ÉCOLE PÈRE HENRI SOUCHON: Les élèves font pousser de beaux légumes sains dans leur éco-jardin

Leur parcours scolaire n’a pas été brillant. Mais, depuis qu’ils fréquentent l’école Père Henri Souchon, à Pointe-aux-Sables, ces jeunes filles et garçons de 11 à 17 ans ont pu se découvrir des talents autres qu’académiques. En effet, outre les ateliers de sculpture, d’artisanat, de menuiserie, de couture et autres, l’établissement a créé pour eux un éco-potager, avec la collaboration de l’Investec Bank Mauritius et d’Animaterra. 1 500 m2 de sable pour y planter toute une variété de légumes. Sans pesticides. Une manière de les sensibiliser à une alimentation saine mais aussi une ouverture socioprofessionnelle qui leur est tendue dans une société où l’utilisation de pesticides est sans contrôle. Les élèves s’occupent de tout, de la semence à la récolte, avec le soutien de leurs enseignants et sous la supervision de Guillaume Maurel, spécialiste en agriculture nutritionnelle. Reportage.
On est presque à la mi-journée, en ce jour d’hiver. Mais, dans l’éco-jardin de l’école Père Henri Souchon, en face de la mer, il fait chaud. Les gouttelettes de pluie intermittentes ne semblent pas du tout déranger la vingtaine de jeunes, venus s’occuper de leur plate-bande de légumes. Cette classe de jardinage, ils l’ont attendue avec impatience. C’est pour eux une bouffée d’air frais, à l’image de la fraîcheur de leurs laitues, coriandres, céleris, basilics, “petsais”, aubergines, betteraves, pâtissons, petits pois mange-tout, lalos, et autres brèdes “tom pouce”… Les élèves y sont venus enlever les mauvaises herbes, ajouter du fertilisant là où il en faut, planter, et inspecter si tout va bien. Le mélange de parfums des verdures tout juste sorties de terre ou plutôt du sable, se dirige vers nos narines comme un rappel de l’importance de manger sain. D’autant que l’on sait qu’aucun pesticide n’a été utilisé.
Contrôle naturel
C’est l’an dernier que les enseignants ont suivi un cours de quatre jours sur l’agriculture durable. Le nettoyage du terrain, accordé par l’Évêché de Port-Louis, a débuté en janvier alors que les premières semences ont été faites en février. « C’est de l’agriculture bio dynamique  ou l’agriculture nutritionnelle (natural farming) et non pas bio dans le sens d’agri-bio où il y a une liste de choses à ne pas faire. Il faut savoir qu’une plante qui n’est pas bien nourrie n’a pas beaucoup de nutriments. Nous, on met les vingt éléments dont a besoin la plante même si à la base, le fer, le zinc etc. sont des produits chimiques. Mais, ce ne sont pas des pesticides. C’est certainement plus sain que les légumes qui ont reçu des pesticides. On contrôle les végétaux de manière naturelle. Les champignons mangent les insectes, les bonnes bactéries mangent les mauvaises bactéries. Nos légumes sont riches en nutriments alors que les productions d’aujourd’hui tendent davantage vers la quantité que vers la qualité », nous explique Guillaume Maurel d’Animaterra, qui apporte sa collaboration à ce projet en tant que spécialiste en la matière.
Par ailleurs, en vue d’éviter le gaspillage d’eau et d’assurer que chaque plante soit bien irriguée, le système de goutte-à-goutte est utilisé. Quant aux fertilisants, ils sont mis soit à la surface du sol soit par pulvérisation, le tout « sous forme stabilisée ». Les semences ayant été faites sur du sable, « il n’y a pas de nutriments comme on en aurait eu dans la terre. Il nous faut donc apporter des nutriments à travers des sprays », précise Guillaume Maurel.
Chaque classe s’est vue attribuer la responsabilité d’une plate-bande de légumes. Mais, exception a été faite pour Darlane Bégué. Passionné par le jardinage, ce jeune de douze ans s’est vu confier à lui seul la charge d’une plate-bande complète. « Nous ne savions plus à quel saint nous vouer en ce qui concerne Darlane. Aucune classe ne l’intéressait. Mais, depuis que le jardin existe, il a trouvé son bonheur. Il passe plus de temps ici que les autres élèves. Il sait quand il faut désherber, quand il faut mettre du fertilisant. Tous les jours, il attend ce moment », témoigne Jean-Noël Leste, enseignant.
Carottes, betteraves, coriandre
Chez lui, à Bambous, Darlane cultive déjà des carottes, des betteraves et de la coriandre. « Je collecte aussi les oeufs dans le poulailler chaque matin. J’aime voir les plantes grandir ». Il se dit fier de pouvoir parfois rapporter à la maison des plantes cultivées de ses propres mains. « Si tous les jours, les élèves pouvaient venir dans le potager, ils seraient très contents. Mais, ils y viennent trois fois la semaine. Ils sont très motivés ». Anthony Bhim est un autre grand amoureux du jardinage. Âgé de 14 ans, il aimerait un jour être propriétaire d’« une grande plantation » de légumes. Chez lui, avec son père, il cultive tomates, oignons et “brède tom pouce”.
Monique Leung, la directrice de l’école, se dit « très heureuse que l’école ait pu surmonter les difficultés pour en arriver là. Si l’Évêché nous a permis d’utiliser ce terrain, c’est pour que nous développions ce projet. L’école a ouvert ses portes ici en 2013 et cela nous a pris deux ans pour réaliser le projet. Notre première tentative de créer ce jardin n’avait pas abouti. Nous voulions de quelque chose qui intéresse vraiment les élèves. Ce projet est intéressant dans un contexte de pénurie saisonnière de légumes dans le pays. Par ailleurs, ces enfants peuvent demain se lancer dans ce créneau. Être jardinier ou planteur n’est pas un sot métier ». Et Guillaume Maurel d’ajouter : « Surtout si c’est pour produire des légumes bons pour la santé ».
Nicola Mckenzie, responsable du Corporate Social Investment Programme à Investec Bank Mauritius, firme qui parraine l’éco-jardin de l’école, affirme que « nous nous focalisons en principe sur des projets ayant trait à l’environnement, l’éducation et aux sports. Comme ce projet couvrait à la fois l’éducation et l’environnement, étant sans pesticides, nous avons voulu aider les jeunes à développer leur habileté à planter pour pouvoir se nourrir eux-mêmes. Les enfants ont travaillé très dur. C’est un travail qui dépend sur les élèves et les profs. Nous espérons que cela va durer car nous voulons un projet à long-terme ». Les potentiels clients soucieux de leur santé ne demandent que cela et déjà, après l’inauguration du potager, mardi prochain, les premières récoltes seront faites et mises en vente au public…

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