— Des éléments tendent à étayer la thèse d’une contamination par le lixiviat
Révoltant. Le mot n’est pas trop fort pour décrire le sombre tableau qui s’est offert aux yeux des riverains des villages de Mare-Chicose, Riche-en-Eau et Rivière des-Créoles, la semaine dernière, où des eaux usées noirâtres émanant du centre d’enfouissement de Mare-Chicose se sont déversées dans la rivière confluant jusqu’à Rivière des-Créoles… C’est la même rengaine en période de fortes averses. La pollution a atteint son paroxysme en atteste les vidéos édifiantes publiées par le conseiller de village Nitin Jeeha sur les réseaux sociaux. « Le consortium Sotravic/Strata, gestionnaire du site de Mare Chicose avait promis de régler la situation mais c’est la troisième fois depuis 2022 qu’on assiste impuissant à ce désastre écologique », dit-il.
Mare-Chicose et les villages avoisinants… ou la genèse d’un peuple démuni sur lequel le sort s’acharne. Après les épisodes cauchemardesques liés aux volutes de fumée noire et odeurs incommodantes émanant du site d’enfouissement, conséquences des incendies qui ont éclaté sur le site au cours de ces dix dernières années, un autre événement pèse lourd dans la montée des tensions : les eaux usées de Mare-Chicose qui se sont déversées dans la rivière qui serpente les villages de Mare-Chicose, Riche-en-Eau et Rivière des-Créoles, conséquence d’un débordement provoqué par les grosses pluies du 22 et 23 mai dernier… Il y a trois ans, presque jour pour jour, ladite rivière avait connu un incident du même acabit.
Il y aurait un épisode similaire en 2023.
Interpellés par la présence d’un flot d’une substance noire se répandant dans la rivière, des habitants de Riche-en-Eau ainsi que le conseiller Nitin Jeeha ont souhaité en avoir le cœur net. Ce dernier confie que « la couleur anormale de l’eau et la forte odeur nauséabonde qui se dégageait laissaient peu de place au doute sur l’origine des écoulements. On ne s’est pas contenté de spéculer sur la provenance de ce flux. Notre périple a confirmé qu’il émanait du dépotoir de Mare-Chicose. Ce n’est pas la première fois. »
Le duo Sotravic/Strata dans le viseur
Épinglé dans le rapport de Luxconsult, consultant chargé de superviser les opérations et la gestion dudit dépotoir — sur le fait qu’il qu’elle ne disposerait pas d’un arsenal d’équipements modernes et adaptés pour ce genre d’activité —, le consortium, le duo Sotravic/Strata, demeure plus que jamais sous le feu des projecteurs depuis l’incendie qui a éclaté le 6 novembre dernier. De nombreux experts dans le giron tirent la sonnette d’alarme depuis des lustres sur l’ « incapacité du consortium à assurer une gestion efficace d’un centre d’enfouissement truffé d’éléments tels que le méthane, l’oxygène et le plastique qui émanent naturellement des déchets en fermentation. »
Cette accumulation d’eau fétide et toxique, on s’en doute bien, favorise le pullulement d’insectes, en particulier de moustiques, source de nuisances, sauf qu’elle donne lieu à d’autres spéculations, dont l’éventualité que l’abondance du jus de poubelle, connu comme le lixiviat, résultat de l’accumulation de déchets, pourrait avoir contaminé les cours d’eau des villages concernés. Il ne s’agit pas de tirer des conclusions hâtives, mais certains éléments tendent à étayer cette thèse. Luxconsult avait jeté un pavé dans la mare en faisant ressortir que « Sotravic/Strata n’a nullement respecté l’obligation d’évacuer le lixiviat à une fréquence de 6 000 m² par semaine, malgré de nombreux rappels à l’ordre sur le clauses du contrat ». Le gestionnaire a-t-il respecté les recommandations faites par le consultant qui lui a donné un délai au 2 décembre 2024 pour ce faire ? La question est sur toutes les lèvres, d’autant que le site arrive à saturation.
La colère gronde
Se confiant à Week-End, Michel Mesnage, un ingénieur français, spécialisé en ingénierie construction d’usine (thermique et chimie), souligne que « la question et la réponse restent les mêmes que ce soit pour les risques d’incendie et le rejet d’eaux usées. Les centres d’enfouissement sont censés, obligés même, de respecter des protocoles dans l’optique d’analyses approfondies. Comparer les résultats d’analyses aux normes de rejets internationales afin de situer les risques. J’ai déjà insisté sur le fait qu’il fallait une nouvelle zone de stockage pour Mare-Chicose, en préparant le sol avec des casiers, couplée à la procédure nécessaire à une collecte efficace du lixiviat et du biogaz. Est-ce le cas en ce qu’il s’agit de Mare-Chicose ? Le gestionnaire Sotravic possède-t-il suffisamment de camions et d’appareils de pompage nécessaires pour le transfert du lixiviat ? Posons-nous les bonnes questions après l’incident que vous me relatez, dont les autorités ont intérêt à ne pas prendre à la légère face au changement climatique qui pourrait conduire à des épisodes pluvieux plus intenses et fréquents. »
La colère gronde dans les villages affectés par ce sinistre, comme à Riche-en-Eau, où tous les jours, le salaire de certaines familles dépend de cette rivière, en pêchant des chevrettes, des écrevisses et même des anguilles jusqu’à fort tard la nuit pour pouvoir les vendre par la suite. Désormais, tout cet environnement demeure en péril en raison de la négligence de certains. Au contact d’une nature préservée, afin de ressentir la beauté des paysages et évoluer sans artifice dans des conditions exigeantes pour le corps et l’esprit, certaines familles utilisent cette eau pour certaines tâches ménagères.
Ce fâcheux événement aux multiples enseignements est passé sous les radars de l’actualité, pour la simple et bonne raison que la Police de l’Environnement et le ministère de tutelle n’avaient pas été mis au parfum… au sens propre comme au sens figuré ! C’est du moins ce qu’affirme une source au sein de cet organisme. « Cette information a uniquement été relayée sur les réseaux sociaux. Il clair qu’on serait intervenu dans les plus brefs délais pour prélever un échantillon de cette eau des analyses dans le privé afin d’en déterminer la composition si on nous avait appelés. Les témoins de ce genre d’événement doivent absolument téléphoner à la Police de l’Environnement. Les conséquences sur la santé et la sécurité des habitants seront dramatiques dans ce genre de cas. »