DÉVELOPPEMENT : Les “nouveaux” citadins des villages

Ces dernières années, plusieurs villages ont connu de surprenants développements. Si comme annoncé lors du dernier budget, Highlands se prépare à devenir une Smart city, d’autres villages comme Flacq ou St-Pierre ont déjà pris une bonne longueur d’avance. Un détour dans ces villages révèle des infrastructures modernes, des routes, des aménagements ou la présence de plusieurs complexes commerciaux à faire pâlir certaines grandes villes du pays. Si ces changements sont pour la plupart bien accueillis par les habitants, cela n’empêche pas certains, surtout les aînés, de regretter la disparition de l’authenticité de leur village.
Au fil des années, ils ont été témoins des différentes étapes du développement de leurs villages respectifs. Ils se sont accommodés aux nouvelles infrastructures, ils ont revu leur manière de vivre et ont adopté d’autres habitudes, comme fréquenter des complexes commerciaux, les enseignes de magasins populaires et de prêt-à-porter, des fast-foods, entre autres. En effet, depuis que ces constructions ont poussé dans leur village, la vie de ces villageois n’est plus la même. Pour le meilleur diront certains, ou pour le pire comme le regrettent d’autres.
Smart.
Lisebette Guillaume, 43 ans, a toujours vécu à St-Pierre. Elle a pu voir son village “progresser et se modifier petit à petit, jusqu’à présenter un nouveau paysage”. Et ce qu’elle aime le plus, c’est que ses enfants peuvent aujourd’hui bénéficier d’une meilleure qualité de vie. Sans pour autant renier ses origines de villageoise, elle est fière de mener une vie de citadine. Elle explique que ce changement a pris de l’ampleur avec les différentes phases des développements au niveau d’Helvétia. “Nous avons accueilli de nouveaux habitants, on va dire de high standing et avec eux, notre village s’est transformé grâce à de nouvelles infrastructures. Plus besoin de sortir du village, on trouve tout sur place. Notre village est dorénavant connu, et tous les habitants en profitent et peuvent sortir de la routine.”
D’ici quelques mois, le petit coin, jusqu’ici discret et paisible de Highlands, se retrouvera face à un nouveau challenge. Comme annoncé lors du dernier budget 2015, il a été choisi pour devenir une Smart city. Une annonce qui est loin d’enchanter Farouk Oozheer, un retraité de 79 ans. “D’après ce que j’ai cru comprendre, nous aurons bientôt des développements ici et ça va créer de l’emploi pour les jeunes. Même si à première vue, cela parait une bonne affaire pour notre endroit, j’ai bien peur pour notre tranquillité. À mon avis, les gens deviendront des matérialistes et Highlands devra faire face à des problèmes de circulation et de pollution. Ti bizin al develop plito bann landrwa kot pena nanye. Ziska prezan tou ti pe pass bien, nou tou pe viv bien an kominote. J’ai peur aussi pour les petits commerces de l’endroit, est-ce que ces gens vont résister aux grands. D’avance, on sait que non”.
C’est un sentiment que partage Jimmy Leung. Cet habitant de Flacq a dû se résoudre à se séparer d’une boutique créée par ces parents et mettre la clé sous la porte. Une décision prise à contrecoeur qu’il n’hésite pas à mettre sur le compte de l’arrivée des complexes commerciaux. “Dès qu’on a eu ces grandes enseignes, les gens ont délaissé les boutiques et petits commerces. Face à ces grands noms, nous, les petits commerçants, sommes impuissants. Je ne suis pas contre l’idée des développements parce que je pense à mes enfants et aux avantages qu’ils auront mais je suis triste que ces développements fassent disparaître les petits commerces ainsi que l’histoire du village.” Toujours selon cet ancien boutiquier, il ne reste plus grand-chose de Flacq, ce qui l’amène à se demander “eski ankor kapav apel isi enn vilaz. Mo pa kroir. Je suis heureux de voir des gens venir d’autres endroits de l’île ainsi que des touristes. Néanmoins, ils n’ont plus cette chance de découvrir le village de Flacq comme il était auparavant. Même les jeunes de l’endroit ne s’en souviennent plus”.
Identité.
Justement, en tant que jeunes, Kevin et sa bande d’amis préfèrent s’attarder sur les points positifs des futurs développements. Ces jeunes adultes d’une trentaine d’années attendent avec impatience les premiers coups de pioche qui viendront redessiner Highlands. “Nous sommes fiers que le gouvernement ait choisi notre endroit comme l’une des prochaines Smart cities. Nous n’avons aucun doute que cela va nous redonner un nouveau souffle. C’était un peu mort ici et en tant que jeunes on ressentait un réel manque d’infrastructures et d’activités. Bientôt, nous aurons beaucoup d’opportunité à notre portée.” Même s’ils reconnaissent que Highlands perdra quelque peu son identité, ils sont d’avis qu’il faut “à un moment ou un autre mettre le passé derrière nous et penser à l’avenir.”
Franco, de St-Pierre, va encore plus loin en ajoutant qu’il n’y a pas de quoi d’être triste de se séparer d’anciennes choses. Au contraire, il est reconnaissant envers tous ceux qui ont investi et réalisé des projets. “Mon village a une nouvelle image et je souhaite que d’autres nous emboîtent le pas. Il ne faut plus qu’il y ait de différence entre les citadins et les villageois. Cette barrière doit disparaître progressivement, et je ne peux qu’encourager cela car tous les Mauriciens seront alors sur un même pied d’égalité.”

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