EXAMENS DU HSC : Ce n’est pas l’école qui fait devenir lauréat, ont déclaré des boursiers

À chaque proclamation des résultats de HSC, la même interrogation ressort en raison de l’absentéisme élevé dans les classes de Upper VI. « Est-ce l’école qui produit un lauréat ? ». Si devant la caméra, les boursiers rendent un hommage appuyé aux profs de leur école, nombreux d’entre eux confient au Mauricien qu’ils n’auraient pas pu décrocher une bourse s’ils ne s’étaient pas absentés fréquemment pour entreprendre un travail personnel assidu. Ils évoquent aussi « l’apport indispensable » des profs de leçons particulières. Ils jettent un pavé dans la mare : « Ayo, perdi letan al lekol apartir mai. » Les profs confirment qu’à partir de cette date, les classes de Upper VI, dans les National Colleges et dans les grands collèges régionaux, commencent à se vider. Mais ces absences chroniques ont un coût financier.
Voilà ce que disent les Education Regulations 1957 au sujet du candidat du HSC concourant pour les bourses offertes par l’État pour des études du premier cycle : « He/she shall not have been absent from school for more than ten school days in either of the two school years immediately preceding the first day on which is held the State of Mauritius Scholarship examination for which he sits, exclusive of absences which the Principal of his school is satisfied are due to illness, absence from Mauritius approved by the Minister or other reasonable cause ». Ainsi le candidat a droit à seulement un total de dix jours d’absence non autorisée durant l’année de Lower VI et de Upper VI.
Mais l’école révèle une autre réalité en ce qu’il s’agit du taux de présence des élèves dans les classes de Upper VI et de Third Year. Intéressons-nous surtout à la situation dans les National Colleges d’où sortent généralement la majorité des lauréats. Le calendrier scolaire est de 180 jours et la moyenne de présence est de 80-100 jours durant l’année. Quelques élèves commencent à s’absenter une ou deux fois par semaine dès le premier trimestre mais les classes commencent à être clairsemées vers la fin de mai/début juin et la quasi-totalité des élèves sont carrément absents au début du troisième trimestre, généralement plus court, soulignons-le, pour les candidats de SC/HSC afin de leur permettre de se préparer à ces examens. « Au mois de mai le taux de présence en classe tourne autour de 70 % et puis cela régresse à vue d’oeil. Après les mock exams en juillet on ne voit plus certains visages. En général durant l’année le taux de présence dans les collèges pour filles est meilleur que ceux des garçons mais au troisième trimestre que ce soit chez les filles ou chez les garçons l’absentéisme tourne autour de 90 %-95 % » témoignent des recteurs. Ils ajoutent que les élèves d’un niveau plus faible et qui doivent venir à l’école pour être aidés par leurs profs sont découragés en entrant dans les classes vides et s’absentent à leur tour.
Ce taux élevé d’absentéisme des élèves de Upper VI a un coût et cet aspect n’échappe à certains enseignants de carrière qui ne cachent pas leur agacement vis-à-vis d’un tel problème. Ils expliquent que dans chaque collège d’État il faut en moyenne six enseignants par jour pour les classes de Upper VI. Voici le montant qu’ils avancent en prenant en considération les salaires d’un enseignant débutant et de celui qui a plusieurs années de service. « L’enseignement dans les classes de Upper VI par école coûte à l’État une moyenne de Rs 12 000 par jour et Rs 700 000 par 60 collèges d’État et une somme de Rs 3,5 M par semaine. Voilà ce que l’État perd chaque semaine quand les enseignants restent dans le staff room parce que les classes sont vides » disent nos interlocuteurs. Et il y a un coût additionnel lorsque des élèves de Form V s’absentent eux aussi d’une manière régulière dès le début du troisième trimestre. « L’absence des élèves de SC et de Upper VI coûte à l’État une somme de Rs 7 M par semaine », selon les calculs de ces enseignants de carrière.
Avec honnêteté, des lauréats que nous avons interrogés au sujet de leur fréquence à l’école avouent – à l’exception de quelques rares cas – qu’ils se sont absentés souvent durant l’année de Upper VI. « Durant le deuxième trimestre j’étais « on and off » au collège et pendant le troisième trimestre je n’y suis pas allée. C’était le cas pour les autres élèves de ma classe », témoigne une lauréate. « Perdi letan dan lekol. Bann prof pa donn zot utmost », explique un autre boursier au sujet de l’absence des élèves. « Si vous voulez être lauréat il y a un gros travail personnel qui doit se faire à la maison et qui nécessite du temps. Si on était à l’école on n’aurait pas pu faire des recherches grâce à l’internet et on n’aurait pas pu travailler sur des test papers. À la maison j’ai travaillé non-stop de 6 h 00 jusqu’à midi. On se repose pendant quelques minutes et on reprend les test papers jusqu’à ce qu’on aille aux leçons particulières l’après-midi. C’est le même pattern pour tous les lauréats », affirme l’une d’entre eux.
Selon les lauréats et d’autres détenteurs du HSC, certains profs de l’école « ne sont pas suffisamment helpful » et ne répondent aux besoins spécifiques des élèves. « Lorsqu’on avait des difficultés spécifiques en travaillant les test papers, on préférait se tourner vers les profs de leçons pour avoir des explications », raconte une lauréate. Est-ce que l’école n’apporte rien de plus ? « Pas grand-chose au deuxième trimestre parce qu’on a déjà terminé le syllabus dans les leçons particulières », répondent ces HSC school leavers. Tout en reconnaissant le rôle de l’école dans l’acquisition des connaissances dans différentes matières et dans leur développement personnel, ces jeunes boursiers sont catégoriques sur un point. « Ce n’est pas l’école qui produit le lauréat. Si on s’était fié uniquement au travail qu’on fait en classe, on n’aurait pas décroché ces bourses ». Ils reprochent à l’enseignement à l’école de ne « pas être assez dynamique ».
Ally Yearoo, prof de physique au Collège Royal de Port-Louis, et président de l’Education Officers Union, n’est pas amer vis-à-vis des critiques de ces lauréats. Il comprend leurs attentes et reconnaît que « le système n’arrive pas à satisfaire les besoins de ceux qui aspirent à être lauréats ». « Les élèves brillants ont des besoins spécifiques et le rythme de l’enseignement à l’école ne leur plaît pas. Ils réclament un travail personnalisé mais à l’école les profs travaillent pour la moyenne. Il est impossible que le prof ait un rythme de travail différent pour chaque élève. Certains d’entre eux veulent que le prof accélère avec le programme d’études mais le ministère impose un rythme de travail pour ne pas terminer le syllabus avant septembre en pensant que les élèves seraient réguliers à l’école. Les responsables au ministère se trompent lourdement », dit-il.
L’an dernier, le ministère a été incapable, malgré la fermeté affichée, d’appliquer le critère « 90 % of school attendance » pour qu’un candidat soit éligible à la subvention totale des frais d’examens SC/HSC. Les écoles attendent une nouvelle démarche du ministère au sujet de ce règlement.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -