DRAME – Rayan, alité depuis 11 ans : Les tribulations des Brette face aux institutions

La mère, Sheila: « Nous n’avons connu que des combats pour notre fils »

Leur vie a basculé le 8 mars 2010 lorsque leur unique fils, Rayan Brette, 7 ans, est percuté par un van alors qu’il marchait à Mon-Loisir. Admis aux soins intensifs pendant trois mois, l’enfant s’en est sorti, mais restera handicapé à vie. Ayant décidé de mener combat pour obtenir réparation pour leur fils, aujourd’hui dans un état végétatif, les parents de la victime auront dû attendre longtemps. Onze ans après, le Privy Council a finalement tranché en leur faveur. Un certain montant devait être versé par la compagnie d’assurance du véhicule impliqué, mais mercredi, les parents de Rayan, aujourd’hui âgé de 18 ans, n’avaient toujours rien obtenu. « De toute façon, cet argent ne rendra pas sa vie à Rayan », disent-ils.

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Pour Jimmy et Sheila Brette, les parents de Rayan, la lutte aura été longue. D’autant qu’avant cela, jamais ils n’avaient eu affaire à la police ou à la justice. « Rayan a été victime de cet accident il y a 11 ans déjà. Il n’avait que 7 ans. Le cas avait été référé à la Cour cinq mois plus tard », se souvient Jimmy Brette. Cinq mois qui auront été particulièrement difficiles d’ailleurs. Car outre la tristesse devant l’état de son fils, ce père de famille aura dû « remuer ciel et terre » pour obtenir les documents nécessaires à l’introduction d’une demande en justice. Las d’attendre, il dit d’ailleurs avoir été obligé de se rendre au Dureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) pour s’enquérir de la situation.

Onze ans après, Jimmy est toujours amer. Ainsi, il se rappelle la manière dont il a été traité par des policiers en arrivant au bureau du DPP. « On m’avait dit que je n’avais pas le droit d’être là. Sauf qu’avant ça, j’avais fait le tour des postes de police pour voir ce qui se passait avec le dossier de mon fils », dit-il.

Au bureau du DPP, il a alors montré des photos de son fils, admis aux soins intensifs. « Ces photos ont permis de référer le cas de mon fils en Cour. » Dans son esprit, il n’y a aucun doute : s’il avait laissé les choses suivre leur cours, le cas de son fils n’aurait jamais été entendu. « Je suis seul à savoir par quels pénibles moments je suis passé », poursuit-il.
Jimmy Brette a bien obtenu une somme d’argent de la compagnie sucrière qui l’employait, mais l’homme dit avoir tout dépensé pour les traitements de son fils. Ce dernier étant alité et dans un état végétatif, Jimmy a fait venir des équipements spéciaux de l’étranger.

Traîné sur plusieurs mètres

« Nous n’avons connu que des combats pour notre fils », renchérit Sheila Brette. À l’époque de l’accident, dit-elle, « on nous disait que le cas était difficile, car personne n’avait été témoin de l’accident ». En réalité, des personnes qui passaient par là avaient vu l’accident, et avaient même pu arrêter le chauffeur. Sauf que personne n’a accepté de venir témoigner en Cour, regrettent les Brette.

Sheila se remémore le jour fatidique. Ce 8 mars 2010, elle explique avoir préparé son fils pour l’école, comme elle le fait chaque jour. Mais au moment où le petit garçon doit rentrer, vers 16h45, elle ne voit pas arriver le van scolaire. La maman de Rayan s’inquiète, mais tente de garder son sang-froid. Jusqu’à ce qu’elle entende crier des voisins. « On criait que mon fils venait d’avoir un accident. C’était le plus grand choc de ma vie. Mon fils avait été traîné sur plusieurs mètres et gisait sur le trottoir », se souvient-elle encore.
Les trois mois suivant l’accident, alors que Rayan se trouvait encore aux soins intensifs, Sheila était constamment au chevet de son fils. « Je ne mangeais que des céréales et du lait. Je mangeais à peine. Je restais tout le temps avec mon fils à l’hôpital, même si les médecins ont toujours été présents pour lui. »

Jimmy, de son côté, aura dû se transformer en enquêteur. Et si ce dernier ne connait toujours pas le nom de la compagnie où travaillait le chauffeur ayant renversé son fils, il a cependant appris que le véhicule a depuis été vendu. Hormis cela, Jimmy revient sur son long combat en justice. D’autant que le premier juge ayant entendu l’affaire est décédé. « Une magistrate a pris le relais, mais il a fallu attendre encore quelques mois pour que l’affaire soit à nouveau entendue en Cour », explique Sheila.

