DROGUE : Dealers et accros à 12 et 14 ans

Il a 12 ans. Ces amis sont à peine plus âgés : 13 et 14 ans. Ils sont actifs dans le milieu de la drogue. Trafiquants ou consommateurs, ils se sont retrouvés pris dans la spirale de la drogue et de sa dépendance. Il n’y a pas de produits qui leur sont inconnus, même si ce n’est parfois que par le goût. Subutex, brown sugar, gandia et autres produits pharmaceutiques font partie du quotidien de ces jeunes.
Hansley (nom fictif), 12 ans, a grandi dans un environnement où la drogue était toujours présente. Ses parents étaient des trafiquants. Le nouveau compagnon de sa mère vend du brown sugar et a purgé plusieurs peines de prison ces dernières années. C’est avec lui qu’Hansley a goûté à sa première dose de brown sugar, il y a sept mois. “Je n’ai plus arrêté. De temps en temps, nous fumons également des joints ensemble.”
Argent facile.
Sinon, c’est auprès de Robert (nom fictif), 14 ans, qu’Hansley se procure sa consommation quotidienne. Robert, qui s’est lancé dans le trafic de drogue depuis huit mois, raconte que ces produits lui sont familiers depuis qu’il est en seconde à l’école. Sa mère est trafiquant de subutex. “Quand les clients venaient à la maison et qu’elle était occupée, c’est moi qui les servais. À force de la regarder faire, j’ai fini par savoir où elle cachait les produits et combien ils coûtaient”, confie l’adolescent.
Au fil du temps, Robert a fini par se dire que pour se faire un peu d’argent facile, il devait lui aussi dealer. Au début, il recevait Rs 10 par dose de brown sugar vendue. Pour chaque cinq doses écoulées, on lui en remettait une pour sa propre consommation. “Bann gran marsan la kone kouma pou kouyonn nou ek zot Rs 10.”
Depuis peu, la région de la partie basse des Plaines Wilhems où habite Robert est réputée pour être l’un des endroits les plus touchés par le fléau de la drogue chez les jeunes. De petits groupes d’adolescents non scolarisés traînent les rues à longueur de journée pour dealer. Des rassemblements nocturnes qui durent jusqu’à fort tard dans les coins de rue et au cours desquels s’effectue la livraison des marchandises. On se regroupe près du terrain de foot avoisinant pour consommer les produits. Le trafic et la consommation de drogue se fait à la vue de tous. Ce qui a évidemment attiré l’attention du voisinage.
“Fek kon zot baba”.
Pour les aînés de l’endroit, il est difficile d’accepter que ces petits qu’ils ont vu naître et grandir soient aujourd’hui des dealers et des toxicomanes. “Fek konn zot baba ki zordi nepli rekonet zot. Ena parmi ki pena mem 15-an, me kan ou get zot figir, ou a dir gran dimounn.”
Cela fait presque un an que Nicolas (nom fictif) et ses petits camarades sont sous l’emprise de ce fléau. Des jeunes comme eux, il en existe beaucoup dans la région. Ils se sont retrouvés pris au piège parce qu’ils ont voulu faire comme les autres ou parce qu’ils se sont laissés influencer par leur entourage.
Nicolas avait 13 ans lorsqu’il a commencé à se droguer. Il se souvient de cette première fois où comme tous les après-midi, il retrouvait son groupe d’amis pour bavarder. Ils discutaient justement des différentes drogues que l’on pouvait trouver sur le marché. “L’un d’entre eux avait en sa possession un sachet de pilules et nous a proposé d’en prendre. Si nous refusions, il se moquait de nous en nous disant que nous n’étions pas des hommes ou, pire, il nous tabassait.” Nicolas s’est laissé tenter. Il a suivi les conseils de son copain, qui lui a demandé de boire une boisson gazeuse précise après avoir avalé le comprimé. “C’était vraiment une sensation particulière. Gro nisa la vinn vit.” Depuis ce jour, la vie de Nicolas a basculé. Il a cessé l’école et passe la plupart de ses nuits hors de la maison.
Disputes.
Si Robert compte sur ses primes – bien qu’elles soient minimes – pour pouvoir s’acheter de quoi manger pour lui et ses frères, Nicolas, lui, se met à la recherche de vieilles ferrailles, qu’il revend pour s’acheter sa dose quotidienne. Une activité qu’il pratique le plus souvent en compagnie de son groupe d’amis. L’argent récolté leur permet d’acheter leurs drogues, qu’ils partagent entre eux. “Ce n’est pas évident de se trouver Rs 250 à Rs 300 pour un pouliah de gandia, Rs 100 pour un Rohypnol ou un Rivotril ou de Rs 100 à Rs 150 pour un flacon de Cough-en. C’est pour cela qu’on se partage le coût du produit, même si cela diminue notre consommation.” Ce qui a pour résultat de provoquer des disputes parfois violentes entre la bande d’amis. Surtout si l’un d’eux a voulu faire le malin en s’appropriant une part plus conséquente. “Bann mantalite koumsa kapav araz nou, e la nou nepli kontrol nou”, confie Nicolas.
Pour Hansley, qui se dit “dan gro nisa” uniquement lorsqu’il consomme une dose entière, il n’est pas question de diviser sa part. Quand n’a pas d’argent et ne peut s’acheter sa drogue, il accepte de s’endetter auprès du trafiquant du coin, qui est un ami de son beau-père. “Fode pran doz la net pou gagn zafer la. Lerla ki bon la vini. La ou santi ou pwisan. Nangne pa kapav aret nou la.”
Business demanding.
Se droguant quotidiennement, le jeune garçon a adopté un nouveau mode de vie. Il rentre fort tard tous les jours et se réveille très tard. Comme il n’était jamais à l’heure au collège, il a cessé d’y aller. Ce qui lui a valu un renvoi à la fin du premier trimestre. Robert, lui, a décidé de ne plus se rendre à l’école car “le business est de plus en plus demanding. Il faut être disponible à n’importe quelle heure de la journée pour livrer la marchandise aux clients. Je ne peux pas passer autant de nuits blanches et me réveiller le matin pour aller au collège”.
À force de traîner les rues en groupe ou de kas poz près du terrain de foot jusqu’aux petites heures du matin, Nicolas et ses camarades ont fini par se faire remarquer et attirer l’attention des policiers qui font leur ronde dans le coin. À plusieurs reprises, les adolescents ont été arrêtés et fouillés. Jusqu’à présent, rien n’a été trouvé en leur possession car Nicolas et les autres savent comment dissimuler les produits, qu’ils se procurent sans aucune difficulté à la pharmacie du coin. “Nous sommes des habitués. Le pharmacien nous connaît et nous vend les flacons de sirop et autres sans poser de question. Cela se fait dans la discrétion, quand il y a peu de clients”, souligne Hansley.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -