRA, ICAC, CCID, etc.)

Ne parlons pas du droit de vote des citoyens mauriciens, qui se trouvent à l’étranger. Dans les vrais pays démocratiques, on organise le vote des citoyens de l’étranger. Les partis politiques, ces organisations qui concourent à l’expression démocratique, n’ont pas à Maurice d’existence légale pour pouvoir, par exemple, avoir un compte bancaire, avoir une comptabilité, avoir une réelle organisation autonome de ses dirigeants. Non, notre démocratie, comme nos institutions, est une parodie.

D’après la Constitution, Maurice est un État démocratique. Le pays a-t-il déjà vécu vraiment cette démocratie telle que décrite dans la Constitution ou sommes-nous toujours en processus vers une démocratie ?
Nous sommes en régression démocratique, même si nous le ressentons moins ou pas en raison de l’avènement de l’Internet, des réseaux sociaux et cette capacité donnée à tout le monde d’intervenir publiquement sur tout. Mais regardons les réformes effectuées par les dirigeants : en 1996, le tandem Ramgoolam/Bérenger décide de faire du Speaker un non élu, quelqu’un que la majorité pourrait choisir en toute discrétion. Regardons la lourdeur de plus en plus accrue pour organiser une manifestation à Maurice.

Quels sont pour vous les éléments clés d’une démocratie ?
C’est un ensemble, un attachement profond des citoyens à faire respecter la démocratie. À Maurice, hélas, il y a trop la culture de la peur. Les gens, beaucoup, ont peur, peur des représailles, peur d’être marginalisés, etc. Du coup, les gens ne s’expriment pas.

Aussi, en contrepartie, il y a ceux qui s’expriment hors du cadre démocratique, avec des insultes, des attaques sur la personne, son physique, sa famille ou des remarques sexistes. Or, rien n’est fait pour protéger l’exercice de la liberté d’expression. La police n’arrive pas à retracer les auteurs anonymes d’insultes, d’incitation au viol, au crime à l’encontre de celles et ceux qui s’expriment dans le respect du cadre démocratique.

On pointe souvent les gouvernements quand la démocratie est bafouée, mais les citoyens ont-ils aussi leur rôle à jouer dans le maintien de la démocratie ?
Oui, les citoyens ont un rôle, un devoir, mais en même temps le citoyen est le produit du régime, de ce que le régime a façonné. Si la démocratie et les institutions ne sont pas enseignées à nos jeunes, ils ne comprendront pas la signification profonde de ces termes, des valeurs qu’ils comportent. C’est cela une république, c’est l’organisation publique des valeurs.

De quelle manière peuvent-ils participer pour faire vivre la démocratie ?
Il faut que les citoyens s’expriment de manière autonome. Qu’ils disent ce qu’ils pensent et participent spontanément aux débats publics. Ils ne doivent pas attendre le mot d’ordre des dirigeants politiques. C’est aux citoyens de prendre en main l’exercice démocratique, et c’est ainsi qu’il y aura plus de démocratie.

Le mot de la fin…
Notre déficit en démocratie fait que nous devenons une société conservatrice, à contre-courant…


DEV SUNNASY (LPM) : « Pour moi, nous sommes bien loin d’une démocratie »

DEV SUNNASY

La Journée mondiale de la Démocratie a été observée le 15 septembre. L’ONU met l’accent cette année sur la liberté de la presse. Son secrétaire général, Antonio Guterres a dit : « Sans liberté de la presse, la démocratie ne peut survivre. Sans liberté d’expression, il n’y a pas de liberté tout court. » Comment situez-vous Maurice par rapport à ces valeurs démocratiques ?
Déjà, il y a eu le l’Independent Broadcasting Authority (IBA) Amendment Bill voté en novembre 2021. C’est évident qu’il y a une épée de Damoclès sur certains médias, y compris sur des journalistes qui ne peuvent émettre leurs opinions au risque de mettre leur entreprise en danger. Ce qui fait que quelque part, l’information est filtrée. Il s’agit de sanctions aléatoires liées à l’IBA Act. La chaîne de télé nationale – j’assume ce que je dis – passe souvent des “Fake News” ou déforme la réalité. L’IBA ne fait rien en contrepartie. Les institutions ne fonctionnent plus. Est-ce qu’à Maurice nous pouvons avoir une émission comme Les Guignols de l’Info ? Nous ne pouvons faire d’émissions satiriques.

