ÉLECTIONS: Des villages à deux visages

Les développements notés dans les villages sont une bonne chose pour plusieurs habitants que nous avons interrogés. Mais ce ne serait pas au goût de tout le monde. Certains s’en accommodent; d’autres estiment que cela est venu troubler leur quiétude et élargir le fossé entre les riches et les pauvres.
De grandes transformations sont notées dans plusieurs villages du pays : ouverture de centres commerciaux, morcellements et constructions de villas. Cela a beaucoup contribué au lifting de ses régions grâce aux réaménagements du réseau routier et en rendant plus accessibles certains services comme les banques et les supermarchés. Ces développements ont aussi permis à de nombreux habitants de trouver du travail près de leur domicile. Mais ils sont aussi la source de certains problèmes, à en croire quelques-uns des villageois que nous avons interrogés.
Dans le sud, du côté de Bel Ombre, la plupart des habitants apprécient la construction de villas dans la région, si l’on en croit Maheswar Beehari. Ailleurs, du côté de Moka et de St-Pierre, les développements en cours causent beaucoup de désagréments, confient Will Jean-Pierre et Pascal Précieux. Outre les embouteillages, le manque de sécurité sur la route et la pollution sonore qu’ils doivent endurer quotidiennement, ils déplorent la dégradation de l’environnement dans cette partie de l’île : détritus jetés n’importe où, parkings sauvages et transformation de certains espaces verts en lieux de beuverie.
Adaptation.
Dans le sud, la construction de villas a entraîné des développements économiques qui font la joie des habitants. Les promoteurs ont accompagné ces constructions d’autres aménagements : de nouvelles routes, un nouveau marché et un jardin d’enfants, entre autres, rehaussent le cachet de la localité. Avec cet apport touristique, les habitants ont développé leurs petits commerces afin de les rendre plus attrayants. “Dimounn ki ti pe vann linz, farata, fri ek legim devan zot laport inn amelior zot servis ek fer li de fason pli profesionel aster-la”, souligne Maheswar Beehari. Fini donc les échoppes construites à la va-vite. Les petits commerces ont toujours leur place dans l’Est également. Une situation qui contraste avec l’ouest où le travailleur social Lewis Dick estime que les grands commerces ont “étouffé” les petits.
Nombreux sont les Sudistes qui ont trouvé de l’emploi et qui ont profité des formations proposées pour pouvoir travailler auprès de ces étrangers. Selon Maheswar Beehari, certains ont même choisi de suivre des cours de langues pour mieux communiquer. L’adaptation aux différents changements se fait sans heurts et la présence de touristes est bien accueillie. “Quand nous allons à la plage, nous faisons en sorte de respecter leur tranquillité et nous n’allons pas les déranger.”
Avec le flot de véhicules qui circulent dans la région, les habitants n’ont plus vraiment de problèmes de transport : ils sont assurés d’avoir un lift au lieu de longues minutes d’attente aux arrêts d’autobus.
Endettement.
Par ailleurs, la construction de centres commerciaux a été bien accueillie. L’ouverture de plusieurs supermarchés crée une certaine proximité et offre un plus grand choix aux habitants des régions rurales pour l’achat de leurs produits. La concurrence aidant, ils sont ravis de pouvoir profiter de meilleurs prix.
Mais certains n’osent pas y mettre le nez ou le font uniquement lorsqu’il y a des promotions ou en fin de mois. “Li pa enn siper lavantaz ki ena sipermarse pre. Zis lafin dimwa ki kapav ale ek kan ena promosion”, confie Max, de Rivière du Rempart. Selon ce dernier, beaucoup cacheraient leurs situations financières réelles en payant avec leurs cartes de crédit…
L’arrivée de nouveaux centres commerciaux a engendré une société de consommation, si l’on en croit nos interlocuteurs. Les gens sont poussés à consommer plus et s’endettent mois après mois. Le développement est peut-être une bonne chose, mais il est également la cause d’un certain nombre de bouleversements dans la vie de certaines personnes qui ne fréquenteraient ces lieux que pour frimer. C’est ce que pensent Christel, jeune célibataire de Goodlands, et Marcelo, père de famille de Poste de Flacq. Ce dernier dit avoir constaté que certaines personnes abandonnent leurs caddies au moment de passer à la caisse, car ils n’ont pas les moyens de payer.
Pratiques illicites.
Nos interlocuteurs estiment que les enseignes de certains centres commerciaux et les prix proposés ne viseraient qu’une catégorie de personnes. “Derrière ces divers développements, il y a beaucoup de souffrances”, analysent Max et Marcelo. Ceux qui n’ont pas les moyens choisissent le paraître comme paravent. Une situation qui pourrait engendrer des frustrations et être source d’autres problèmes, pense Christel.
Comme Lewis Dick de Bambous, elle note également que les jeunes commencent à adopter de nouvelles tendances vestimentaires en se tournant vers des marques qui sont considérées supérieures. “Ena zenn nepli ena linz. Res zis lapo a fors zot le swiv lamod”, ironise Lewis Dick. Il pense que pour pouvoir être toujours à la mode, certains s’adonneraient à des pratiques illicites. Il constate que les pauvres s’appauvrissent davantage en voulant suivre la tendance. Il n’y a que ceux qui ont les moyens qui arrivent à s’adapter au développement, estime Lewis Dick.

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