Éducation- Statistiques 2020 : Des professionnels dénoncent un « constat d’échec du système »

Des 15 978 admis en Form I (Main Stream) en 2015, incluant Rodrigues, d’après les statistiques 2020, seuls 6 848 collégiens (43%) sont cette année en Lower VI (Grade 12) et devraient prendre part aux examens du HSC en mai-juin 2022.

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Question : que sont devenus les 9 130 autres jeunes admis dans le cursus secondaire il y a cinq ans et qui n’ont pu aller au bout de ce parcours ? « Alors que l’éducation est gratuite, il est inquiétant de constater que plus de 55% des élèves n’arrivent pas à terminer le cursus secondaire. C’est un échec du système ! », lancent des professionnels de l’éducation.

« L’éducation est gratuite et, chaque année, le ministère de l’Education obtient un budget raisonnable. Alors comment se fait-il que plus de 50% des jeunes entrant en Form I ne vont pas jusqu’au bout ? C’est un constat d’échec », réagit d’abord Bashir Taleb, président de la Fédération des managers des collèges privés. « Il y a un gros problème dans le système, puisque la moitié des collégiens ne termine pas le cursus secondaire. C’est un échec pour le secondaire », ajoute un responsable d’un organisme sous la tutelle de l’Education. « C’est catastrophique, et très triste », dit pour sa part Neetesh Sewpal, président de la Managers of Private Secondary Schools Union (MPSSU).

Notons d’abord que 15 483 School Candidates ont participé aux examens de SC 2019 et que 10 937 d’entre eux ont réussi. Mais que font les 4 482 autres candidats ayant échoué aux derniers examens ? Et qui des 4 089 collégiens qui ont obtenu ce diplôme mais n’ont pu entreprendre d’études au HSC en raison de leurs faibles performances ?
Nos interlocuteurs se posent les mêmes questions s’agissant de ces 9 130 élèves qui ne sont pas parvenus jusqu’au HSC. Combien d’entre eux ont décidé de refaire le SC pour améliorer leurs performances ? Combien ont été admis dans les polytechniques et dans les centres de MITD ? Où se trouvent ces jeunes qui ont abandonné l’école avant la Form V et qui ne se trouvent dans aucune institution de formation publique ni privée ? Sont-ils dans le secteur informel ?

« Le parcours de ces jeunes qui sont entrés au collège en 2015 et qui ne sont plus dans le Main Stream de l’éducation devrait nous interpeller », est ainsi d’avis Bashir Taleb. Et de souligner qu’il y a chaque année un nombre de “drop-outs” après la Form IV pour diverses raisons. « Quelques-uns de ces “drops-out” avant la Form V tentent leurs chances pour une formation auprès de la MITD. Mais je crains fort que la majorité d’entre eux ne soient devenus des marginaux », poursuit-il.

Aux dires de plusieurs chefs d’établissements du secondaire privé, beaucoup de redoublants du SC ne sont pas revenus à l’école après la période de confinement. « Chez moi, quelques-uns ne sont pas revenus à l’école », nous confirme à ce propos Neetesh Sewpal, manager du Curepipe College. Et celui-ci de faire ressortir que la majorité des élèves fréquentant les “ti kolej” sont de conditions modestes. « Après le confinement, pour des raisons financières, certains redoublants de Form V dans ces écoles ne sont pas revenus. Beaucoup de parents ont en effet perdu leur emploi et n’auront pas les moyens de payer les “fees” d’examens. D’autres, eux, ont renoncé aux examens parce qu’ils doivent attendre trop longtemps avec le report des examens à mai-juin 2021. Je ne sais pas ce que sont devenus ces élèves de Form V qui sont partis… » poursuit Neetesh Sewpal.

Cependant, nos interlocuteurs estiment que l’étude qu’ils suggèrent doit couvrir ceux qui sont entrés en Form I durant la période 2010-2015, et qui ont abandonné l’école soit avant la Form V, soit après le SC. « La plupart du temps, ce sont les enseignants et les chefs d’établissements qui donnent leurs opinions sur les “drop-outs” et la faible performance des élèves. Cette étude donnera l’occasion aux anciens élèves d’expliquer eux-mêmes pourquoi ils ont abandonné leurs études. On aura ainsi une meilleure idée de ce qu’ils ont fait après l’école. Ces informations sont capitales si on veut améliorer le système éducatif secondaire. On comprendra aussi pourquoi certains n’ont pu entrer dans aucune structure de formation », lance Bashir Taleb.

« Je suis désolé de dire que le Nine-Year Schooling n’améliorera en aucune manière le niveau des “low-achievers” au secondaire, car le curriculum fait abstraction des besoins de cette catégorie de collégiens, et on le voit déjà. On est en train tout simplement d’éliminer ceux qui sont faibles académiquement du parcours vers le SC et le HSC. Ce n’est pas de cette manière qu’on résoudra les vrais problèmes des “low-achievers” », ajoute un autre chef d’établissement. « Les données de cette étude seront importantes dans la lutte contre la délinquance et la marginalité, mais aussi dans le combat pour faire régresser la pauvreté », reprennent nos interlocuteurs.

Dans les milieux du secondaire d’Etat et du privé, certains ne sont cependant pas étonnés, nous disent-ils, de ce nombre restreint de jeunes arrivant à entreprendre des études de HSC de nos jours, soulignant que depuis plusieurs années déjà, ils attirent régulièrement l’attention des autorités sur la baisse de performance des élèves en général dès l’entrée au collège secondaire. « Depuis plusieurs années, on appelle à un sursaut des autorités face aux difficultés d’apprentissage d’un grand nombre de jeunes », explique Lucien Finette, ancien directeur du MES. Selon ce dernier et Surrendra Bissoondoyal, qui a autrefois occupé le même poste au MES, « le système secondaire à Maurice fait l’impasse sur beaucoup de compétences ». Tous deux se disent eux aussi d’accords pour un diagnostic en profondeur du système, et ce, « dans l’intérêt du pays et de la société ».

« Beaucoup de compétences sont ignorées dans notre système scolaire. Maurice ne s’est pas inspirée de certains pays africains, qui ont réussi à utiliser tous ceux qui ont été rejetés par le système élitiste et les ont fait devenir des ouvriers compétents grâce à une bonne politique de formation, qui démarre au collège » nous dit à ce propos Lucien Finette. Ces deux anciens cadres du MES préviennent d’ailleurs que les conséquences de la pandémie n’épargnent pas le monde de l’éducation, et qu’il y a un risque que davantage de jeunes, s’ils ne sont pas bien encadrés, décrochent du parcours scolaire secondaire dès l’âge de 16 ans.

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