DOMAINE DU GRIS-GRIS: Sagiterra tente d’apaiser la colère des habitants

Parce que les habitants de Souillac sont scandalisés, furieux et inquiets par la construction du morcellement résidentiel Le Domaine du Gris-Gris, et que ceux-ci se disent dans le flou en dépit de la réunion d’explication et de concertation entre les promoteurs et les forces vives de Souillac, la compagnie Sagiterra Ltd, promoteur du projet du Domaine de Gris-Gris, et Union SE, propriétaire du terrain, ont convoqué la presse mercredi sur le site du futur morcellement résidentiel. Le but de la rencontre était de présenter le plan de construction du morcellement, d’organiser une visite des lieux et de commenter certains articles de presse et critiques formulées notamment par certains des villageois et membres des forces vives de la région. Après la réunion, ils ont rencontré les habitants.
Denis Lavoipierre d’Union SE, Bernard Desvaux de Marigny, directeur général de Sagiterra, et Selven Perienen, Civil Engineer de la compagnie Kaselor Ltd, ont indiqué vouloir « dissiper tout malentendu et critiques non fondées ». C’est la raison pour laquelle ils ont organisé cette rencontre avec la presse mercredi, au cours de laquelle ils ont réfuté les arguments mis en avant par leurs détracteurs. Munis de photos aériennes du site, ils ont apporté des éclaircissements quant à l’accès à La Roche qui Pleure, et sur les eaux des drains et leur évacuation, entre autres.
L’une des appréhensions des habitants de Souillac porte sur un mur de trois mètres de haut érigé autour du domaine. Bernard Desvaux de Marigny a ainsi précisé que « ce mur ne s’étendra pas sur la face longeant les Pas Géométriques mais est remplacé par une clôture métallique, soit une « beta fence » de couleur verte, qui se marie avec l’environnement ». « Cette clôture n’empiète pas sur les Pas Géométriques », a-t-il ajouté.
À propos des routes d’accès à La Roche qui Pleure, il a affirmé que celles-ci seront publiques et ouvertes aux piétons. De plus, Union SE mettra à la disposition du public une aire de stationnement à l’arrière du Foyer de l’Unité pouvant accueillir onze voitures et dix bus. L’accès sera asphalté, des trottoirs seront aménagés des deux côtés et les réserves seront « landscaped » et munis de lampadaires.
Un des points majeurs soulevés lors de cette rencontre avec la presse concernait les eaux et leur évacuation, l’une des principales sources d’inquiétude des habitants de la région. Le directeur de Sagiterra soutient que « de par la nature du terrain, l’eau ne descend pas vers la mer ». « Nous allons nous occuper d’elle à travers des soak-aways », a-t-il encore précisé. Il maintient que les eaux pluviales ne seront déversées ni vers la plage publique, ni vers la mer : « M. Perienen a étudié le catchment area du Domaine et a proposé un réseau de drains aboutissant au point le plus bas de développement. » Ainsi, au bout du réseau de drains, les eaux pluviales seront dirigées vers un « disiltration/hydrocarbon trap » qui sera muni d’une grille métallique galvanisée devant retenir les matières solides. Ce trap retiendra aussi les sédiments. Les eaux pluviales traversant le trap seront alors dirigées vers deux soak-aways. « Les calculs ont montré que les eaux pluviales s’infiltreront et ne déborderont pas en surface », dit-il. Bernard Desvaux de Marigny a aussi fait ressortir que tous les réseaux du drain ainsi que les traps et les soak-aways seront régulièrement entretenus par le conseil syndical du Domaine de Gris-Gris. « Tout cela pour vous dire que nous avons pris toutes les précautions possibles pour nous assurer du bon drainage des eaux », a-t-il souligné.
En ce qui concerne la forêt de filaos, il a affirmé que celle-ci ne serait pas affectée et qu’aucun arbre ne serait abattu. Les marcheurs et les touristes y auront donc accès à partir de la plage publique de Souillac ou du Foyer de l’Unité.
