FORM III NATIONAL ASSESSMENT 2016—VISUAL ARTS: Le mode d’évaluation soulève un tollé au sein des collèges

Les examens de fin de trimestre se déroulent en ce moment et les élèves entreront en vacances d’hiver le 15 juillet. Deux tiers de l’année scolaire 2016 sont déjà écoulés et, à ce jour, les enseignants d’Arts and Design n’ont pas encore reçu le syllabus de Visual Arts, matière figurant aux examens nationaux de Form III à partir de cette année. Ils sont mécontents et inquiets parce qu’ils découvrent que les élèves seront obligés de faire une analyse critique d’une création alors qu’ils n’ont jamais été initiés à ce type de question jusqu’ici. De plus, il n’y a aucune indication du « piece of artwork » qu’ils devront analyser.
En se basant sur les “education statistics 2015”, on dénombre environ 18 200 élèves en Form III cette année, dont 850 à Rodrigues et trois à MEDCO Agaléga. Pour rappel, la National Assessment Form III, en vigueur depuis 2002, est obligatoire à tous les collèges d’État et les collèges privés subventionnés. Une parenthèse pour souligner que, depuis sa mise en application, cet examen national a donné lieu chaque année à un lot de critiques. Les griefs portent tantôt sur des manquements dans le programme d’études, tantôt sur le contenu et le niveau des questionnaires. Il y a eu aussi beaucoup de reproches sur la performance des élèves ainsi que sur la méthode de correction. Les questionnaires sont préparés par le Mauritius Examinations Syndicate (MES) mais la correction des “scripts” est à la charge de chaque établissement, les correcteurs devant en principe se conformer aux “guidelines” donnés par l’examinateur national.
Pour 2016, les candidats seront examinés d’après neuf matières, dont deux sont incluses pour la première fois, à savoir Entrepreneurship et Visual Arts. Cette dernière provoque beaucoup de remous. D’abord, les profs sont agacés par le changement d’appellation. Depuis quelques années, les disciplines liées au travail de créativité sont regroupées sous la désignation « Arts & Design », matière au programme de SC/HSC. Mais le motif du mécontentement des profs d’Arts & Design dans les collèges d’État et privés est beaucoup plus sérieux que cela.
Dans une circulaire que le MES a envoyée aux écoles au mois d’avril – certains établissements l’ont reçue au mois de mai – concernant les prochains examens nationaux, les enseignants concernés découvrent avec surprise l’information suivante : « Section B will comprise a single compulsory question which will require students to interpret, critically analyse, and appreciate a given piece of artwork in this context, they will be required to produce a piece of writing of about 200 to 250 words. This part of the question paper will be made available to the students on the day of the assessment. »
Ces profs ne sont pas contre l’idée de développer un esprit critique chez ces jeunes de 13-14 ans. Sauf que ces apprenants, soulignent-ils, n’ont jamais été préparés à ce genre de questions. « Ce travail de réflexion et d’appréciation doit être introduit graduellement dans le programme d’études et doit commencer dès la Form I », soutiennent quelques enseignants. D’autres estiment même qu’il s’agit d’un exercice proposé généralement à un niveau d’études supérieur.
Mécontents, les profs mettent également en exergue l’absence d’un syllabus commun pour cette matière au niveau du Lower Secondary. « Il s’agit d’un aspect important dans la pédagogie », ne manquent-ils pas de relever. Valeur du jour, chaque collège a son programme d’études qui se base sur celui du SC. « Avec l’introduction de Visual Arts dans cet examen national, nous nous attendions à ce que le ministère propose un syllabus. Nous sommes déjà à la veille de ces examens et nous sommes toujours dans l’attente. Ce n’est pas sérieux de la part des autorités concernées », déplorent ces profs. Ils ajoutent qu’un syllabus commun mettrait les élèves sur un pied d’égalité s’agissant du contenu de l’apprentissage.
« C’est la première fois que je me sens perdue »
En l’absence d’un syllabus, ces enseignants se disent donc « choqués » et dans le flou total quant aux exigences du MES pour la « Section B » du questionnaire. La même réaction est relevée au sein des collèges nationaux et les collèges régionaux d’État et privés. « Pour que les élèves puissent faire une critique sensée et juste d’une oeuvre d’art et la situer dans la période durant laquelle elle a été réalisée, il faut qu’ils aient une connaissance de base de l’histoire de l’art en général. Le domaine artistique est vaste, quel type de création les candidats auront-ils à analyser ?? Est-ce que ce sera une sculpture ou une peinture, et de quel artiste ?? De quelle période de l’histoire parle-t-on dans ce papier d’examen ? » questionne une enseignante d’un collège privé de Beau-Bassin. « J’ai 27 ans de carrière et c’est la première fois que je me sens perdue. »
Selon nos informations, un groupe de profs de collèges d’État ont fait part officiellement de leurs préoccupations dans une lettre adressée au MES. « There is no syllabus as concerned with art history – which period to teach ? Which artist to make reference to ? In which country or about which time do we teach the student ? Is it Indian Art, Egyptian art, European art, Mauritian art or anything else ? » demandent ces enseignants dans cette correspondance. Ils ont prévenu le MES qu’il serait difficile pour un enseignant de « cover all the periods with knowledge of different artists » d’ici la date des examens. L’importance d’avoir en main un prototype du questionnaire proposé par le MES a aussi été évoquée.
Autre élément du questionnaire qui suscite l’indignation de bon nombre de pédagogues : l’inclusion des épreuves théoriques et pratiques dans un seul questionnaire étalé sur trois heures. « Il y a un sentiment d’incompréhension total parmi les profs. Il est antipédagogique et contre-productif de soumettre les élèves à deux types d’épreuves totalement différentes en même temps », fulmine l’un d’eux, qui fait ressortir qu’au niveau du SC/HSC, Cambridge propose les examens écrits et les travaux pratiques à des horaires différents. « Practical and theoretical papers cannot be conducted together. It will be too much stress for student to concentrate on both at one sitting », ont souligné pour leur part ce groupe de profs d’États dans leur lettre au MES.
Toujours selon ces profs d’Arts & Design, le type d’évaluation envisagé par le MES requiert impérativement un nombre plus élevé de “periods” pour l’enseignement de cette matière. En général, les élèves bénéficient seulement de deux à trois périodes par semaine, soit un total de 80 à 120 minutes, jugées insuffisantes par tous nos interlocuteurs. « Déjà, nous n’avons pas assez de temps pour les travaux pratiques. Et maintenant, on veut inclure le travail d’écriture », s’emporte un chef de département.
En cette fin de deuxième trimestre, les profs d’Arts & Design lancent un appel pressant au ministère de l’Éducation pour reporter l’inclusion de Visual Arts dans les examens nationaux de Form III à l’année prochaine, et ce dans l’intérêt, disent-ils, des élèves et de cette matière. « Le ministère devrait reconnaître en toute sagesse que les conditions ne sont pas réunies pour répondre aux attentes du MES. Si les autorités maintiennent ce type d’évaluation, il y a un fort risque que les élèves entrent en salle d’examens avec une angoisse et qu’ils ne donnent pas le meilleur d’eux-mêmes dans les deux évaluations. Ce mode de fonctionnement peut provoquer un désintéressement pour cette matière et freiner ainsi la créativité », préviennent les enseignants. Ils suggèrent aux Mauritius Institute of Education et au MES d’organiser un atelier de travail pendant les prochaines vacances d’août pour discuter du contenu du syllabus et du mode d’évaluation en vue des examens de l’an prochain.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -