DROGUE ET SIDA : « Méthadone, pourquoi arrêter un programme qui marche ? »

Les acteurs sociaux engagés dans la lutte contre la toxicomanie et le sida ont décidé jeudi de monter au créneau, affirmant que « face à un certain nombre de contre-vérités avancées par le ministre Gayan lors d’une conférence de presse, il est de notre devoir de rectifier les choses et fournir les informations fiables, utiles et vraies à la population ». Fustigeant le ministre de la Santé quant à sa décision de supprimer la méthadone aux nouveaux patients et d’annoncer une alternative sans plus de précisions, ces acteurs sociaux relèvent que « nous allons reculer de plus de 10 ans dans cette lutte si le ministre persiste à rompre le dialogue avec la société civile ! » Et de brandir le spectre d’une « remontée fulgurante » d’Usagers de Drogues Injectables (UDI) et de Mauriciens séropositifs.
« Définitivement, nous sommes unanimes à reconnaître que tant pour la méthadone que pour le programme d’échanges de seringues, il y a des dysfonctionnements ! », ont déclaré les principaux animateurs des Ong composant le Collectif Urgence Toxida (CUT). Faisant remarquer que « nous avons, cependant, rédigé des rapports soumis aux autorités, avec des recommandations relatives », ils ont argué : « Pourquoi ne pas ouvrir le dialogue et mettre en oeuvre certaines mesures destinées à améliorer ces prestations ? Plutôt que tout simplement supprimer la méthadone aux nouveaux patients ? »
CUT a été institué il y a une dizaine d’années, dans le sillage de plaidoyers menés par la société civile, dont les Ong telles que PILS, le Groupe A de Cassis, le Centre Idrice Goomany (CIG), le Centre de Solidarité pour une Nouvelle Vie (CDS), AILES, et LEAD. Lors de la rencontre avec les médias, Kunal Naik, porte-parole de CUT, a tenu à faire ressortir que « ces six derniers mois, le ministère de la Santé, notre partenaire privilégié dans ce combat, a carrément rompu le dialogue avec nous, les acteurs de la société civile, alors que jusqu’aux dernières élections, en décembre dernier, l’état et la société civile ont travaillé en étroite collaboration… C’est regrettable ! » Tant le porte-parole de CUT que divers autres animateurs d’Ong présentes ont tenu à rappeler que « la problématique de la drogue et du sida est une question de santé publique. Le débat doit donc être totalement apolitique ! »
Ces acteurs de la société civile ont souhaité que « le ministre Gayan vienne au plus vite nous sortir du flou entretenu depuis sa conférence de presse quand il a confirmé la suppression de la méthadone et que d’autres alternatives seront proposées. Quelles sont-elles ? » Pour étayer leurs propos, les responsables d’Ong ont bénéficié de l’apport de plusieurs anciennes victimes de la drogue ainsi que des parents qui ont témoigné comment grâce à la méthadone, ils ont pu reprendre une vie normale. Ils ont, entre autres, relevé « plusieurs failles qui demeurent, comme la manière de dispenser la méthadone, qui occasionne le trafic, par certains patients ». Et de réclamer par ailleurs que « ceux qui font bien et suivent le traitement ne soient pas pénalisés à cause de quelques brebis galeuses… »
Également représentant CUT, Joëlle Rabot-Honoré a, pour sa part, expliqué comment, « ces derniers mois, nous avons, sur les sites de distributions de seringues propres, noté une augmentation dans la demande. » Cela, « parce que nous avons lancé de nouveaux programmes qui permettent de toucher un plus grand nombre d’UDI actifs qui composent une population invisible. » CUT « regrette la démarche du ministère de la Santé de nous reprocher d’utiliser un grand nombre de seringues… » Dans le même souffle, toujours concernant le programme d’échange de seringues, l’Ong a spécifié qu’il est « hors de question d’obtempérer face au ministère de la Santé qui nous réclame de leur communiquer les identités des UDI qui fréquentent nos sites. Si nous acceptons de faire cela, ce serait commettre un « breach of confidentiality »; ces patients sont des usagers de drogues actifs, donc en infraction avec la loi. Il est de notre devoir de protéger leurs identités, avec un souci de confiance, afin qu’ils continuent à venir prendre des seringues propres chez nous. »
Face à cette « situation dramatique brusque, car ces dernières années, avec la méthadone et l’échange des seringues, on a pu contrôler l’infection au sida par biais de seringues », la société civile en appelle à « tout le gouvernement pour que chacun réagisse auprès d’Anil Gayan et que l’on trouve un consensus plus favorable à tous. » Certains intervenants n’ont pas manqué de relever que « depuis que M. Gayan est entré en fonction, il a exprimé son souhait de « nettoyer » sa circonscription, donc, les villes de Beau-Bassin/Rose-Hill et les quartiers avoisinants de la présence des anciens toxicomanes et des patients de la méthadone. Ce qu’il a fait en les « décentralisant ». Mais est-ce là une attitude mature et citoyenne ? Qu’en est-il du respect et des droits de ces malades ? N’en ont-ils pas ? »

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