Bernard Desvaux de Marigny a également détaillé les procédures suivies pour l’obtention des permis de toutes les autorités concernées : « Ce projet est construit sur un terrain à cannes pour lequel un permis de conversion a été obtenu du ministère de l’Agro-industrie le 4 avril 2006 et le 27 juillet 2010. Il est bon de préciser qu’il n’y avait que de la canne à sucre sur le terrain, et aucun arbre endémique ou indigène. Union SE a obtenu une lettre d’intention émise par le Morcellement Board lui donnant l’autorisation d’entamer les travaux. Le ministère de l’Environnement a confirmé, suivant un courrier en date du 18 octobre 2006, qu’aucun permis EIA/PER n’était requis, du moment que le projet ne dépassait pas cinq hectares. Le Domaine de Gris-Gris ne fait que 4,7 hectares, étant limité en superficie par des limites naturelles ou existantes telles que les Pas Géométriques au sud-est, le Foyer de l’Unité au nord-est, une ancienne ligne de chemin de fer au nord-ouest et une zone résidentielle au sud-ouest. Le projet a été présenté au Conseil de district de Grand-Port/Savanne. »
Le directeur général de Sagiterra a par ailleurs ajouté que les autres autorités concernées, soit la RDA, la CWA et le CEB, ont à ce stade également donné leur accord au projet. Ainsi, selon les procédures établies, le Conseil de district et la TMRSU soumettent leur accord – à l’effet que les travaux ont été effectués à leur satisfaction – directement au Morcellement Board, sans passer par Sagiterra. « Le Conseil de district n’émet pas de Building and Land Use Permit (BLUP) dans le cadre d’un morcellement résidentiel. La CWA, après avoir reçu une garantie bancaire d’Union SE, donnera alors le final clearance. Idem pour le CEB, après paiement des contributions et autres coûts de travaux d’électrification. Ce n’est qu’alors que le Morcellement Board, après paiement de la taxe de morcellement, délivrera le permis de morcellement. »
Rencontre houleuse
Mais de leur côté, les habitants n’en démordent pas : la letter of intent n’est, pour eux, pas un permis de construction. C’est ainsi qu’accompagné d’une cinquantaine de personnes qui continuent leur mobilisation et des membres des forces vives de Souillac, dont Michael Atchia et Armand Maudave, Georges Ah-Yan, le porte-parole du groupe, visiblement remonté, déclare : « Le District Council aurait dû leur donner un Stop Order parce qu’ils n’ont pas de permis. » « Ils n’ont pas de permis, ils ont la promesse d’un permis », ajoute Armand Maudave. Bernard Desvaux de Marigny, venu rencontrer ces habitants, a tenté d’expliquer que l’obtention du permis « est un parcours du combattant ». Ce qui n’a pas semblé calmer les ardeurs de Georges Ah-Yan : « C’est ce drain qui a éveillé mes soupçons. Je me suis demandé comment les autorités avaient pu donner leur feu vert. »
Plusieurs points d’ombre ont ainsi été relevés par les habitants du village. « Il est possible que le terrain soit situé sur les Pas Géométriques. Si c’est le cas, c’est du domaine public, et il faudrait alors aller en compulsory acquisition », dit Georges Ah-Yan. Pour Armand Maudave, « si on peut prouver qu’ils empiètent sur les pas géométriques, nous avons déjà gagné ce point-là ». Le porte-parole du groupe d’habitants est convaincu que la création de ce morcellement va automatiquement entraîner le déversement de l’eau à la mer. Le promoteur tente pourtant une nouvelle fois d’apporter des éclaircissements : « Il ne veut pas écouter ; il y a une explication à cela : l’eau ne peut pas monter. »
La tension monte alors et les réactions fusent. Comme les autres habitants de Souillac, Michael Atchia est contre la fermeture de la route côtière reliant Gris-Gris à La Roche qui Pleure. « Ce chemin est un droit de passage. Nous demandons qu’on fasse passer une loi pour ça », dit-il. Ne cachant pas non plus sa colère, un habitant, qui possède un permis de Trader, lance alors : « Zot pe koup lakse a La Roche qui Pleure e zot pe met enn baryer pou Foyer de l’Unité. Eski mo pou bizin al rod lakle ar monper pou mo kapav al travay lot kote ? »
Démontrant, une fois de plus, qu’un dialogue est toujours possible lorsqu’on se montre plus rationnel et posé, Armand Maudave tente, d’une part, de tempérer les choses et, d’autre part, de faire plier le promoteur : « Si nous nous sommes réunis ici, c’est que nous sommes directement concernés. Nous avons deux considérations, locale et nationale. Nous sommes tous contre ce projet qui viendrait défigurer l’environnement. Mais on ne peut pas arrêter le développement. Ce qu’il faut faire, c’est travailler avec eux et limiter la casse. On a pris conseil légal. Si nous allons en cour Suprême, nous allons perdre l’affaire. S’ils ont le permis, ils vont aller de l’avant. Il faut essayer de limiter la casse. Il y a un mur : on l’appelle, ici, « le mur de la honte ». Ils vont le camoufler. Quant au drain, ils vont en changer le tracé. Ils nous donnent aussi un passage qui va directement sur le sentier et cela nous satisfait. Au lieu de fermer la rue avec un mur, ils nous laissent le passage. »
Ainsi, après cette rencontre tendue avec les forces vives, les promoteurs ont accepté de « proposer un sentier plus acceptable vers les filaos ». Ils veilleront également à ce que les eaux pluviales ne soient pas déversées dans la mer, et s’assureront qu’aucun des filaos ne soit abattu dans le cadre de ce projet. Il leur reste maintenant à apporter des preuves, d’une part, de l’obtention du permis de construction, et de l’autre, que le projet n’atteint pas les limites des Pas Géométriques. Car, de leur côté, les habitants affirment qu’ils ne lâcheront pas…

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