(Histoire vécue) Victime d’un AVC-Nalini Aubeeluck : « J’étais ligotée dans mon propre corps »

À elle seule, Nalini Aubeeluck incarnait l’image d’une femme à qui tout réussit. Entrepreneuse, actrice, ayant remporté de nombreux prix à Maurice et à l’international, elle avait un destin en or. Jusqu’à ce jour fatidique du 20 mars 2020 où, suite à une hémorragie cérébrale, elle sombre dans le coma pendant sept jours pour se réveiller le 27 mars, soit le jour de son anniversaire, dans l’incapacité de parler et avec une paralysie du côté droit de la main et du pied.

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Emmurée vivante dans un corps qui l’a portée au firmament de sa gloire, Nalini Aubeeluck lutte de toutes ses forces. À force de physiothérapie, elle gagne graduellement la mobilité de sa main droite et reprend la parole, tout en se rappelant encore qu’il y a deux ans, elle ne savait pas qui elle était et d’où elle venait.

Ses mots, Nalini les prononce par saccades, cherchant du fond de sa mémoire à poser ses souvenirs en filigrane. Elle est de la trempe de ceux qui ne se laissent pas facilement abattre. Épaulée dans sa maladie par Hans, son fils unique et sa mère, Nalini, connue pour ses qualités de leader qui lui ont valu de figurer parmi les 100 femmes les plus influentes de Maurice, d’être première dauphine de TOYP (The Outstanding Young Person), de la JCI (Junior Chamber International), a également été la première Mauricienne à bénéficier d’une couverture sur CNN tout en faisant partie du Top 10 des influenceurs des médias sociaux sur une plateforme en ligne basée aux États-Unis. Forte de son parcours, Nalini s’accroche. Si elle a oublié, ses fans, eux s’en souviennent…

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Chez Nalini Aubeeluck, pour ceux qui l’ont côtoyée, hormis cette image de femme glamour, toujours à la pointe de la mode, il y a aussi sa générosité. Elle savait tendre la main à ceux dans le besoin, savait réconforter un malade ou distiller sa passion de la danse à ses élèves. Partie de rien, elle a créé son académie de danse, fait déhancher les adhérents au son de tous les rythmes de notre île tropicale.

Ambassadrice de Maurice, elle a fait reculer bien des tabous en prouvant qu’une femme pouvait aussi bien faire qu’un homme. Présentatrice, animatrice, entrepreneuse à succès, actrice, elle a incarné le rôle de l’héroïne principale dans Lonbraz Kann, acclamé dans différents festivals de films à travers le monde. Avec The come-back, elle a été nominée pour le prix Sotigui.

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« 2% de chance de survie »

Malade lors du premier confinement de 2020, plongée dans un coma, elle est revenue à la vie sept jours après. « C’était deux jours après le mariage de Hans. J’avais des maux de tête et à peine après avoir parlé à mon fils et ma mère, le 20 mars 2020, j’ai sombré dans le coma. Hans et ma mère m’ont conduite en ambulance à l’hôpital. Ils ont appelé le Dr Boodhoo, neurologue, qui m’a opérée tout en confiant à mes proches que mes chances étaient minimes. J’étais entre la vie et la mort, et par la grâce de Dieu, je me suis réveillée sept jours après, soit le 27 mars 2020, jour de mon anniversaire. Mes chances de survie n’étaient que de 2% après avoir passé sept jours dans le coma », confie-t-elle.

À cause du confinement, l’accès à l’hôpital est refusé à son fils et sa mère. Nalini se souvient encore de son trouble de mémoire. « Je ne pouvais pas parler, pas marcher. On me disait : Nalini ou kapav dir ou non, kot ou abite. Ki non, ki ladress ?» Tout s’embrouille dans sa tête, les mots bourdonnent et Nalini se souvient comme un automate, scrutant d’un regard terne chaque personne qui lui parlait. Elle essayait de sonder leur âme, leur crier son désarroi d’être une emmurée vivante, mais personne n’a rien compris.
Elle n’avait que 44 ans. Elle à qui la vie souriait et qui était le rayon de soleil du matin et la Glam Woman de la nuit n’était plus qu’une ombre. Il lui a fallu des mois pour apprendre à marcher, à parler avec le soutien indéfectible d’un physiothérapeute et d’une masseuse. « Il y avait une dame qui avait essayé de me faire marcher, mais je ne pouvais rien faire avec ma main et mon pied droit. Avec Manish Tupsy, un autre physiothérapeute, la marche s’est faite progressivement, puis la parole est revenue avec des balbutiements, j’arrivais à avoir des expressions, des mots. Marcher me faisait mal, tout n’a été que douleurs. Aujourd’hui, j’ai récupéré 85% de ma motricité, mais il y a encore du chemin à faire. Moi, ce dont je me souviens clairement, c’est d’avoir repris connaissance le jour de mon anif et d’être retournée chez moi, le jour de l’anniversaire de mon fils en avril 2020. » Comme portée par cet amour filial, Nalini n’a aussi de cesse de rendre grâce à Dieu qui lui a permis d’avoir une deuxième naissance.

