Drogues : le programme de méthadone étendu à ceux âgés de 15 ans en question

  • – Le ministre Jagutpal : « Aucun chiffre précis du nombre d’ados concernés pour l’heure »
  • – En 2023, 55 adolescents dans la tranche d’âge de 15 à19 ans hospitalisés pour usage de drogues
  • – Le ministre de la Santé annonce « le démarrage d’ici à un an avec deux ou trois ados »

La question de l’extension du traitement de méthadone à des jeunes de 15 ans à monter a fait l’objet d’échanges ors de la séance parlementaire de mardi dernier. Franco Quirin (MMM) a demandé au ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, si, eu égard à la décision du ministère de permettre aux jeunes consommateurs de drogues d’avoir accès à un traitement à la méthadone dès l’âge de 15 ans, il en indiquera les raisons, le nombre d’usagers de drogue concernés, par sexe ; la formule de distribution et les conditions qui y sont attachées. Le député de l’opposition souhaitait aussi savoir si les ONGs engagées dans le traitement et la réintégration des toxicomanes ont été consultées avant la mise en chantier du projet.

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Dans sa réponse liminaire, Kailesh Jagutpal a expliqué que « le nombre exact de mineurs qui auront accès à la méthadone ne peut être déterminé avec précision à ce stade » . Il existe, par contre, des données provenant de diverses sources. Il a souligné, de fait, qu’« en 2023, 55 adolescents âgés entre 15 et 19 ans ont été admis pour des traitements pour usage de drogues dans les hôpitaux régionaux ; 46 adolescents, dont 44 garçons et deux filles, ont suivi de traitement de rééducation et/ou de désintoxication ». La réalité, a-t-il dit, est que « la grande majorité d’entre eux ont rechuté dans les semaines ou les mois suivant leur traitement ».

Le ministre de la Santé a expliqué aussi qu’un protocole national a été préparé par un groupe de professionnels. Il a été validé par Dr David Mété, chef de service d’addictologie au Centre hospitalier universitaire de Bellepierre, de l’île de La-Réunion. Ce protocole ne concerne pas tous les adolescents toxicomanes, mais principalement ceux qui, malgré un ou deux traitements de sevrage, avec un accompagnement psychosocial, ont rechuté dans une addiction grave et se trouvent dans une impasse thérapeutique. Le ministre s’est aussi appuyé sur le dernier rapport de l’United Nations Office on Drugs & Crime de 2023 qui, a-t-il dit, « propose d’autoriser l’accès à la méthadone aux mineurs de 15 ans, qui ont une forte consommation de drogues et se retrouvent dans une impasse thérapeutique. »

Au sujet du nombre de jeunes Mauriciens que ce programme toucherait éventuellement, Kailesh Jagutpal avance qu’« à l’heure actuelle, il est très difficile de donner un nombre exact. Mais on m’a dit que dans un an, nous aurons probablement deux ou trois adolescents qui seront concernés. » Il a poursuivi sur cette lancée, faisant remarquer que « les jeunes sont les plus vulnérables à la consommation de drogues et ils sont également plus gravement touchés ».

« Le cerveau des adolescents est encore en développement et la consommation de drogues peut avoir des conséquences et des effets négatifs à long terme. De plus, les surdoses sont beaucoup plus fréquentes dans cette tranche d’âge. La situation à Maurice, actuellement, est inquiétante et nous devons faire face à cette épidémie mondiale. Nous devons être constamment vigilants pour assurer le meilleur accès possible à un traitement optimal pour tous les utilisateurs, parmi évidemment, les adolescents », fait-il encore comprendre.

Comme il est question de mineurs, le ministre de la Santé a également fait ressortir que « le consentement des parents ou des tuteurs légaux sera, bien évidemment, obligatoire avant d’inscrire des mineurs au programme de thérapie de substitution à la méthadone ». De plus, les soins psychosociaux seront essentiels, comme c’est le cas pour tous les bénéficiaires.

Explicitant les critères à partir desquels travaillent les techniciens et médecins de son ministère, Kailesh Jagutpal a indiqué que cela concerne surtout ceux qui ont rechuté après un ou deux traitements de désintoxication. Sur la base des dossiers et après une réunion de consultation multidisciplinaire, un traitement à la méthadone sera considéré.
« L’objectif est d’éviter que le jeune rechute à plusieurs reprises après des séances de désintoxication, qui augmentent nommément le risque de surdose, réduisent l’estime de soi et les exposent au VIH, à l’hépatite C et à d’autres complications graves », dit le ministre. « Selon des études internationales, le taux de rechute pour la désintoxication est entre 70 et 90% dans le monde. Les adolescents mauriciens ne font pas exception. Cela dit, ces jeunes qui auront besoin d’un traitement de substitution à la méthadone le recevront à un moment donné, et dans un centre de santé selon le protocole établi », ajoute-t-il.

Pour la partie concernant l’implication de la société civile dans le processus, point soulevé à l’heure des interpellations supplémentaires, Kailesh. Jagutpal affirme que : « la proposition d’introduire la méthadone a été lancée lors des groupes de travail constitués pour l’élaboration d’un Plan sur l’addiction. Projet qui a impliqué plusieurs médecins de la Harm Reduction Unit, le consultant en charge de la psychiatrie et trois Ong choisies par leurs pairs pour les représenter. » Il a ajouté que d’autres réunions seront organisées par mon ministère et que les Ong impliquées « seront conviées ».

Franco Quirin devait également souligner que ce projet de traitement à la méthadone pour les adomescents a été très mal accueilli par la population et suscite l’incompréhension, même chez des travailleurs sociaux. « Le ministre peut-il dire quels sont les accompagnements, dit psychosociaux, que son ministère a mis en place, ou compte mettre en place, pour aider ces jeunes sous méthadone à sortir de l’emprise des drogues ? » À cela, Kailesh Jagutpal a répondu : « si la décision est prise d’introduire la méthadone pour les plus de 15 ans… Pour l’heure, ce n’est pas le cas. Je dois aussi faire ressortir que les adolescents consommateurs de drogues sont très vulnérables et peuvent être sujets à diverses maladies. Si nous n’introduisons pas de tels traitements, comme la méthadone pour eux, les risques de rechute sont très grandes. Il ne faut pas oublier que ces jeunes sont très exposés. Il faut aussi regarder cet aspect de savoir si le programme de réadaptation qui leur est proposé fonctionne ou non. C’est pourquoi nous avons besoin d’introduire ce médicament afin de les décourager de consommer des drogues. »

S’agissant du suivi et de l’encadrement des patients, Kailesh Jagutpal se veut rassurant: « Bien sûr que nous avons besoin d’un soutien psychosocial fort pour ces adolescents ! Les ONGs travaillent en étroite collaboration avec mon ministère. Les psychologues et tous ces différents acteurs font de leur mieux pour proposer la meilleure prise en charge psychosociale pour ces adolescents qui seront concernés par un traitement. »
Pour finir, le ministre de la Santé a ajouté que dans les pays d’Asie du Sud, les sanctions en matière de drogue sont très graves. Et qu’il y a même des peines de mort. « Si vous comparez l’augmentation de consommation de 2022 à 2023, elle est de plus de 5 à 7%. Et ce qui a été offert pour des adolescents ? C’est de la méthadone. Je pense que c’est la bonne façon de résoudre un tel problème », s’est-il appesanti.

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