Dire qu’il y a la liberté de la presse à Maurice, ce n’est donc pas encore ça pour vous…
Ce n’est pas cela du tout. En tout cas, d’un point de vue personnel, ce n’est pas comme cela que je vois la liberté de la presse et des médias. Ceux-ci ne font pas non plus des débats d’idées. Les radios, qui ont encore plus de responsabilités. Pour moi, donc, quand le Premier ministre se permet d’attaquer les journalistes, il met une pression automatique sur eux. De l’autre côté, comment vivent les médias ? De la publicité. Donc, quand on boycotte un journal, par exemple, ce sont des revenus en moins. Ce qui a pour conséquence des journalistes en moins, des journalistes de qualité en moins. La presse a la responsabilité d’informer la population. C’est le relais. In fine, c’est la population qui en souffre quelque part.

D’après le dernier sondage d’Afrobarometer en juin dernier, seulement 32% des Mauriciens étaient « plutôt satisfaits » ou « très satisfaits » de la façon dont fonctionne la démocratie à Maurice. Près de la moitié des citoyens sondés (49%) décrivaient Maurice comme « n’étant pas une démocratie » ou une « démocratie avec des problèmes majeurs ». Votre évaluation, vous, de la santé démocratique du pays ?

Je reprendrais cette fameuse phrase de Steven Obeegadoo, qui disait que Maurice est une démocratie bancale. Cette frayeur qu’il y a dans la population instaurée par tous les partis au pouvoir. Actuellement, c’est le summum. Les gens ont peur de leur ombre. Ils ont peur de donner leur opinion.

Quant aux fonctionnaires, n’en parlons pas ! En France, les fonctionnaires peuvent se permettre de faire une manif. Ici, c’est hors de question. Il y aura des représailles sur la famille : pas de promotion, perte d’emploi, etc. C’est donc une politique de la peur. Si c’est cela une démocratie, eh bien, il y a un problème.

D’après la Constitution, pourtant, Maurice est un Etat démocratique. Le pays a-t-il déjà vécu vraiment cette démocratie telle que décrite dans la Constitution ou sommes-nous toujours en processus vers une démocratie ?
Pour moi, nous sommes bien loin d’une démocratie ! Dans une démocratie, la population a le droit de savoir. De mon point de vue, on n’a jamais vécu une vraie démocratie. Du moins est-ce ma conception, car c’est censé être pour le peuple et par le peuple. Or, la population n’a jamais eu le droit de savoir. Plusieurs pays à travers le monde ont déjà une Freedom of Information Act, mais pas à Maurice. Ceux au pouvoir font ce qu’ils veulent avec les fonds publics et la population n’a pas le droit de savoir ce qu’on en fait. Les députés ont été élus pour représenter les électeurs. Nous sommes dans une démocratie représentative, mais qui ne fonctionne pas du tout.

Quels sont pour vous les éléments clés d’une démocratie ?
Nous parlons de quatre piliers : le Parlement, le judiciaire, l’exécutif et les médias. Un exemple : le chef de l’État, c’est le président de la république. Il est garant de la Constitution. Il doit s’assurer que les institutions fonctionnent correctement. Mais il ne fait rien.

Un exemple concret décrit par la Constitution : le découpage électoral. Les circonscriptions doivent avoir plus ou moins le même nombre d’habitants. Or, il y a des circonscriptions qui ont 60 000 électeurs alors que d’autres, 19 000. Au No 3, nous avons cinq députés qui représentent 19 000 électeurs et au No 5, trois députés pour 60 000 électeurs. Dans une démocratie, ce n’est pas possible. Pour moi, donc, il y a beaucoup de choses à revoir. Puis, dans une démocratie moderne, en 2022, il n’y a même pas de télé privée.

