HANDICAP—TRILOK MAHADU: « Avant, je vivais comme un rejeté »

Depuis que la Training and Employment of Disabled Person’s Board (TEDPB) Act a été votée en 1996, les compagnies comptant plus de 35 employés sont tenues à avoir 3 % de personnes dites « autrement capables » parmi leur personnel. Mais, comme le soulignait le rapport du National Economic and Social Council (NESC) en 2013, sur quelque 1 260 employeurs concernés, moins de 200 se plient à cette loi. Ce qui fait que nombre de demandeurs d’emploi en situation de handicap, bien souvent, essuient des refus. « Nous n’employons pas des personnes comme vous », s’est par exemple vu répondre Trilok Mahadu sans qu’on ait voulu en savoir plus sur ce dont il était capable. Aujourd’hui, grâce au programme EmployAbility, à l’initiative de l’ONG CraftAid, en collaboration avec l’Union européenne (UE) et la Sicom Foundation, il sera bientôt dûment employé au Spar de Quatre-Bornes après un stage de six semaines et une formation de six mois. Rencontre.
À 31 ans, Trilok Sharma Mahadu a l’impression de renaître. Le travail, source de dignité, lui a redonné goût à la vie. Il a tourné la page des sombres années où il n’était qu’une « personne avec handicap, ne pouvant rien faire d’autre que de rester à la maison » et dépendre de ses parents. Pendant les neuf ans qu’il est demeuré sans emploi, il s’est senti comme un paria. « Je vivais comme un rejeté. J’avais perdu espoir de me faire un jour embaucher. À la maison, je passais mon temps à regarder la télé. J’ai le sentiment d’avoir perdu du temps », confie-t-il. Mais, à partir du mois d’août, après un stage de six semaines où il a su faire ses preuves, Trilok Mahadu fera dûment partie du personnel du supermarché Spar d’Orchard Centre, à Quatre-Bornes. Il y sera employé comme « packer » et effectuera aussi des remplacements au niveau des rayons. « J’ai fait plusieurs demandes d’emploi dans le passé, mais les entreprises voyaient toujours mon handicap en premier ».
À l’âge de 22 ans, Trilok Mahadu est victime d’une attaque qui paralyse la partie gauche de son corps. C’est alors une descente en enfer pour cet ancien superviseur d’usine. « On me jugeait sur mon physique ». Il n’oubliera jamais l’une de ces nombreuses expériences blessantes quand un jour, attiré par un joli bijou dans la vitrine d’une bijouterie, « à peine le seuil de la porte franchi, la dame m’a sommé de sortir, me prenant pour une personne venue mendier. Or, je voulais juste m’enquérir à propos du prix. Le regard des gens doit changer ! », lance-t-il.
Plus dévouées
Pour Trilok Mahadu, la discrimination à l’égard des personnes en situation de handicap est manifeste à Maurice. C’est ainsi qu’il lance un appel aux entreprises de faire un effort pour recruter ces personnes. « Elles sont souvent plus sincères et plus dévouées, car elles ont besoin de travailler. Aujourd’hui je suis heureux, car mon patron me considère comme un employé normal. Il ne me fait pas sentir que j’ai un handicap. Il voit davantage mes capacités ». Avoir un emploi l’a aidé à oublier son handicap. « Je ne suis plus refermé sur moi-même. Les gens ne me regardent pas d’un regard différent, car, comme eux, je gagne ma vie en travaillant. Je suis plus autonome financièrement et j’en suis très content ». Le célibataire se permet même de rêver d’avoir une maison à lui à l’avenir. « Je suis aujourd’hui une personne bien dans sa peau. Je ne me sens pas malade ».
C’est un ami qui lui a parlé du programme EmployAbility. Détenteur d’un National Technical Certificate 3, il s’informe et est invité à passer un entretien. « J’ai bénéficié de cours en License of Skills de « retailing » et « storekeeper », qui m’a appris beaucoup de choses. Si une personne fait une crise d’épilepsie, je sais désormais comment m’y prendre pour lui venir en aide ». Le programme EmployAbility est une initiative de l’ONG Craft Aid, qui a reçu le soutien financier de l’UE à travers le Decentralised Cooperation Program. « Nous avons aussi la Sicom Foundation qui nous a offert des équipements tels des ordinateurs portables et des machines à coudre. L’ONG Craft Aid est le plus gros employeur de personnes avec handicap à Maurice, avec une cinquantaine de personnes dites « autrement capables » sur 250 employés. La Global Rainbow Foundation (GRF) a agi comme facilitatrice en nous mettant en contact avec la Sicom Foundation », explique le program manager, Deegesh Maywah.
Introduit en janvier 2014, l’EmployAbility Program, qui s’étale sur 18 mois, a formé plus de 180 personnes avec handicap. Parmi, plus de 170 ont trouvé un stage en entreprise. Le but du projet : « développer les talents et les compétences de personnes en situation de handicap afin de les aider à devenir financièrement autonomes et à contribuer au développement du pays ». Selon Deegesh Maywah, l’ objectif était de placer 125 personnes dans des compagnies, mais ce chiffre a été largement dépassé. « Au terme des 18 mois du programme, nous essaierons d’approcher les compagnies pour qu’elles investissent leurs fonds CSR dans notre projet. Nous envisageons de développer des emplois à résidence tout en développant des technologies nécessaires à ce nouveau concept ». L’EmployAbility Program se déroule en plusieurs étapes. L’on identifie d’abord les potentiels avant de les développer et de viser l’obtention d’un emploi rémunéré. Un réservoir d’employés potentiels détenant les compétences et les comportements appropriés, prêts à rejoindre le marché du travail est créé.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -