Recrutement des enseignants : contradictions et malaise au sommet !

  • Alors que les rapports du PRB de 2008, 2016 et 2021 stipulent que c’est le MIE qui doit émettre une Educator’s Licence suivi d’un PGCE dans cinq ans, la PSEA impose cette qualification comme critère d’éligibilité

C’est le monde à l’envers dans le secondaire privé depuis quelque temps, avec les nouveaux règlements successifs de la Private Secondary Education Authority (PSEA). Le pire, c’est que toutes les décisions sont avalisées par le ministère de l’Éducation et même le conseil des ministres dans certains cas, allant ainsi à l’encontre de ce que d’autres instances gouvernementales ont recommandé. Tel est le cas pour le recrutement des enseignants, où la PSEA passe outre les recommandations du Pay Research Bureau (PRB) pour imposer sa propre loi.

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La Private Secondary Education Authority (PSEA), dirigée par nul autre que Shiv Luchoomun, l’époux de la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, est une nouvelle fois au centre des critiques. L’Union of Private Secondary Education Employees  (UPSEE) est montée au créneau pour dénoncer les contradictions au sommet au sujet des nouveaux règlements pour le recrutement d’enseignants dans le secondaire privé.

Tout commence avec les amendements à l’ Education Act, en décembre 2021, suite à une décision du conseil des ministres, précisant les critères d’éligibilité pour être enseignant du secondaire. Les intéressés doivent d’abord détenir un Degree ou un Joint Degree  dans la matière à enseigner. Ils ne peuvent enseigner une autre matière. Autrement, ils ne sont pas éligibles à uns Teacher’s Licence.

Ensuite, tous les aspirants enseignants, doivent détenir un Post Graduate Certificate in Education (PGCE). Soit une formation supplémentaire à leurs études universitaires, offerte par le Mauritius Institute of Education  (MIE), généralement pourvue à ceux qui sont déjà dans le service car la formation a une dimension pratique. Alors que la Public Service Commission a fait une exception à ce règlement pour le recrutement des Supply Teachers dans le secondaire d’État, car les procédures étaient déjà en cours, la PSEA se montre intransigeante envers les collèges privés et confessionnels. Résultat : ces collèges ne peuvent remplir les postes vacants, car il n’y a pas de Degree Holders avec un PGCE sur le marché du travail. Sauf si l’on va puiser chez ses confrères, comme cela se fait, en ce moment.

Or, en venant de l’avant avec ces critères, le conseil des ministres, le ministère de l’Éducation et la PSEA sont allés à l’encontre de ce qu’avait recommandé le PRB depuis 2008. Arvind Bhojun, président de l’UPSEE, attire l’attention sur cet aspect et relève que le rapport de 2008 mentionne : « As from 1st July 2010, the MIE to issue Educator’s License to all those appointed as educators in Private Secondary Schools. »

Toutefois, 12 ans plus tard, cela n’a toujours pas été appliqué, en dépit des amendements au MIE Act en 2017, faisant de l’institution un DegreeAwarding Body. La PSEA a continué à octroyer la Teacher’s Licence, avec ses nouveaux règlements, qui viennent à chaque fois chambouler le bon déroulement des cours dans le secondaire privé.

Le même rapport du PRB de 2008 avait également recommandé le PGCE comme critère d’éligibilité pour enseigner, avec un moratoire de deux ans, soit, à partir de 2010. « En gros, le PRB 2008 avait suggéré de recruter les enseignants sur une base temporaire, de les envoyer suivre une formation d’une année au MIE, en vue de l’obtention de leur Teacher’s Licence et par la suite, faire un PGCE dans un délai de cinq ans. Or, aujourd’hui, la PSEA vient appliquer le critère de PGCE, sans prendre en considération les autres aspects », déplore Arvind Bhojun.

Ce faisant, la PSEA a également pris à contre-pied le ministère de l’Éducation qui, à deux reprises, dans les représentations au PRB, avait fait ressortir que l’obligation d’un PGCE comme critère de recrutement, posera un problème de manque de personnel académique.