Comme une renaissance

Nalini a dû se reconstruire à travers des exercices physiques à la plage tous les dimanches pour se ressourcer. « Ni ma famille ni moi n’avons chopé le Covid, on a été protégés en ce sens. Mais mon entreprise a pris un sacré coup, je ne peux plus rien faire pour le moment, sinon déléguer. Hans et sa femme Diksha qui sont coaches assurent la relève », poursuit-elle.

Désormais, le rythme de vie de Nalini tourne au ralenti, mais elle n’a pas perdu espoir de sortir gagnante de cette bataille. Deux ans après, elle porte toujours des séquelles, elle s’est documentée sur l’hémorragie cérébrale, a dialogué avec les gens à travers le monde qui ont été victimes d’attaque cérébrale similaire. Son travail est en suspens. Nalini est davantage présente sur les réseaux sociaux et regarde des films sur Netflix qui lui procurent une paix d’esprit en attendant des jours meilleurs.

« Avant, je n’avais pas de temps pour moi, pour les autres. Aujourd’hui, je vis avec le temps et je me rapproche des autres. Ça fait 25 ans que je suis dans le monde du spectacle, enchaînant non-stop des activités, debout à 7h, rentrée vers minuit. Pour mon alimentation dans un premier temps, ma mère réduisait en purée mes légumes pour m’aider à aller mieux ; maintenant, je me gave à tel point que sans la gym, je m’interroge », dit-elle.

« J’oublie, je m’égare, mais je reste forte »

Des éclats de rires retentissent dans son monde clos, Nalini retrouve sa joie de vivre, flirte de nouveau avec la vie et épouse les contours de son nouveau destin. Elle se souvient de ce prix décerné par le ministère des Arts et de la Culture en 2020 pour son projet de long-métrage. Elle avait déjà fignolé l’écriture de son script avec Hanshini Appannah et Stéphane Bellerose. Ce même projet avait été approuvé pour une subvention du National Arts Fund.

Des images de ses années de gloire reviennent en elle. Et sans amertume!
Nalini n’est pas de cette trempe d’artistes qui tirent leur révérence facilement. Elle reste dans l’ombre pour l’instant, regardant son fils et sa belle-fille assumer la relève. L’an dernier, le Nalini Dance Group, auréolé de ses 25 ans d’existence, lui rappelait tout son parcours jeté en pâture par une hémorragie cérébrale inattendue. « Dans mon académie, on enseigne le zumba, la danse de Bollywood, des cours de make-up. Bref, c’est une vraie école de formation. Je me dis dans mon for intérieur: “Nalini, rien n’est perdu, tu vas y retourner”. De malade à morte, je suis revenue à la vie. Je suis en train de redevenir une personne normale. Je vais beaucoup mieux au niveau de la motricité, j’ai pu réapprendre à écrire l’alphabet, les mots. Parfois j’oublie, je m’égare, mais je reviens, plus forte », note-t-elle.

Le 27 mars 2022, Nalini fêtera ses 45 ans. Elle souhaite que son accident de parcours soit chose du passé. Cela lui a permis de marquer une pause pour mieux comprendre le pourquoi de sa mission sur terre. Et aujourd’hui, elle ambitionne de reprendre ses projets artistiques. « J’employais 16 personnes et aujourd’hui j’apprends à reculer pour mieux rebondir, un peu comme le Covid qui nous pousse à revoir notre stratégie de vie », dit-elle.
Son témoignage est bouleversant, tout comme sa force de caractère. Nalini Aubeeluck, la femme solaire, conserve ce rayonnement intérieur. Même dans la maladie, elle entend être l’ambassadrice de ceux qui souffrent du même mal qu’elle.

« J’ai eu beaucoup de chance malgré des stigmates psychologiques. C’est inespéré. Je le sais, je ne l’oublie pas. Je pense à ceux qui n’ont pas cette chance. Je pense à ceux qui n’ont pas pu se réveiller d’un AVC. Je pense à leurs familles. J’ai mal pour eux. Les mots me manquent.»
En guise de conclusion à une étape…

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