Pour la deuxième année consécutive, nos compatriotes de foi musulmane sont appelés à célébrer Eid en pleine pandémie. Comment s’annonce de fait cette célébration alors que le pays a connu une flambée épidémique depuis une semaine, quelques jours seulement après le déconfinement ?
Bashir Nuckchady, PRO du Muslim Citizen Council, considère que « cette pandémie a montré au monde que chacun doit assumer sa part de responsabilité et que la seule façon de combattre le virus est la distanciation sociale ». Et de poursuivre : « Tout comme les chrétiens ont vécu le carême pendant le confinement et n’ont pu célébrer Pâques en grand nombre, pour Eid aussi, il nous faut célébrer en respectant les consignes sanitaires. Il nous faudra être très cautious », dit-il. Quant à l’imam Arshad Joomun, de M-Kids, il invite à respecter le protocole sanitaire. « Évitons les mulaqat et les accolades. »
Au vu de la situation épidémique dans le pays et malgré le déconfinement, les regroupements de plus de dix personnes ne sont pas autorisés. Pour une deuxième année consécutive, c’est dans la sobriété mais non dans une joie moindre que s’annonce la célébration de cette fête du partage. Un partage qui sera toutefois restreint cette année, tout en gardant la distanciation physique. « La fête sera soit jeudi soit vendredi. La journée débutera par la prière du matin mais vu que les mosquées sont fermées, c’est en famille, chez soi, qu’on dira la prière.
Cela resserrera les liens familiaux. Par ailleurs, contrairement aux autres années où certains vont au cimetière, tel ne sera pas possible cette année. Les déjeuners en famille auront lieu en petit groupe. Dans les zones rouges, à mon avis, il serait mieux que chacun reste chez soi et n’organise pas de grand gathering », dit l’Imam Joomun. S’il reconnaît que l’an dernier « nous n’avons pu fêter en grande pompe, on n’a pas le choix ». Et d’ajouter : « Autrement, nous aggraverions la situation. Admettons, on va s’acheter des vêtements neufs à la foire et on attrape le virus. Ensuite, on va embrasser sa vieille grand-mère de 80 ans. On la mettrait à risque. Moi, je conseillerais d’éviter les mulaqat et les accolades. Même si on sait que cela ne fera pas plaisir à beaucoup, c’est notre propre santé que nous mettons en danger si on n’observe pas les consignes sanitaires. »
Bashir Nuckchady, du Muslim Citizen Council, partage le même avis. S’il conçoit que le Ramadan a été difficile avec la fermeture des mosquées, en revanche « les fidèles ont prié avec sincérité chez eux ». La fête ne sera certes pas célébrée en nombre comme d’habitude. « Ce sera en petit groupe et la prière sera dite de manière individuelle. » Ce qui n’est pas plus mal, selon lui, car « en Malaisie, ils avaient rouvert les mosquées pour les prières et aujourd’hui, ils ont dû mettre un “complete lockdown” ». Il a ajouté : « Il faut célébrer certes mais en respectant les consignes sanitaires. Le gouvernement a raison. Il nous faut penser collectivement, et non pas en termes de communauté. Les traditions seront là avec le partage de briyani et de vermicelles mais en petit groupe. Les grands-parents donneront l’Eidi aux petits même si ce ne sera pas avec autant de faste que les autres années. Le respect des gestes barrières est important. S’il y a un relâchement, il y aura une explosion des cas. Allons célébrer en observant les gestes sanitaires. »
L’imam suggère que les partages de briyani et autres vermicelles puissent se faire dans des “take away” tout en gardant la distanciation. « Si nous avons pu faire un sacrifice pendant le Ramadan, nous pouvons le faire pour Eid. Lorsque le virus partira, on pourra fêter comme il se doit. Aussi y a-t-il beaucoup de familles qui prennent des précautions en cette période pour ne pas être contaminées et si vous vous présentez devant leur porte pour un partage, vous risquez de les mettre mal à l’aise. Appelez-les d’abord pour voir s’ils sont prêts à vous recevoir. Je souhaite à tous les frères et sœurs de l’île Maurice un Eid Saeed », conclut l’Imam Arshad Joomun.