On pointe souvent les gouvernements quand la démocratie est bafouée, mais les citoyens ont-ils aussi leur rôle à jouer dans le maintien de la démocratie ?
Les citoyens sont les premiers responsables. C’est là où est le rôle des médias : présenter à égalité les différents partis politiques avant les élections. Ce serait bien que les médias comparent les propositions de tous les partis, en faire des débats. Dans le menu politique aujourd’hui, on retrouve des leaders qui sont là depuis plus de 38 ans, 31 ans. Le député élu à chaque fois à Rose-Hill, est-ce qu’il a changé la vie des citadins ? Il y a des trous partout. Nous ne l’entendons jamais. Est-ce qu’il représente la ville ? Ce modèle de démocratie représentative ne fonctionne pas.

Les citoyens ont aussi un rôle à jouer au niveau du vote…
Ils ont effectivement cette responsabilité.

Êtes-vous pour le référendum dans les prises des décisions du pays ?
Je suis pour le référendum pour les questions extrêmement importantes, mais je suis bien plus pour une démocratie participative dans le gouvernement local, c’est-à-dire que les citoyens ont leur mot à dire, car là encore, on vote pour des conseillers qui font comme ils veulent, comme dans le gouvernement central. Il faudrait un conseil des citoyens dans les mairies et les conseils de district.

Le mot de la fin…
Tout est entre les mains des citoyens. Ils doivent choisir entre un système existant depuis des décennies et une démocratie moderne.


RAJEN NARSINGHEN (Lecturer) : « La mère de toutes les libertés »

La Journée mondiale de la démocratie a été observée le 15 septembre. L’ONU met l’accent cette année sur la liberté de la presse. Son secrétaire général, Antonio Guterres, a dit : « Sans liberté de la presse, la démocratie ne peut survivre. Sans liberté d’expression, il n’y a pas de liberté tout court. » Comment situez-vous Maurice par rapport à ces valeurs démocratiques ?

La liberté de la presse est un peu la mère de toutes les libertés. Si vous n’avez pas le droit de parler, comment exercer la liberté de mouvement ? Dans d’autres pays, la liberté de la presse et la liberté académique sont vues comme une liberté encore plus poussée. Il y a certes des lois que la presse et les académiques doivent respecter : pas de diffamation, etc.

Mais, de tout temps, il y a eu des tentatives de museler la presse. En 1984, des journalistes avaient été arrêtés. Sous divers gouvernements, que ce soit le PTr, le MMM, le PMSD, on n’a parfois pas bien traité la presse. Mais Maurice était longtemps connue en Afrique comme détenant la première place. Les journalistes aussi doivent être responsables. Il faut vérifier et contre-vérifier.

On dit que les journaux peuvent écrire ce qu’ils veulent. Mais quand le Premier ministre tient une conférence de presse, c’est dans un bâtiment public, c’est l’argent public. On ne peut empêcher des journalistes – peu importe leur couleur politique – d’y avoir accès. On donne aussi des publicités à certains journaux proches du pouvoir et d’autres plus objectifs ou anti-régime ne reçoivent pas de publicité. C’est grave, car c’est l’argent public qui devrait être distribué équitablement. Pour moi, c’est une forme d’oppression subtile et on étrangle financièrement ces journaux. Plus importante encore, les sources des journalistes doivent être protégées.

Faudrait-il une nouvelle loi pour améliorer les choses ?
Les lois sont là, mais le problème réside dans l’implémentation. Il y a quelques lois que Geoffrey Robertson a recommandé d’abolir, mais nous venons avec d’autres législations encore plus contraignantes. Quand les gens du gouvernement critiquent les anti-régime, la police effectue des descentes des lieux. Quand Shakeel Mohamed a été insulté, la police n’a rien fait. Dans l’affaire d’Akil Bissessur, rien n’a été fait dans le sillage de la fuite de la vidéo intime. Les lois sont là pourtant, mais au niveau de l’implémentation, il y a une politique de deux poids, deux mesures de la police.

