Démolition de gros obstacles à l’écoulement de l’eau : Vers un grand coup d’accélérateur ?

Le bâtiment KFC et les aires de stationnement de Rogers sous le feu des projecteurs

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La destruction d’un partie des structures en béton recouvrant le Ruisseau du Pouce, où une dizaine de marchands opéraient depuis 2006 avait été effectuée en novembre dernier. La mairie préfère attendre le jugement de la Cour suprême lié à la contestation de 50 ex-colporteurs pour détruire l’autre partie du béton jouxtant le Jardin de la Compagnie. La mairie entend ainsi suivre à la lettre les recommandations déposées le 29 décembre 2015 par la Senior Magistrate Ida Dookhy-Rambarun, à qui il incombait la tâche de présider l’enquête judiciaire sur les causes ayant conduit aux inondations meurtrières survenues à Port-Louis en 2013. Le bâtiment du fast-food KFC, sis rue La Chaussée, et les aires de stationnement de Rogers & Co Ltd doivent aussi être démolis. Mais quand ? Histoire de ne pas faire du deux poids deux mesures. Le lord-maire, Mamode Isoop Nujurally, soutient ne pas avoir pris connaissance du dossier… sept mois après son intronisation.

Le 29 décembre 2015, soit après vingt et un mois d’enquête menée au niveau judiciaire, la Senior Magistrate de la Cour de district de Port-Louis Ida Dookhy-Rambarun dépose son rapport, riche d’enseignements, sur les circonstances entourant les inondations du 30 mars 2013. Après avoir écouté une centaine de témoins de divers horizons, elle dévoile ses conclusions dans son rapport rédigé en 441 lignes sur 16 pages, dont une vingtaine consacrées à des recommandations. La State Property Development Co. Ltd (SPDC), en collaboration avec Rogers & Co Ltd, avait construit, dans les années 1990, un parking vis-à-vis de Rogers House sur un water course. Ces structures demeurent plus que jamais un gros obstacle à l’écoulement de l’eau, en témoigne la catastrophe sans précédent survenue aux rues Poudrière et Chaussée.
Le rapport de la Senior Magistrate avait mis l’accent sur la quantité considérable d’eau ayant dévalé de la montagne des Signaux. Le Ruisseau du Pouce, une des principales voies d’évacuation d’eau vers la mer dans la Cité de Port-Louis et qui a été aménagée depuis le début de la colonie, n’avait pu contenir, selon elle, toute la masse et l’eau avait débordé sur les rues en courants meurtriers et dévastateurs. Cette analyse revient sur le tapis après les inondations de lundi, et est étayée par des images relayées sur la toile.
« Pas de
concession »
Après des années de tergiversation, la mairie de Port-Louis a donné un coup d’accélérateur à la démolition des structures épinglées dans le rapport, quand bien même une vingtaine de marchands refusent d’évacuer le site du Ruisseau du Pouce, sis du côté du Jardin de la Compagnie. La mairie laisse entendre qu’en l’absence d’un ordre de la Cour, les autorités peuvent détruire les étals des marchands n’opposant pas de résistance. C’est ce qu’elle a fait en démolissant les structures en béton située en face du supermarché Winners.
Et quid de la destruction des bâtiments de KFC, à la rue La Chaussée, et les aires de stationnement de Rogers & Co Ltd qui figurent en première ligne des recommandations de la Senior Magistrate Ida Dookhy-Rambarun ? Ces deux emplacements demeurent sous le feu des projecteurs pour des raisons évidentes et les spéculations vont bon train sur les réseaux sociaux, où les mauvaises langues évoquent « les réticences » de la mairie à démolir les biens appartenant à ces deux mastodontes. Des rumeurs balayées d’un revers de la main par le lord-maire Mamode Isoop Nujurally : « Nous suivrons les recommandations à la lettre. Il n’y aura pas de concession. Les structures du Ruisseau du Pouce, KFC et le parking de Rogers seront démolis. Et moi je suis à 100% pour ces démolitions pour la sécurité des citadins. » Quand seront-elles détruites ? La question est sur toutes les lèvres. Mamode Isoop Nujurally confie ne pas savoir quand ce sera le cas. « Le Chief Executive de la mairie a forcément la réponse, mais je n’ai pu le joindre », dit-il.
Le lord-maire soutient par ailleurs que d’autres structures aménagées illégalement, selon lui, sur les drains construits à l’époque coloniale devraient faire l’objet de motions pour ordonner leur démolition. Il évoque notamment les pavés en béton aménagés par le supermarché Winners devant son bâtiment à la rue Poudrière.Le rapport de 1979
Le témoignage de l’historien et archiviste Georges Lewis Easton, qui avait été approché par le DPP, a permis de porter un éclairage sur les circonstances ayant mené à des risques d’inondation dans la capitale. L’historien avait puisé dans des textes historiques d’écrivains, à l’instar d’Auguste Toussaint, afin d’aboutir à un rapport détaillé sur les inondations ayant précédemment affecté l’île et les causes de ces montées drastiques d’eau. Il a produit un rapport, datant de 1979, interdisant formellement de construire des bâtiments près du Jardin de la Compagnie jusqu’au Champ de Mars afin d’éviter des risques d’inondation.
Georges Lewis Easton avait évoqué les débuts de la colonisation française dans l’île lorsque le Jardin de la Compagnie et les ruisseaux du Pouce avaient été construits. Il en découle que le Jardin de la Compagnie était à l’époque un terrain marécageux impraticable et que la communication entre les différentes régions de la capitale était difficile. Le 1er juillet 1979, la construction de la rue La Chaussée, reliant la Government House au Ward 4, avait commencé en proposant de concentrer les eaux émanant des ruisseaux du Pouce derrière l’actuelle rue Poudrière pour qu’elles puissent se répandre vers les rivages aux côtes des Salines.
Des aménagements fustigés par Georges Lewis Easton : « On a fait des choses contre nature et on n’a pas observé cette notion d’équilibre nature-urbanisation. Si vous construisez de droite à gauche, vous obstruerez le passage naturel. Un rapport datant de 1979 avait formellement interdit ces aménagements, mais les autorités n’ont fait qu’à leur tête. »

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