Le rapport du PRB 2013 fait ressortir : « The Ministry of Education has submitted that there is a shortage of graduates holding these qualifications (PGCE or its equivalent). On this account, to facilitate recruitment to the post of Educator (secondary), we are deferring the implementation date for the requirements of an Educator’s Licence and the PGCE. »

La position du ministère de l’Éducation est similaire dans le rapport du PRB de 2016. On peut ainsi y lire : « The Ministry of Education has, in the context of this Report, submitted that there is still a shortage of graduates holding these qualifications, particularly in disciplines which are scarce given that relevant courses are not being run by the Mauritius Institute of Education in all subjects… »

La question pertinente qui se pose demeure comment le ministère de l’Éducation va faire pour recruter vu que les amendements à l’Education Act et l’obligation de détenir le PGCE s’appliquent également pour le secondaire d’État ? La triste vérité de ce qui se passe actuellement dans le secteur de l’Éducation, c’est que les enseignants des collèges privés, détenteurs d’un PGCE, qu’ils ont pu obtenir, parce qu’ils étaient déjà dans le service, sont recrutés par les collèges d’État et les collèges confessionnels.

Pour ces enseignants, cela représente la chance de travailler dans un plus « grand collège », mais au bout du compte, ce sont ces petits collèges privés qui font les frais des règlements de la PSEA.

Arvind Bhujun s’interroge ainsi sur les différentes démarches contradictoires de la PSEA. « Veut-on en finir avec les collèges privés ? Est-ce cela l’objectif ? Je demande au Premier ministre, Pravind Jugnauth, et à la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, de révoquer le Board de la PSEA. »

Il fait ressortir qu’au-delà du manque d’enseignant que cette décision des autorités a occasionné dans les collèges, il y a un véritable drame humain qui se joue. « Il y a des pères et mères de famille qui avaient été recrutés l’année dernière et qui devaient être confirmés à leurs postes, mais qui se retrouvent finalement au chômage, parce qu’ils n’ont pas leurs PGCE. »

Qui plus est, la PSEA ne reconnaît que le PGCE octroyé par le MIE, alors que beaucoup d’enseignants sont formés à l’étranger et décrochent  même des bourses auprès des instances internationales pour des formations. « C’est un affront envers tous ces pays amis et leurs institutions qui nous offrent des bourses et aussi envers ces parents qui se sacrifient pour envoyer leurs enfants étudier à l’étranger », fait ressortir le dirigeant de l’UPSE.

Et ce n’est pas tout. L’autre règlement de la PSEA, stipulant qu’un enseignant est éligible à enseigner uniquement dans la matière en conformité avec son diplôme universitaire pose également des inconvénients. Dans le secondaire privé et confessionnel, pour des questions de gestion des ressources humaines, chaque enseignant enseigne au moins deux matières.

Si l’on applique le règlement de la PSEA à la lettre, ce ne sera plus possible. « Auparavant, il y avait un Mapping, où les superviseurs de la PSEA évaluaient quelles matières quelqu’un pouvait enseigner, en fonction de ses études. C’est ainsi qu’on pouvait enseigner deux ou trois matières », dit-il encore.

Du coup, cela permettait aux enseignants d’être en phase avec les règlements du PRB stipulant qu’il faut enseigner pendant 1190 minutes par semaine pour être considéré comme un Full Time Teacher. « Mais si l’on se cantonne uniquement à une matière, on risque de ne pas atteindre les 1190 minutes », rajoute-t-on.

Ce sont autant de raisons qui poussent l’UPSEE à dire que les décisions de la PSEA sont irréfléchies et ne font que compliquer la vie des enseignants, des parents et des étudiants, à la fois. « Jusqu’à quand va-t-on continuer ainsi? Dans le secondaire d’État, la PSC dit avoir agi dans l’intérêt des enfants en recrutant des Supply Teachers sans PGCE. Qu’en est-il des enfants du secondaire privé, qui sont en majorité dans ce pays? Ne faut-il pas aussi agir dans leur intérêt?» s’insurge le syndicaliste.

Les dirigeants de l’UPSEE ont une rencontre avec la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation en vue de discuter de toutes ces questions. Ils souhaitent que des solutions puissent être dégagées afin que l’année scolaire 2023  se poursuive dans de meilleures conditions.

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