D’après la Constitution, Maurice est un Etat démocratique. Le pays a-t-il déjà vécu vraiment cette démocratie telle que décrite dans la Constitution ou sommes-nous toujours en processus vers une démocratie ?
J’étais en Côte d’Ivoire, traditionnellement moins démocratique que Maurice. Mais quand je regardais la télé là-bas, je voyais plus ou moins un équilibre entre l’opposition et le gouvernement. En termes d’abus au niveau de la chaîne de télé nationale, c’est pire que certains pays africains. C’est pourquoi ces institutions comme V-Dem octroient de mauvaises notations. Je déplore les Ong qui touchent des subventions et ne donnent pas de bons rapports à ces institutions. Certaines, par manque d’informations, notent positivement. Pendant le confinement, il y a eu des abus au niveau de la liberté de la presse. Reporters Sans Frontières a dû intervenir.

On se souvient que d’après le dernier sondage d’Afrobarometer, en juin dernier, seulement 32% des Mauriciens étaient « plutôt satisfaits » ou « très satisfaits » de la façon dont fonctionne la démocratie à Maurice. Près de la moitié des citoyens sondés (49%) décrivent Maurice comme « n’étant pas une démocratie » ou une « démocratie avec des problèmes majeurs ». Votre évaluation, vous, de la santé démocratique du pays ?
Encore une fois, il y a un problème au niveau du fonctionnement des institutions, que ce soit l’ICAC, les hauts gradés de la police sous contrat. C’est du jamais vu. Il y a ce qu’on appelle la Security of Tenure. Quand vous nommez un commissaire de police, un directeur du NSS, un directeur de la CID, ils doivent avoir les mains libres, un job permanent, et non pas être le joug du Premier ministre en place.

L’Electoral Supervisory Commission a été critiquée pour manipulation, mais le gouvernement ne fait rien. Un des éléments que le juge Glover avait précisés : la démocratie inclut des Free and Fair Elections. Il faut presque oublier les Free and Fair Elections à Maurice. La Cour suprême aussi ne fait rien face à toutes ces allégations de dépenses. Elle reconnaît par exemple que la MBC a fait des abus, mais que cela n’a pas influé le vote des électeurs… Mais comment peut-elle se mettre à la place des électeurs ? Donc, même la Cour suprême adopte ce que j’appelle une posture très conservatrice à Maurice.

Au Kenya, en 20-30 jours, ils donnent leur verdict. A Maurice, après trois ans, on n’a pu donner des verdicts dans certains cas. Je n’attaque pas l’intégrité des juges, mais il y a un problème systémique. Il faut des amendements fondamentaux.

On pointe souvent les gouvernements quand la démocratie est bafouée, mais les citoyens n’ont-ils pas aussi leur rôle à jouer dans le maintien de la démocratie ?
Pour le moment, il y a un climat de frayeur. Les gens ont peur de protester après l’épisode du Wakashio. Il y a deux facteurs : d’abord, ils se disent qu’après des manifs de 75 000 personnes, rien ne se passe, le gouvernement est sourd. Ensuite, il y a la frayeur quand ils voient Darren L’Activiste, qui a été écroué pendant deux semaines, et ses enfants qui ont souffert. Personne n’est allé au secours de ce jeune homme. Quand le gouvernement donne des facilités, comme l’augmentation de pension, les gens oublient la démocratie. Pour eux, la démocratie, c’est pour les intellectuels.

Il y a tellement de scandales qu’on oublie les anciens. Des gens ont été tabassés par la police et tout le monde a pu les voir sur vidéo. Quelles actions y a-t-il eu dans ces cas et dans l’affaire Gaiqui ?

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