Lorsque le jugement tombe, c’est le soulagement, car la Cour tranche en faveur des Brette. Mais le bonheur est de courte durée, la compagnie d’assurance ne l’entendant en effet pas de la même oreille. Aussi cette dernière décide-t-elle de saisir le Privy Council. « Nous avons dû attendre encore trois ans pour obtenir justice », dit encore Sheila. Et même si, une fois encore, la justice a penché en sa faveur, rien ne viendra réparer la souffrance de ces années de combat, dit-elle.

Des millions de roupies dans le vide

Les Bette se demandent d’ailleurs pourquoi la compagnie d’assurance avait référé l’affaire au Privy Council, déboursant ainsi des millions de roupies « De plus, la compagnie d’assurance aurait pu avoir un peu de compassion pour notre enfant. » Sheila avait des rêves pour son fils, et son fils en avait d’ailleurs aussi.

Petit, Rayan avait fait un dessin pour ses parents, qui trône d’ailleurs toujours sur un mur de la maison. « Il voulait devenir pompier », se rappelle sa mère. « Il me disait qu’il voulait sauver ceux qui sont en difficulté. » Le destin en aura cependant décidé autrement.
Le couple aussi avait des rêves, à commencer par construire une maison. Mais le drame de mars 2010 sera venu tout chambouler, et le projet a été relégué au second plan. « Avant l’accident, j’avais décidé de travailler pour aider mon fils dans ses études », continue Sheila. En lieu et place d’un travail, cette dernière aura eu une dépression et des traitements à l’hôpital. « Mais j’ai dû arrêter de les suivre, car je n’avais personne pour m’occuper de mon fils. » À tout cela vient aujourd’hui s’ajouter des problèmes d’hypertension, qui l’obligent à se rendre régulièrement dans un centre de santé.

Malgré le malheur, les Brette saluent la générosité des Mauriciens qui, dans les moments difficiles, n’ont pas hésité à les aider. Ainsi ont-ils pu acquérir un lit spécial ainsi que des équipements spéciaux en provenance d’Australie. Aujourd’hui, Sheila et Jimmy ont décidé de ressortir le projet de maison du placard. Bientôt, dit Jimmy, le couple entamera la construction de leur future résidence, ce qui les obligera cependant à quitter le village de L’Amitié et leur maison délabrée, où les Brette habitent depuis des années.

Jimmy explique qu’en tant qu’ancien employé d’une compagnie sucrière, il a obtenu un lopin de terre après avoir pris son Voluntary Retirement Scheme. Sans compter que le couple peut compter sur le soutien de deux groupes sociaux de Pamplemousses, qui les aideront dans le cadre de la construction de leur maison. Ce qui ne suffira cependant peut-être pas, explique Sheila, qui en appelle à la générosité des Mauriciens qui souhaiteraient les aider. Parce que, rappelle Sheila, pas question de toucher au dédommagement que Jimmy et elle obtiendront. « Cet argent ne sera utilisé que pour Rayan. »

Il faut dire que la vie de Sheila n’est pas facile, tant elle doit prendre soin de son fils. Et la crise sanitaire n’a pas facilité les choses. Ainsi, pendant le premier confinement, nourrir Rayan n’aura pas été facile, car ce dernier ne mange que de la purée. Sans compter les médicaments, que le jeune homme doit prendre tous les jours. « Ces médicaments l’aident à rester calme. S’il n’en a pas, il peut faire des crises d’épilepsie. »

Aujourd’hui, les Brette disent avoir appris une grande leçon : l’importance d’aider les personnes en difficulté. « Lorsqu’une personne est alitée à la maison, c’est très dur. Il faut aider ceux qui souffrent, car seuls ces personnes et Dieu connaissent l’ampleur de cette souffrance », termine Sheila.

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