Elle sera bientôt une diplômée en comptabilité de l’Université de Maurice. Mais la vie de Bindya Bheenick est loin d’être un fleuve tranquille. Paraplégique depuis dix ans, suite à un accident en 2011, cette jeune de fille de 24 ans a dû se battre contre vents et marées pour pouvoir arriver là où elle se trouve aujourd’hui. Son désir, c’est que les droits des handicapés soient valorisés pour que ces derniers puissent montrer qu’ils sont aussi déterminés et qu’ils ont la capacité tout comme les autres personnes sans handicap. Elle souhaite de plus que tous les autrement capables aient « une chance égale » pour qu’ils ne soient pas marginalisés dans la société.
« C’est assez difficile pour un paraplégique de s’intégrer dans le monde du travail », concède Bindya Bheenick, qui vise déjà le monde professionnel. Elle compte commencer sa carrière dans le domaine de la comptabilité ou de la finance. Malgré son handicap, son désir est d’apporter sa contribution dans le monde du travail. Mais pour elle, des complications se dressent déjà pour les paraplégiques. Le fait de pouvoir se déplacer est l’un des premiers handicaps. Selon elle, les infrastructures « ne sont pas appropriées » pour accommoder les personnes qui se déplacent sur des fauteuils roulants. Douée et intelligente, Bindya Bheenick ne se laisse pas affliger par sa situation. Ne voulant pas être différente des autres, elle avoue avoir envoyé son application à une entreprise, mais a eu comme réponse que celle-ci n’avait pas les infrastructures appropriées pour l’accommoder. « Mis à part les défis de tous les jours pour les personnes en situation de handicap, nous devons aussi affronter les manquements qu’il y a dans le monde du travail », déplore-t-elle.
Mais pour Bindya Bheenick, tout le monde a les mêmes droits. « Mais vu notre situation, nous avons besoin des droits taillés sur mesure pour notre émancipation », dit-elle. Malgré le handicap des autrement capables, elle indique que ces derniers ont la même détermination et la capacité de réaliser leurs rêves. « Mais ce sera très difficile sans le soutien approprié. Tout ce que nous demandons, c’est d’avoir une chance égale », précise-t-elle.
La jeune diplômée soutient toutefois qu’il y a vraiment « une grande lacune » par rapport aux opportunités d’emplois qui sont présentées aux handicapés. « La société et le gouvernement doivent faire plus d’efforts pour que nous ayons tous la même chance. Notre handicap ne limite pas notre capacité ou détermination à accomplir les mêmes choses que les gens dits normaux », dit-elle.
« Beaucoup de manquements »
Mais le problème ne concerne pas uniquement le monde du travail. Bindya Bheenick estime qu’il y a « beaucoup de manquements s’agissant de l’intégration des enfants autrement capables » dans les établissements scolaires. « Tout comme moi, il y a de nombreux enfants qui rêvent de pouvoir terminer leurs études afin de réussir et j’aimerais bien voir d’autres enfants autrement capables avoir les mêmes chances que moi », fait-elle ressortir. Sa simple suggestion est de mettre en place « un système qui identifie les enfants autrement capables et les former dès un très jeune âge pour qu’ils puissent se développer dans les domaines qui leur conviennent ». Elle ajoute : « Nous savons tous que le système éducatif normal est lui-même défectueux alors vous pouvez imaginer combien de lacunes il y a pour les personnes handicapées. »
Comme Bindya Bheenick, d’autres enfants souffrent en silence. Et cette jeune fille estime que ceux qui se trouvent dans cette situation « peuvent très facilement se retrouver dans un endroit sombre, car il est tellement plus facile de baisser les bras ». Mais elle explique que ce n’est « vraiment pas facile » pour un enfant ou un adulte d’accepter son handicap. « Cela demande deux ou même plus d’efforts et d’énergie pour accomplir des choses simples dans la vie », dit la jeune femme. Elle va plus loin et avance que « les regards de la société ne facilitent pas les choses, car les gens Look-Down sur ceux qui sont autrement capables ».
Mais pour elle, le premier pas d’un autrement capable pour affronter la société est de s’accepter et de travailler sur soi afin d’être mentalement fort. « Le soutien des proches est important pour surmonter ces épreuves car, sachant que vos proches sont avec vous, est une grande source de motivation. Il faut aussi faire l’effort de sortir, de parler, de rencontrer des gens et de tendre la main si vous avez besoin d’aide », dit-elle, en partageant son expérience. Bindya Bheenick croit qu’il y a des gens qui sont prêts à aider afin que la personne autrement capable puisse améliorer sa situation. Parlant de son cas, l’Ong APDA et la Global Rainbow Foundation lui ont apporté le soutien qui lui a permis de réussir. En encourageant les autrement capables de contacter ces Ong, elle dit « commencer par ces petits pas pour surmonter toutes les épreuves même si cela semble impossible à présent ».
« Les moyens pour réussir étaient compliqués »
Parlant sur ses études à l’UoM, Bindya Bheenick avance que celles-ci « n’étaient pas si difficiles, mais les moyens pour réussir étaient compliqués ». Mais pour elle, il a fallu de beaucoup d’efforts pour avoir d’aussi bonnes notes. « Il m’a fallu faire beaucoup plus d’efforts pour mes démarches pour que je puisse aller à l’université et assister aux cours », dit-elle. Elle se remémore que terminer sa scolarité secondaire à la maison lui a coûté beaucoup de temps. C’est grâce à sa rencontre avec un monsieur et l’Ong APDA, qu’elle a pu trouver des enseignantes qui venaient chez elle. Les examens, elle les a faits à la maison. Pour mes études supérieures, l’Ong APDA a été d’une précieuse aide et elle a été aidée à trouver un transport pour se rendre à l’université. Un fauteuil motorisé pour faciliter sa mobilité sur le campus lui a aussi été offert par l’Ong GRF.
Bindya Bheenick tiendra son diplôme entre ses mains en novembre. « C’est incroyable et je n’arrive toujours pas à croire que j’aurai bientôt mon diplôme alors qu’il y a quelques années, je ne savais pas si j’allais pouvoir terminer ma scolarité secondaire. Cet accomplissement a certainement dépassé toutes les attentes que j’avais, et même celles de mes parents », dit-elle avec joie. Son premier diplôme terminé, la jeune fille ne compte pas s’arrêter là, puisqu’elle a déjà entamé des procédures pour aller vers une qualification ACCA.
Malgré son handicap, elle puise sa force de ses parents et son frère. « Sans eux, j’aurais baissé les bras très longtemps. Ils m’ont donné le courage dont j’avais besoin pour continuer à persévérer. Ils m’ont donné le soutien moral et physique afin que je puisse me rendre fort moi-même mentalement pour affronter les épreuves qui m’attendaient », avoue-t-elle. Bindya Bheenick se dit heureuse d’avoir été soutenue moralement, financièrement et en autres dons par les deux Ong et une compagnie privée.